Rencontre malienne à Alger: Bamako et l’Alliance appellent à un arrêt des hostilités

Rencontre malienne à Alger: Bamako et l’Alliance appellent à un arrêt des hostilités

par Moncef Wafi, Le Quotidien d’Oran, 6 février 2012

Tenue du 2 au 4 février à Alger, la rencontre dite de concertation entre le gouvernement malien, représenté par son ministre des Affaires étrangères, Soumeylou Boubeye Maiga, et l’Alliance démocratique du 23 mai pour le changement, conduite par Hamada Ag Bibi, l’un des fondateurs et porte-parole du mouvement, dont des membres combattent aux côtés du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) contre l’armée régulière dans le Nord malien, a débouché sur un appel «pressant» pour arrêter les hostilités qui ont repris depuis le 17 janvier dans la région où le MNLA et d’autres rebelles touareg mènent dans le Nord malien une offensive visant, selon un porte-parole du mouvement, à libérer «le peuple de l’Azawad de l’occupation du Mali».

Cette offensive militaire remet en cause l’Accord d’Alger signé le 4 juillet 2006 dans la capitale algérienne entre les représentants de Bamako et ceux de l’Alliance, qui reconnaissaient, entre autres, l’intégrité du territoire malien, répondant ainsi à la crainte d’un développement d’une forme de séparatisme.

Privilégiant le dialogue et la concertation, les deux parties, sous l’égide de la facilitation de l’Accord d’Alger du 4 juillet 2006, ont décidé de fédérer leurs efforts en faisant appel à «toutes les bonnes volontés» à Kidal, Gao et Tombouctou, régions qui représentent géographiquement l’Azawad, considéré comme le fief naturel des Touareg, et Bamako pour améliorer le quotidien des populations autochtones. Le 17 février 2009, l’Alliance démocratique du 23 mai pour le changement, après d’âpres négociations avec l’Algérie comme médiateur, avait accepté de déposer les armes. Et cette reprise des armes a sonné le glas à des accords fragiles remis en cause par la réalité du terrain, le peu d’empressement de Bamako à honorer ses engagements « sociaux » envers les Touareg. Le gouvernement malien, lors de cette rencontre, reconnaitra les «retards accusés» dans la mise en œuvre des programmes convenus dans le cadre du Pacte national et de l’Accord d’Alger.

Quant à la situation sécuritaire pour le moins instable dans la région, les deux parties ont tenu à réitérer leurs engagements dans la lutte contre le terrorisme, estimant que les évènements au nord du Mali ne pouvaient les détourner de la véritable menace, qui réside dans le terrorisme et le crime transnational organisé.

A la fin septembre 2006, l’Alliance affrontait les salafistes du GSPC qui souhaitaient établir une base arrière au nord du pays, alors que le Mali fait partie du CEMOC, au même titre que l’Algérie, la Mauritanie et le Niger.

Cette région frontalière avec l’Algérie revêt une importance stratégique pour Alger dans sa lutte antiterroriste et sa stabilité, un gage de réussite dans le renforcement de la situation sécuritaire. En décembre dernier, et selon l’AFP, des militaires algériens, et plus précisément une équipe d’instructeurs d’au moins 15 personnes, parmi lesquels figurent des officiers, se trouvaient dans le nord du Mali pour «apporter assistance» à l’armée malienne dans la lutte antiterroriste. Procédant à une évaluation de la situation sécuritaire qui prévaut au nord du Mali, les parties ont condamné le recours à la violence et déploré les pertes en vies humaines occasionnées, exprimant leur «compassion et sympathie» aux familles et proches des victimes.

Par ailleurs, et à l’issue de cette rencontre à Alger, Bamako a exprimé sa «disponibilité» au dialogue en mandatant l’Alliance à entreprendre les premiers contacts avec le MNLA en vue de préparer une mission de paix élargie aux représentants des institutions maliennes, de l’Alliance, des notables targuis, de la société civile sous les auspices d’Alger, remercié pour la circonstance par les deux parties pour son soutien au règlement de la situation.

Rappelons que sur le terrain des opérations, les rebelles ont attaqué plusieurs villes comme Ménaka et Aguelhoc, faisant plusieurs morts et blessés des deux côtés. Les batailles ont également provoqué l’exode de milliers de personnes – on parle de plus de 4.500 exilés – vers des campements au Mali, mais aussi au Niger et en Mauritanie.

Cette volonté d’urgence pour sortir de ce conflit s’explique aussi par la crainte du gouvernement malien de la réaction des familles des militaires engagés dans le Nord. Ces dernières, sorties dans la rue depuis mardi, dénoncent le silence sur la situation de leurs proches et la «mollesse du pouvoir» face aux rebelles. La colère de la rue a pris pour cible des Touareg dont les propriétés ont été saccagées. Cette chasse au Targui a poussé plusieurs dizaines de Mauritaniens vivant au Mali à se réfugier, jeudi, dans leur ambassade à Bamako, craignant pour leur sécurité, et affirmant avoir peur d’être pris pour des Touareg. Pourtant, la veille, le président malien Amadou Toumani Touré avait exhorté ses concitoyens à éviter «l’amalgame» entre rebelles et civils touareg, mais cette intervention présidentielle n’a pas pour autant empêché les représailles contre des familles targuies à Kati.