Quatre pays du Sahel discutent d’Al Qaîda à Bamako

LEURS FORCES CONJOINTES NE SONT TOUJOURS PAS EN ACTION

Quatre pays du Sahel discutent d’Al Qaîda à Bamako

Par Kamel LAKHDAR-CHAOUCHE, L’Expression, 22 Novembre 2011

Les responsables militaires des pays du Sahel (Mali, Mauritanie, Niger, Algérie) ont entamé hier une réunion à huis clos destinée à évaluer la situation sécuritaire dans leur région confrontée au terrorisme et à la grande criminalité. Cette rencontre des chefs du Comité d’état-major opérationnel conjoint (Cemoc), regroupant les états-majors militaires des quatre pays, intervient conformément aux dispositions du mémorandum de coopération et de coordination des actions de lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée, signé à Tamanrasset (sud) en 2009 entre l’Algérie, le Mali, la Mauritanie et le Niger. Il est attendu au cours de cette réunion que les chefs des armées de ces quatre pays discutent et examinent les étapes franchies jusqu’ici par les pays de la région, notamment dans le cadre de la coopération militaire portant sur la lutte antiterroriste et la grande criminalité.

Créé en avril 2010, le Comité d’état-major opérationnel ambitionnait de lutter contre l’insécurité, et particulièrement contre la branche d’Al-Qaîda au Maghreb (Aqmi) dans le Sahel. Au cours de cette réunion, le général de corps d’armée, Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major de l’ANP, assistera également à la passation de la présidence du Conseil des chefs d’états-majors des pays du Sahel entre le chef d’état-major général des armées maliennes, dont le mandat a expiré et le chef d’état-major national de la République islamique de Mauritanie. Les participants à cette rencontre auront à étudier la situation sécuritaire et les moyens adéquats afin de favoriser une meilleure coordination dans la lutte contre un fléau qui ne cesse de prendre de l’ampleur à l’ombre de la crise libyenne. C’est dans ce même état d’esprit que se tiendra, le 10 décembre prochain à Nouakchott, une réunion des ministres des Affaires étrangères de ces quatre pays, comme l’a annoncé le ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, a déclaré Abdelkader Messahel, ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, lors d’une conférence de presse conjointe avec le ministre mauritanien des Affaires étrangères, Hamadi Ould Baba Ould Hamadi, animée en marge des travaux de la 10e session du Comité de suivi algéro-mauritanien.

Abdelkader Messahel a, pour rappel, souligné que la réunion sera élargie à trois autres pays de la région, à savoir le Tchad, le Burkina Faso et le Nigeria. L’association de ces trois pays, a-t-il expliqué, intervient à la suite des connexions constatées entre l’organisation terroriste Boko Haram, activant au Nigeria et les groupes terroristes agissant dans les pays du Sahel. «Notre sous-région est plus que jamais confrontée à de sérieux défis de sécurité. Cela se traduit notamment par la prolifération accrue des armes de tous calibres, suite à la crise libyenne», a fait savoir le ministre malien de la Défense, Natié Pléa, au début de la rencontre qui s’est ensuite tenue à huis-clos. Et d’ajouter, dans le même contexte, que le risque de voir des organisations criminelles, ainsi qu’Al Qaîda au Maghreb islamique, «s’emparer de cet arsenal à des fins terroristes, constitue un vrai motif de préoccupation pour nos Etats».Pour vaincre le terrorisme au Sahel et tous les fléaux, qui gravitent autour, l’Algérie, par exemple, plaide pour des opérations communes d’envergure, coordonnées pour la durée, dans tout le Sahel.
Des actions qui seront, rappelle-t-on, assurées et dirigées par les pays de la région. De son côté, le ministre nigérien des Affaires étrangères Mohamed Bazoum, en visite officielle à Alger depuis samedi, avait estimé à Alger que le Cemoc devait devenir opérationnel, car, a-t-il soutenu, le Cemoc n’est toujours pas opérationnelle sur le terrain, au moment où Aqmi s’installe de plus en plus dans cette zone. Par ailleurs, Abdelkader Messahel a annoncé que les pays du champ (Algérie, Niger, Mali et Mauritanie) allaient proposer à leurs partenaires de l’Union européenne (UE) lors d’une prochaine réunion, qui les regroupera à Bruxelles le 8 décembre prochain avec leurs partenaires européens, des aides financières pour la prise en charge des projets de développement.
Nos partenaires extra-régionaux, a-t-il ajouté, ont exprimé leur disponibilité lors de la réunion d’Alger, les 7 et 8 septembre dernier, à accompagner nos pays voisins dans le financement du développement, notamment les infrastructures.


ZAKARIA CISSÉ, CHEF DE LA DÉLÉGATION GUINÉENNE AU FGCT, À L’EXPRESSION

«La Guinée a demandé son adhésion au Conseil des pays du Sahel»

Par Kamel LAKHDAR-CHAOUCHE

L’Expression: Quelle appréciation faites-vous de la réunion du groupe de travail sur le renforcement des capacités de lutte antiterroriste au Sahel?
Zakaria Cissé: La lutte contre le terrorisme est devenue aujourd’hui l’une des préoccupations mondiale, qui interpelle tous les pays et experts pour arrêter une stratégie commune en mesure d’éradiquer cette menace. Cela dit, aucun pays n’est à l’abri du terrorisme. De ce fait, une coopération régionale et internationale doit se faire pour mettre en oeuvre des stratégies communes portant sur la lutte antiterroriste et la grande criminalité. En plus, les travaux du Forum portent notamment sur le terrorisme et la grande criminalité au Sahel, une question qui nous interpelle également nous, en tant que Guinéens. D’ailleurs, je pense que mon pays a introduit une demande d’adhésion au Cercle des pays du Sahel.

La Guinée a-t-elle réellement demandé son adhésion au Cercle des pays du Sahel (Cemoc), engagés dans la lutte antiterroriste et le crime organisé dans la région?
Je pense que la Guinée a sollicité les pays de la région sahélo-saharienne (Algérie, Mali, Mauritanie et Niger) pour qu’ils l’intègrent dans le cadre du mécanisme commun pour la lutte contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière, en l’occurrence le Comité d’état-major opérationnel conjoint (Cemoc). La Guinée n’est pas touchée par le terrorisme, mais elle demeure fortement affectée par le trafic d’armes et la traite des êtres humaine.
Et puis, les armes qui transitent par la Guinée sont acheminées droit vers le Sahel où elles sont commercialisées. Il y a également sa position géographique par rapport aux pays du Sahel. Outre ses frontières avec un pays membre du Cemoc, à savoir le Mali, la Guinée partage de longues frontières avec des pays très instables, sortant à peine de la guerre civile et de tensions pratiquement permanentes, en l’occurrence le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Liberia.

D’où viennent ces armes, qui inondent le marché du Sahel et qui transitent par la Guinée?
A ce sujet, il faut dire que les processus de désarmement menés dans certains pays, en l’occurrence le Liberia et la Côte d’Ivoire à la suite des guerres civiles, qui ont eu lieu dans un passé récent, ont été mal réalisés. Aujourd’hui, les armes, tous calibres confondus, circulent à grande échelle dans la région. Profitant de la faiblesse des institutions des pays concernés, les réseaux de la grande criminalité alimentent le marché du Sahel, devenu, actuellement, une plaque tournante de tous les trafics.
Aujourd’hui, la Guinée constitue le passage idéal pour les réseaux de trafic d’armes, qui approvisionnent le marché du Sahel. Pour cela, la Guinée juge que sa position sur l’échiquier régional lui permet de prendre part au Cemoc. Car la Guinée est aussi gravement touchée par la grande criminalité, qui s’étend jusqu’aux pays du Sahel. Les réseaux de la criminalité et du trafic, notamment d’armes en Guinée, élargissent leurs activités pour faire passer leurs armes au Sahel, où ils trouvent un marché transnational, de plus en plus juteux. Donc, la Guinée est concernée d’une manière ou d’une autre par les objectifs arrêtés par les pays du Sahel, qui souffrent de la menace terroriste et du banditisme transnational.

Quelles sont les motivations ayant poussé la Guinée à solliciter les pays du Sahel pour une éventuelle adhésion?
D’abord, il faut savoir que la coopération dans le cadre sécuritaire entre la Guinée et les pays de Sahel, notamment l’Algérie, est permanente. Donc, la coopération est déjà établie. A cela s’ajoute la position de la Guinée qui, comme je l’ai déjà dit, sert de réservoir et de passage d’armes, provenant des pays entourant la région subsaharienne, qui nourrit le marché du Sahel, menaçant la sécurité régionale. Par conséquent, la Guinée se trouve incluse dans les préoccupations des pays du Sahel et des objectifs de ces pays portant sur le développement, la lutte contre le terrorisme et la grande criminalité.