Instabilité dans la région du Sahel : les ressources minières et énergétique attisent les convoitises

Instabilité dans la région du Sahel : les ressources minières et énergétique attisent les convoitises

El Watan, 30 avril 2012

De l’avis de beaucoup de politologues, l’Algérie «n’a jamais connu une telle instabilité à ses frontières Sud». Coup d’Etat au Mali, insécurité au Niger, scission au Soudan… les poches de conflit se multiplient dans la région sur fond de menaces d’ingérence étrangère.

Mais au-delà des aspects sécuritaires et politiques, cette instabilité pose des interrogations sur les véritables enjeux économiques que représente la région et qui dessinent les stratégies adoptées par les puissances occidentales vis-à-vis d’elle.
Les richesses énergétiques et minières ne manquent pas dans la région, connue pourtant pour être l’une des plus pauvres au monde.
Pétrole, gaz, or, uranium, diamant, phosphate, bauxite, plutonium, manganèse, cobalt… sont autant de bonnes raisons qui font de la région «un espace de convoitises» qui «attise les appétits des grands groupes internationaux», a écrit le journal l’Humanité (10 janvier 2011).

Outre le français Areva, premier producteur mondial d’uranium, American Corporation, BHP, CNCP et d’autres sont présents au Sénégal, au Soudan, au Mali, au Niger…
La rivalité franco-américaine s’active autour d’une région instable, emprise avec toutes sortes de fléaux : trafic de drogue, traite d’êtres humains, immigration clandestine et le terrorisme qui, «malgré de réelles menaces, sert d’alibi pour légitimer le discours et la stratégie sécuritaires occidentaux», qui cherchent à «sécuriser leurs approvisionnements en matières énergétiques et minérales», selon le journal français.

Pour certains observateurs, la recherche d’une mainmise sur les richesses naturelles que recèle la région par les puissances mondiales est ce qui suscite leur intérêt et aussi leur inquiétude vis-à-vis de la région et de son instabilité.
Mahdi Taje expert du Sahel, chercheur à l’Institut de recherche stratégique de l’école militaire de Paris, estime, dans un entretien accordé à la presse mauritanienne, que «la réalité géographique de cette zone permettrait à certains Etats, s’ils se positionnent économiquement et militairement de mieux contrôler les richesses des Etats du Maghreb et les richesses d’Afrique de l’Ouest». Leur objectif est de «se positionner au sein de ce couloir stratégique pour sécuriser leurs approvisionnements en matières sensibles, énergétiques et minérales, vers le golfe de Guinée pour les débouchées américains, vers le Sahara et la Méditerranée pour l’Europe enfin vers la Mer Rouge pour l’Asie».

Importance économique croissante

Il faut dire que l’importance économique de la région n’a cessé de s’étendre ces dernières années, suite «aux découvertes énergétiques au Tchad et en Mauritanie», souligne le politologue M’hand Berkouk (dans un entretien à El Watan). Selon lui, «c’est l’enjeu énergétique qui peut expliquer cet engouement de la France, de la Chine et des USA». Récemment encore, le pétrolier français Total annonçait avoir signé deux permis d’exploration avec les autorités mauritaniennes sur le bassin de Taoudéni, jugé très «prometteur».
Selon l’agence internationale de l’énergie, la demande mondiale en pétrole et en gaz naturel devrait doubler dans les vingt prochaines années.

Les Etats-Unis qui importent 15% de leurs besoins d’Afrique devraient en importer 25% en 2015».
De ce point de vue, «le Sahel pourrait alors jouer un rôle prépondérant de fournisseur d’énergie», notamment avec l’entrée du Tchad et de la Mauritanie dans le cercle des pays producteurs de pétrole, pense Mohamed Saleck, directeur du Centre mauritanien de recherches sur le développement et le futur dans une contribution intitulée «Sahel : une géopolitique de l’invisible !», publié sur son site web.

Côté ressources minières, la tendance est similaire. Le Mali est considéré comme le troisième producteur d’or en Afrique, le Niger et le second producteur mondial d’uranium, ce qui le place au centre des intérêts français au vu de son important programme nucléaire. Selon Mhand Berkouk, «avant de conclure les accords d’indépendance (1960) avec le Niger, la France s’est assurée du droit exclusif à l’exploitation des mines d’uranium». Areva, la compagnie chargée de l’exploitation de ce minerai, «n’hésite pas à utiliser toutes les méthodes, y compris l’incitation à la violence, pour préserver ce privilège. En septembre 2007, elle avait financé le Mouvement de la jeunesse démocratique du Niger pour s’insurger contre l’Etat nigérien», explique-t-il.

Ancienne puissance coloniale dans la région, la France cherche donc à sécuriser ses approvisionnements.
A côté de la France, «les Etats-Unis ont un autre projet qui est déjà mis en place à travers d’un oléoduc qui désenclave le pétrole tchadien à travers le golfe de Guinée», selon Mahdi Taje. Enfin, la Chine «désenclave le pétrole sud-soudanais vers Port-Soudan et l’exporte à travers la mer Rouge».

A travers sa compagnie pétrolière CNPN, la Chine est le plus gros investisseur étranger au Soudan, avec 5 milliards de dollars dans le développement de champs pétroliers. Selon l’AIE, l’Asie, notamment la Chine et l’Inde, devrait être responsable de 65% environ de l’augmentation totale de la demande d’énergie de tous les pays en développement, d’ici 2030.
En clair, les atouts économiques du Sahel sont devenus objet d’antagonismes politico-économique entre les principales puissances mondiales pour «le contrôle de ses richesses». Un objectif qui va façonner en grande partie leur approche vis-à-vis de l’instabilité de la région.
Safia Berkouk


Philippe Hugon. Directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS, Paris)

«Les intérêts stratégiques français ne sont pas menacés»

Philippe Hugon est directeur de recherche à l’IRIS, en charge de l’Afrique. Il est consultant pour de nombreux organismes internationaux et nationaux d’aide au développement (Banque mondiale, BIT, Commission européenne, OCDE, ministère des Affaires étrangères, PNUD, Unesco). Il est également professeur émérite, agrégé en sciences économiques et enseigne au sein du Collège interarmées de défense et de l’Institut supérieur de relations internationales et stratégiques (ISRIS).

-Une forte instabilité est observée dans la région du Sahel depuis quelque temps déjà. Comment expliquez-vous cette situation ?

Il a plusieurs facteurs, certains de longs termes, dont le fait qu’on soit dans des zones où les investissements ont été relativement limités pendant une longue période, où il y a eu un certain nombre de trafics, comme le trafic de drogue, d’armes, d’otages, il y a le fait qu’on soit dans des zones où il n’y a pas eu de transition démographique. Il y a de plus en plus de jeunes qui ont très peu de perspectives. Il faut ajouter les effets du printemps arabe et la chute dEl Gueddafi en Libye. Il y a eu à ce moment-là des retours importants de migrants qui venaient du Sahel, qui se trouvaient en Afrique septentrionale. Il y a aussi le retour des mercenaires qui ont pris les armes, notamment dans des mouvements touareg, à commencer par le Mali, et puis on a eu également dans des zones peu contrôlées par le pouvoir central (immense à contrôler), le développement de différents katibas de la nébuleuse Al Qaîda, dont certaines ont une volonté de mettre en place un kalifat depuis la Mauritanie jusqu’en Somalie et d’autres sont ancrés davantage dans l’économie criminelle, c’est-à-dire le contrôle des principaux secteurs mafieux (drogue, prise d’otage…). Cette conjonction de facteurs a accru l’instabilité.

-Au-delà des aspects sécuritaires, on sait que la région regorge de ressources énergétiques et minières. Pensez-vous que cela puisse être à l’origine ou exacerber les conflits dans la région ?

Il est toujours difficile de répondre à ce genre de question parce qu’on n’a pas toute l’information nécessaire. Il y a différents types de ressources. Globalement, les zones sahéliennes sont peu riches parce qu’elles manquent d’eau, l’élevage se fait de manière extensive, il n’y a pas d’agriculture très performante. En revanche, il y a les ressources du sous-sol. Sur les ressources minières, il est évident qu’il y a des enjeux dans la région, à commencer par l’uranium au Niger. L’or est un des minerais qui existe aussi. On a actuellement des problèmes très importants dans les possibilités d’exploration et peut-être ultérieurement d’exploitation du pétrole. La plupart des pays sont sûrement dotés en pétrole. Donc, il y a la question pétrolière qui peut également constituer un des enjeux. Le problème c’est que d’une part, nous n’avons pas la totale information sur cette question du fait que l’exploration a été limitée, mais que les possibilités qu’il y ait du pétrole, par exemple, au Mali, dans la région de l’Azawad, existent. Par contre, est-ce que c’est un facteur explicatif ? C’est plus difficile à dire. De toute façon, on ne connaît pas du tout l’importance de ces gisements, et il y aurait des problèmes extrêmement difficiles à régler en termes d’évacuation, en supposant qu’il y ait du pétrole dans l’Azawad, il faudrait un immense oléoduc et un coût élevé. Il n’a pas été démontré actuellement qu’il y avait une rentabilité l’exploitation pétrolière. Mais on n’a pas une totale information transparente sur cette question.

-La France est parmi les pays qui ont des intérêts économiques au Sahel, elle est présente dans l’énergie, le BTP, les services. Pensez-vous qu’elle soit aujourd’hui menacée ?

Il y a des intérêts économiques certes, mais les zones sahéliennes ne sont pas du tout les zones où les intérêts économiques en Afrique sont les plus forts pour les entreprises françaises ou dans le monde. Il y a des domaines où il y a un intérêt stratégique, c’est l’uranium pour la firme Areva pour qui le Niger constitue un enjeu stratégique, comme pour la Chine, d’ailleurs. Il y a eu des prises d’otages de membres d’Areva et derrière, il y avait un enjeu qui a concerné à la fois la politique française, notamment sa présence en Afghanistan et, d’autre part, les possibilités d’agir vis-à-vis de la firme Areva. Par contre, je ne pense pas qu’on puisse dire que les intérêts stratégiques français sont menacés. Ceux qui sont menacés sont des personnes physiques qui peuvent être prises en otages et ça peut concerner des cadres d’entreprise. Mais je ne pense pas cependant qu’il faille faire une analyse en considérant qu’il s’agit d’une zone stratégique par rapport aux intérêts économiques français.

-Quel type de démarche la France pourrait-elle adopter pour protéger ses intérêts stratégiques ?

L’élément de stabilité est essentiellement du ressort des autorités nationales, des forces militaires, des forces de police et d’une coopération régionale qui a du mal à se faire. Il faut absolument que les pays riverains puissent assurer une sécurité et lutter contre Al Qaîda et assurer le contrôle des mouvements rebelles. La priorité résulte donc des Etats et de la coopération régionale entre eux, mais on sait que c’est très difficile. La France peut appuyer ces Etats et la coopération régionale parce qu’elle dispose de services de renseignement efficace comme les Etats-Unis et peut avoir un appui logistique qu’elle peut donner à ces forces, mais elle ne peut pas aujourd’hui intervenir directement. Il serait aberrant d’envisager une intervention militaire directe. Il faudrait absolument que ça passe par la CEDEAO, l’Union africaine, et les Etats souverains. Par contre, elle peut faire appel à des services de sécurité privés pour protéger certains nombres d’enjeux stratégiques miniers ou pétroliers comme cela a toujours existé dans le monde. La France mais aussi l’Union européenne peuvent participer aux négociations nécessaires entre les mouvements rebelles et les autorités politiques légitimes. Pour le cas du Mali, il faut absolument qu’il y ait un accord politique entre les mouvements touareg et le gouvernement. La seule solution est la négociation et la diplomatie et non pas l’action militaire.
Safia Berkouk


Prétexte terroriste et «agendas néo-colonialistes»

La conquête et la mainmise sur les richesses que recèle la région du Sahel vont servir aux grandes puissances occidentales de «prétexte pour s’y déployer» sous couvert de la lutte contre le terrorisme, pensent les chercheurs et autres spécialistes de la région.

Le 29 mars dernier, dans la foulée du coup d’Etat au Mali, Serge Michailof, chercheur associé a l’IRIS, professeur à Sciences Po, estimait dans le journal Le Monde qu’«une réponse militaire est nécessaire au Sahel et il faudra pour ce faire renforcer les armées nationales», en soulignant au passage que «le nord du Sahel a besoin d’un plan Marshal pour sortir de la violence».
La France est déjà bien avancée sur ce point, selon Mohamed Saleck, directeur du Centre mauritanien de recherches sur le développement et le futur, puisqu’elle a «des troupes positionnées dans la région du Sahel ou à proximité». Elle dispose de quatre bases militaires permanentes en Afrique : au Sénégal, au Gabon, à Djibouti et l’Île de la Réunion, selon l’état-major des armés français.
Le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, a indiqué dans un entretien à France 24 le 54 avril que son pays était prêt «à assurer la logistique» en cas d’intervention force d’attente de la CEDEAO au Mali.

Les Etats-Unis, quant à eux, avaient lancé dès 2002 l’initiative Plan Sahel et «organisent régulièrement les exercices militaires avec les armées des pays du Sahel». «Officiellement, il s’agit de renforcer les capacités des armées locales. Officieusement, c’est une manière d’affirmer leur présence militaire», pense Mehdi Taje, chercheur à l’Institut de recherche stratégique de l’école militaire de Paris, dans un entretien publié dans la presse mauritanienne.Pour M. Saleck, l’implication de la communauté internationale dans le renforcement des capacités du système régional de sécurité au Sahel prête souvent à «une tentation d’internationalisation de la menace Al Qaîda dans cette région».

Or, cette perspective est «souvent assimilée à une sordide connivence avec des agendas néo-colonialistes dont les objectifs inavoués visent le contrôle par des puissances occidentales (Américains et Européens notamment), de la route de l’ouest des flux énergétiques». Tout cela, dit-il, au détriment des autres puissances régionales ou internationales comme les Russes, les Chinois, les Brésiliens, etc.
Safia Berkouk


Ahmed Kateb. Chercheur en relations internationales

«Un hub énergétique au cœur des rivalités régionales et internationales»

Ahmed Kateb est maître assistant à l’Ecole nationale supérieure de journalisme et des sciences de l’information. Il a notamment enseigné le cours «problématiques sécuritaires au Sahel» au département des sciences politiques de l’université de Tizi Ouzou.

-La montée de l’instabilité et des conflits dans plusieurs pays de la région du Sahel, peut-elle être appréhendée dans sa seule dimension sécuritaire et politique ?

Appréhender l’instabilité chronique de la bande sahélienne par sa seule dimension politico-sécuritaire est réducteur. L’analyse de la situation de cette zone tampon entre le Maghreb et l’Afrique subsaharienne nécessite l’appréhension de plusieurs facteurs, bien sûr le politique et le sécuritaire, mais aussi le facteur socioéconomique et la dimension humaine. La situation est tellement complexe que l’interaction entre tous les facteurs brouille les pistes pour les chercheurs et les analystes de la situation au Sahel.
Aussi, sur le plan géopolitique, le Sahel est perçu comme une zone grise, où l’autorité des Etats est relâchée sinon quasi inexistante, permettant une porosité extrême des frontières et une criminalisation croissante des acteurs économiques qui profitent de la défaillance de l’autorité des Etats de la région pour instituer des fiefs mafieux en relation avec d’autres groupes de crime organisé, dans la région et ailleurs (notamment pour les narcotrafiquants colombiens avec leurs relais au Nigeria, au Mali, au Niger et au Tchad). Et c’est justement cette interaction des facteurs crisogènes, le caractère interstice de la zone sahélienne entre le Maghreb et l’Europe plus au Nord et l’Afrique subsaharienne au Sud, et les richesses énergétiques de cette région (gaz, pétrole, uranium, or, fer, etc.) qui confèrent au Sahel son statut de hub énergétique au cœur des rivalités régionales et internationales.

-Les Etats-Unis, la France et la Chine s’intéressent à cette région. L’enjeu est-il le même pour tout le monde (les motivations économiques priment-elles sur le reste) ?

Les motivations stratégiques ne sont pas dissociables des motivations économiques. Et si certaines puissances donnent l’impression de s’intéresser davantage aux aspects économiques dans leurs relations avec les pays de la région, comme c’est le cas de la Chine par exemple, cela n’exclut pas une lutte en sourdine avec d’autres puissances «traditionnelles» dans la région à l’instar de la France et des Etats-Unis. A titre d’exemple, Pékin mise sur son soft Power économique et technologique pour percer en Afrique, laissant de côté tout préalable politique de bonne gouvernance, d’Etat de droit et de transparence. Les Chinois sont adeptes de l’expression business as usual ! Ce n’est donc pas un hasard si la Chine s’intéresse aux énergies fossiles, aux minerais et aux ressources naturelles du Sahel en contrepartie d’une expertise en matière de téléphonie, dans le bâtiment, dans les infrastructures et dans l’énergie nucléaire.
Il y a cependant un autre point à soulever. Celui de la géopolitique des tubes, c’est-à-dire des gazoducs et des oléoducs. Le Sahel se trouve être un espace charnière pour le transport du pétrole et du gaz. Les luttes d’influence entre les trois protagonistes cités dans votre question (Etats-Unis, France et Chine) se dessinent clairement sur le terrain.

Le théâtre soudanais déterminera le débouché vers l’Asie du pétrole du Sud-Soudan et peut-être du Tchad via la mer Rouge, le théâtre tchadien, intermédiaire, est important pour l’évacuation du pétrole du bassin du lac Tchad, du bassin de Doba et celui du Termit au Niger, vers l’Amérique via les ports camerounais et nigérians. Enfin, le Sahel occidental (Mali et Niger) est stratégique pour la sécurité du gazoduc Lagos-Beni Saf qui reliera le Nigeria et l’Algérie pour le transport du gaz nigérian vers l’Europe. C’est dire que les manœuvres stratégiques s’expliquent en grande partie par des intérêts économiques.

-La région possède des ressources énergétiques et minières considérables. Cette donne favorisera-t-elle, pour l’Occident une approche militaire, sous couvert de lutte contre le terrorisme ?

La lutte antiterroriste a été le prétexte de bien d’interventions de certains pays occidentaux contre d’autres pays souverains. L’exemple de l’Irak en 2003 est désormais un cas d’école dans l’utilisation de l’alibi sécuritaire (lutte antiterroriste ou détention d’armes de destruction massive) par les Etats-Unis. Plus près de nous dans le temps et dans l’espace, l’exemple libyen. Au nom de la protection des populations civiles contre les représailles du pouvoir central, l’OTAN sous la houlette des Etats-Unis et de la France a bombardé la Libye et décapité son gouvernement. Le CNT libyen avait au préalable promis 35% de l’exploitation des champs pétrolifères aux compagnies françaises. La chose économique est toujours présente dans les stratégies des superpuissances. En ce qui concerne le Sahel, c’est l’uranium qui attise les convoitises des uns et des autres. La France pour des raisons historiques tient la dragée haute à ses concurrents au Niger.

Le groupe nucléaire français Areva exploite la plus grande mine d’uranium à ciel ouvert en Afrique, à Arlit, dans le nord du pays. En septembre 2010, sept employés d’Areva ont été kidnappés par un groupe affilié à AQMI, et l’échec d’une précédente intervention française au nord du Mali pour libérer l’otage Michel Germaneau capturé en juillet 2010 au Niger fait de la France un acteur direct dans le processus de criminalisation-sécurisation du Sahel. Pourra-t-elle relever le défi de la concurrence chinoise et/ou américaine ? Quel est le prix que ces puissances voudront payer pour garantir leur présence sur le terrain ? Et quid des relations avec les pays du champ sahélien. Toutes ces questions méritent d’être posées.

-Au milieu de cette instabilité et des intérêts des puissances mondiales, quels sont les risques encourus par l’Algérie du fait qu’elle partage des frontières avec des pays sahéliens?

L’Algérie fait face actuellement à un lent processus de fragmentation dans son voisinage immédiat. Outre l’autoproclamation de l’indépendance de l’Etat touareg de l’Azawad au nord du Mali, c’est la Libye qui risque de connaître le même sort avec les tentations autonomistes voir sécessionnistes de la Cyrénaïque riche en hydrocarbures, et même du Fezzan au Sud. La myopie des Occidentaux dans l’affaire libyenne a conduit à l’embrasement de tout le Sahel, car en intervenant contre le colonel El Gueddafi, l’OTAN a ouvert la boîte de Pandore de l’arsenal libyen pour tous les groupes armés dans la région, ce qu’avait fortement mis en garde l’Algérie dans son analyse de la situation en Libye. Autrement dit, l’implosion du Mali est le résultat indirect de l’intervention de l’OTAN contre la Libye.
C’est dire que les risques géopolitiques sont grands, l’Algérie est entourée de pays fortement instables et est confrontée elle-même à la menace terroriste sur son territoire et même ailleurs (enlèvement des diplomates algériens à Gao au Mali). Mais ce qui est capital, c’est la préservation de l’unité nationale de l’Algérie dont les richesses et la position stratégiques pourraient aiguiser bien des appétits.

Safia Berkouk