Un rapport parlementaire français qui accable l’Algérie

Situation politique et économique, succession de Bouteflika, coopération dans la lutte antiterroriste

Un rapport parlementaire français qui accable l’Algérie

Liberté, 22 janvier 2017

Malgré les concessions et les énormes facilités offertes à la France, ses députés n’hésitent plus à livrer le fond de leur pensée à l’égard de notre pays. Une image qui tranche singulièrement avec les discours policés et des déclarations d’intention entendues çà< et là.

Lors de la présentation d’un rapport d’information sur la coopération européenne avec les pays du Maghreb, après une mission de six mois dans la région, deux députés français se sont illustrés jeudi par des déclarations fracassantes concernant notamment l’Algérie.
Au cours de cette séance présidée par Elisabeth Guigou, ancienne ministre de la Justice et garde des Sceaux, députée de la Seine-Saint-Denis et présidente de la commission des affaires étrangères à l’Assemblée nationale française, Guy Teissier, député des Bouches-du-Rhône, a vite annoncé la couleur : “Au plan politique, en Algérie, la question qui préoccupe les esprits, et tous les esprits, c’est celle de la succession d’Abdelaziz Bouteflika qui a été réélu, comme chacun sait, en 2014, dès le 1er tour. De nombreux mouvements internes ont lieu dans les milieux administratifs, militaires et économiques, vraisemblablement pour préparer la succession du chef de l’État. Les autorités ont effectué de nombreux remaniements depuis mai 2015 et, notamment, dans les services de renseignements, le DRS, où le général Médiene a été mis en disgrâce. Et, plus récemment, le président Bouteflika a remplacé le DRS par une nouvelle structure rattachée directement à la Présidence pour l’avoir sans doute à sa main, mais aussi pour la sortir du giron de l’armée.
Et vous savez qu’en Algérie l’armée occupe une place très très importante et notamment par son chef de l’état-major qui se verrait bien probablement en successeur de Bouteflika.” Le député du parti Les Républicains se montrera plus nuancé dans son analyse lorsqu’il reconnaît ensuite : “Ces mouvements sont difficiles à interpréter tant la finalité est opaque, tant il y a beaucoup de groupuscules et d’éléments d’incertitudes (et non des moindres) dans la situation économique et sociale de ce pays. La baisse de la rente pétrolière a bien évidement été une catastrophe pour ce pays.”
Les difficultés économiques de l’Algérie ne sont pas négligeables, selon le parlementaire français : “Nous avons trouvé un pays qui donne l’impression que tout fonctionne mais où tout semble artificiel.” Pour lui, la croissance économique est “trop faible” pour résorber le chômage chez les jeunes.

Un peuple aux antipodes du pouvoir ?

Craignant un “risque de délitement”, Guy Teissier aborde également, non sans inquiétude, “une chape de plomb” qui pèse sur les libertés : “Nous avons été surpris par les difficultés de la presse indépendante à s’exprimer en dehors d’une certaine orthodoxie.” Guy Teissier, qui est également président de la Communauté urbaine de Marseille, estime par ailleurs que les entrepreneurs français ont du mal à travailler en Algérie. Pourtant, tout le monde croyait, jusque-là, à tort ou à raison, que les entreprises françaises disposaient réellement de très “gros atouts” dans notre pays. Ainsi, les concessions accordées et les énormes facilités offertes semblent ne plus trouver grâce aux yeux des entrepreneurs français. Le député enfonce le clou sur ce registre des relations franco-algériennes en évoquant le “prurit permanent” du pouvoir algérien quand il s’agit de la France : “Dans ce pays, il y a un dysfonctionnement entre le gouvernement et le peuple : le peuple est en demande de France quand le gouvernement rejette la France et ne manque pas une occasion de vilipender notre pays.” Les mots son lâchés ! D’après lui, les nouvelles générations seraient ainsi plus ouvertes à la France et moins sujettes aux préjugés que nourriraient le pouvoir à l’égard de la France.

À quoi jouent les militaires au Sahel ?

Jean Glavany, ancien ministre français de l’Agriculture et de la Pêche, député PS des Hautes-Pyrénées et membre de la Commission défense à l’Assemblée nationale française, a abordé pour sa part “la menace terroriste” et “les ratés” des échanges d’informations entre les services français et algériens. Il rapporte une anecdote à ce sujet, selon laquelle des militaires algériens ne répondraient pas aux coups de fil de leurs homologues français stationnés au Mali.

L’accusation est très lourde et n’est pas tout à fait nouvelle.
L’Algérie avait déjà essuyé par le passé de nombreuses critiques qui ont conduit à l’isolement politique, à l’’embargo économique et militaire jusqu’aux guerres médiatiques et aux instruments des renseignements.
Après cela, que peuvent encore valoir les belles déclarations et autres professions de foi dont nous abreuvent les officiels français et les nôtres à l’occasion des visites échangées et de leurs rendez-vous protocolaires ?

Mohamed-Chérif Lachichi


Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale Française

«Les pays du Maghreb sont au cœur d’une instabilité politique et sécuritaire»

El Watan, 22 janvier 2017

La commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale française a consacré, mercredi, un débat au rapport d’information sur la coopération européenne avec les pays du Maghreb.

Ce rapport établi suite à une mission de six mois effectuée par les députés Jean Glavany et Guy Teissier, a mis le point sur la «fragilité» des Etats du Maghreb qui sont au cœur d’une instabilité politique et sécuritaire. Jean Glavany évoque l’état de santé et l’âge avancé des dirigeants des trois pays au cœur du Maghreb que sont la Tunisie, l’Algérie et le Maroc.

«Si on regarde le cœur du Maghreb et cette trilogie Tunisie, Algérie, Maroc, on découvre cette double fragilité politique et sécuritaire… Je suis frappé de voir à quel point tout tourne autour des hommes et de leur fragilité», souligne le député socialiste Jean Glavany. «En Tunisie, le pouvoir est exercé par Essebsi qui a 89, bientôt 90 ans et est une fragilité extrême.

En Algérie, il y a Bouteflika dont mon collègue a parlé. Et au Maroc, un roi courageux, moderne et visionnaire à certains égards… mais cet homme est un roi malade. Je ne suis pas porteur de secret médical, mais tout le monde sait qu’il est atteint d’une maladie à évolution lente, qu’il est soigné à la cortisone… Et lui aussi, il représente après Essebsi et
Bouteflika des pouvoirs personnels qui sont d’une grande fragilité et sur lesquels pèsent beaucoup d’interrogations. Et il en va de même sur le plan sécuritaire», indique le rapporteur Glavany.

«Des troubles sociaux latents»

Et de préciser que «le terrorisme se fait œuvre quotidienne des services de Renseignement de ces trois pays» qui ont pour autre point commun d’être «aux prises avec le même défi démocratique face à la radicalisation de leurs sociétés». «De Benkirane au Maroc, qui nous a fait un numéro de charme sur l’islamisme et la politique, en passant par l’Algérie qui a la prétention de contrôler son islam en nommant tous les imams et en dictant les prêches par le ministère du culte, en arrivant en Tunisie avec la présence d’Ennahdha au pouvoir… ces pays du cœur du Maghreb ont le même défi démocratique de radicalisation des sociétés et d’une tradition politique chancelante», affirme le rapporteur avant d’évoquer «leur immense fragilité économique».

«Des troubles sociaux dans les trois pays du Maghreb sont sous-jacents au quotidien avec un petit dièse pour le Maroc dont nous avons vu le boom des zones économiques autour de Rabat», a déclaré M. Glavany, en prédisant qu’à tout moment dans ces trois pays «la révolution des ventres pourrait se produire». Le député et président de la mission parlementaire française, Guy Teissier, a noté dans son intervention que la sécurité de l’Europe se joue au sud et que la connaissance de ces pays par la France n’est plus ce qu’elle était. «Les habitants qui ont connu la présence française disparaissent et il serait hasardeux de croire que l’héritage historique suffit à préserver nos relations», dit-il.

«Le Chef d’état-major se verrait comme successeur»

Rapportant les résultats de son analyse de chaque pays, Guy Teissier note que ce qui occupe tous les esprits en Algérie, c’est la succession de Bouteflika. «De nombreux mouvements internes ont lieu dans les milieux militaires et administratifs pour préparer la succession de Bouteflika», indique le député en précisant que «l’armée occupe un poste très très très important en Algérie, notamment le chef d’état-major qui se verrait bien comme successeur de Bouteflika». M. Teissier considère que ces moments sont toutefois «très difficiles à interpréter tant la finalité est opaque». «Il y a beaucoup d’incertitudes sur le plan économique et social et la baisse de la rente pétrolière a été une catastrophe…

C’est un pays qui donne une impression de fonctionnement, mais où tout semble artificiel. Une chape de plomb pèse sur ce pays», dit encore le missionnaire de l’Assemblée nationale française. Et d’ajouter : «Nous avons été très surpris de voir les difficultés que la presse libre a à s’exprimer, il faut être dans l’orthodoxie, sans quoi on est emprisonnés ou battus.» Sur le plan économique, M. Teissier souligne que «le rythme de croissance est très faible, le mécontentement grandit chez les jeunes surtout que le taux de chômage est de 30% et touche les jeunes de 16 à 24 ans. Malgré le discours du gouvernement sur la diversification de l’économie, les contraintes administratives continuent à peser sur le privé».

Le député français estime que «cette fragilité économique est d’autant plus inquiétante que la société est marquée par des mouvements centrifuges importants». Il évoque les événements de Ghardaïa et note que «ces forces font peser sur le pays un danger de délitement et de retour aux solidarités régionales vécues comme plus protectrices dans un contexte économique dégradé, ce à quoi nous devons être très attentifs». Même si le terrorisme a baissé en Algérie, les crises régionales, note M. Teissier, risquent de raviver la menace. Le député indique d’ailleurs que si la coopération militaire est très bonne avec la Mauritanie, le Maroc et la Tunisie, elle est difficile avec l’Algérie : «Nous avons rencontré tous les agents en poste là-bas, c’est compliqué, il n’y a aucune coopération, ils n’en veulent pas.»

Et Glavany de nuancer en notant qu’il existe une coopération, mais qu’elle est difficile. Evoquant la relation du «je t’aime moi non plus» avec l’Algérie, M. Teissier dit avoir noté une certaine culpabilisation des Français sur une espèce de retour d’un néocolonialisme «que nous ne voulons d’ailleurs pas, mais qui nous est reproché surtout par le gouvernement. Il y a un besoin de la France et un repoussoir de la France, on ne sait pas comment avancer».

Tout en notant que l’Union du Maghreb est une «réalité politique absente et évanescente du fait de la cassure entre l’Algérie et le Maroc sur la question du Sahara occidental», les députés missionnaires ont plaidé pour que la France et l’Europe accordent plus d’intérêt à la rive sud de la Méditerranée et surtout aux pays du Maghreb. «Ces pays sont nos premiers voisins du Sud et ne peuvent pas être autre chose qu’une priorité de la diplomatie française et européenne», estime M. Glavany.

Et M. Teissier d’ajouter que «l’avenir de nos nations passe par le développement de ces pays.Ils représentent un intérêt vital pour l’Europe et particulièrement pour nous, Français». Les débats qui ont suivi la présentation du rapport ont axé sur les voies et moyens de renforcer les liens entre la France et les pays du Maghreb et les dangers de l’instabilité des pays du Sud sur la sécurité de l’Europe.
Nadjia Bouaricha

 


Le général Gaid Salah « se verrait bien un successeur de Bouteflika »

Riyad Hamadi, TSA, 21 janvier 2017

La succession du président Bouteflika « occupe les esprits » en Algérie et « le chef d’État-major se verrait bien probablement un successeur » du chef de l’État, selon un rapport parlementaire français, présenté mercredi 18 janvier, devant l’Assemblée nationale.

« Sur le plan politique, la question qui occupe tous les esprits, est celle de la succession d’Abdelaziz Bouteflika », affirme Guy Tessier, député de Les Républicains (LR, droite) qui a effectué une mission de six mois avec son collègue Jean Glavany (PS, gauche) sur les atouts et les fragilités du Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie).

Le parlementaire français enchaîne en rappelant que les changements opérés par le président Abdelaziz Bouteflika au sein des services de renseignements et le limogeage du général Mohamed Medienne dit Toufik. « Les autorités ont opéré de nombreux remaniements depuis mai 2015, notamment dans les services de Service de renseignements, le DRS », rappelle Guy Tessier, pour qui le général Medienne a « été repoussé du pouvoir, mis en disgrâce ».

Pour le député du parti Les Républicains, le président Bouteflika, a remplacé le DRS par une structure rattachée directement à la présidence, « sans doute pour l’avoir à sa main, mais aussi pour la sortir du giron de l’armée ». « L’armée occupe un poste très très important, notamment par son chef d’État-major (le général Gaid Salah), qui se verrait bien probablement un successeur de Bouteflika », affirme-t-il. (Vidéo, 16’36)

Il tempère ses propos en soulignant que ces changements sont « difficiles à interpréter tant la finalité est opaque ». « Il y a beaucoup de groupuscules et d’éléments d’incertitudes dans la situation économique et sociale de ce pays », explique-t-il.

Le député pointe aussi les difficultés économiques de l’Algérie après la baisse de la rente pétrolière qui « a été catastrophique ». Il décrit un pays qui « donne une impression de fonctionnement, mais tout semble artificiel ». Guy Tessier affirme aussi qu’une chape de plomb pèse sur l’Algérie où « la situation des difficultés est extrêmement difficile ». Pour lui, la croissance économique est « trop faible » pour faire face au chômage chez les jeunes, et prévient sur le risque de « délitement » de l’Algérie.


Un rapport officiel français s’alarme de l’état de santé de Bouteflika et de Mohamed VI

Riyad Hamadi, TSA, 20 janvier 2017

Un rapport parlementaire français s’alarme de l’état de santé du président Abdelaziz Bouteflika et du roi Mohamed VI. À l’issue d’une mission parlementaire qui a duré six mois dans les trois pays du Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie), deux députés, Guy Teissier (Les Républicains, droite) et Jean Glavany (PS, gauche), ont fait part de leurs inquiétudes lors de la présentation de leur rapport devant l’Assemblée nationale mercredi dernier.

Ils disent avoir été frappés par la fragilité des trois dirigeants maghrébins, ce qui représente une source d’inquiétudes pour l’avenir, rapporte La Chaîne Parlementaire (LCP), sur son site internet.
Mohamed VI « atteint d’une maladie à évolution lente »

En Algérie, les députés ont évoqué l’état de santé de Bouteflika, dont la mobilité et l’élocution sont réduites depuis son AVC dont il a été victime en 2013. Ils soulignent l’âge avancé de Caid Essebssi et expriment des inquiétudes au sujet de l’état de santé du roi du Maroc.

« En Tunisie, le pouvoir exercé par Nidaa Tounes et Essebsi, 89 bientôt 90 ans, fragilité extrême », a dit Jean Galvany. Sur le Maroc, il s’inquiète aussi de l’état de santé de Mohamed VI. « Au Maroc, un roi courageux, moderne, visionnaire à certains égards, mais cet homme est un roi malade, tout le monde sait qu’il est atteint d’une maladie à évolution lente soignée à coup de cortisone », a expliqué le député et ancien ministre.

De son coté, Guy Teissier a souligné la difficulté pour les entrepreneurs français à travailler en Algérie et évoque un gouvernement hostile à la France. « Dans ce pays, il y a un dysfonctionnement entre le gouvernement et le peuple : le peuple est en demande de France (sic) quand le gouvernement rejette la France et ne manque pas une occasion de vilipender notre pays ».


Lutte antiterroriste au Sahel : les militaires français accusent leurs homologues algériens de négligence

TSA, 20 janvier 2017

La coopération dans la lutte contre le terrorisme entre l’Algérie et la France est loin d’être bonne. Selon un parlementaire du PS (Parti socialiste), les militaires français se sont plaints des difficultés à joindre au téléphone leurs homologues algériens pour leur signaler la présence en Algérie de terroristes qui ont fui le Sahel.

« Quand on parle avec des responsables de la sécurité français, à propos du Sahel et notamment quand ils poursuivent des bandes terroristes, qui se réfugient derrière la frontière algérienne, il y a un problème quasiment de numéro de téléphone. Ils ont des contacts pour prévenir les Algériens, pour signaler les terroristes, mais au fond ça ne répond pas. Il y a une coopération, elle est meilleure que jamais, mais elle est encore insuffisante », a raconté Jean Galvany, mercredi devant l’Assemblée nationale française lors de la présentation d’un rapport d’information sur la coopération européenne avec les pays du Maghreb, rapporte LCP sur son site internet.

Ce rapport a été établi à l’issue d’une mission de six mois qui a été conduite par Jean Galvany et son collègue des Républicains Guy Teissier.