La contrepartie d’une «générosité»

ALGERIE-FRANCE

La contrepartie d’une «générosité»

Le Quotidien d’Oran, 29 juillet 2004

En signant un accord d’une teneur importante avec l’Algérie, la France vient de s’approprier une place privilégiée dans un pays qui «appâte» un grand nombre d’économies en quête de marchés nouveaux.

Après de longues années de tergiversations, Paris vient de faire le saut le plus qualitatif en matière de coopération qu’elle n’ait jamais fait en Algérie. «La France n’a jamais signé un accord aussi important», avait déclaré, mardi, à Alger Nicolas Sarkozy, son ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie. Accorder deux milliards d’euros en une seule tranche, sous quelque forme qu’elle soit, n’est pas rien pour un pays qui était plutôt capricieux vis-à-vis d’un marché qu’il trouvait plus déstructuré qu’attrayant. Aujourd’hui, les choses semblent aller vite et l’Algérie et la France ont bel et bien signé ce qu’ils ont convenu d’appeler «un aide-mémoire de coopération au service de la croissance et du développement». Seulement, il faut reconnaître qu’il a fallu plusieurs années aux deux parties pour arriver à ce résultat. Au moins un des deux milliards accordés par la France à l’Algérie a été négocié il y a longtemps.

Les contacts «sérieux» avaient commencé au moins dès le début du premier mandat de Bouteflika. Un signe qui ne trompe pas, le retour d’Hubert Colin de Verdière, au poste d’ambassadeur à Alger, qu’il a occupé pendant cette période. Promu secrétaire général au Quai D’Orsay, depuis plusieurs mois, De Verdière revient pour représenter la France après le décès de Daniel Bernard. La nomination de De Verdière au poste de SG du ministère des Affaires étrangères était vue certainement comme une promotion accordée à un diplomate qui a bien négocié les intérêts de son pays à Alger. Tous les projets qui sont inscrits dans l’aide-mémoire ont été «maturés» lorsqu’il était en poste à Hydra. Son retour, aujourd’hui, à Alger comme ambassadeur, doit répondre à des considérations d’efficacité et de suivi au profit d’un accord qui doit atteindre l’ensemble des objectifs fixés.

Les deux pays ne doivent pas se tromper en cours de route. Ils sont tenus de mener à bien le processus de coopération qu’ils ont mis en route.

A défaut, ils devraient, chacun de son côté, chercher d’autres clients et d’autres partenaires. Mais pour l’une -l’Algérie- à ce jour, elle peine à convaincre de sa bonne foi pour l’ouverture et pour la seconde -la France- il faut admettre qu’elle n’est pas seule à lorgner de l’oeil du côté du marché algérien, l’un des plus prometteurs et porteurs dans la région. D’ailleurs, la valeur de l’aide-mémoire signé avec l’Algérie laisse croire que la France vient de faire, véritablement, une exception en matière de coopération par rapport à ce qu’elle a l’habitude de traiter avec le reste des pays de la région. Elle a été le premier pays membre du «Club de Paris» à accepter de relever le niveau de conversion de la dette algérienne de 10 à 30% . L’on peut aisément conclure que l’Algérie a dû lui assurer pour toute cette «générosité», une contrepartie qu’il s’agit maintenant de mesurer. Au-delà des contrats juteux que peuvent, désormais, décrocher sans difficulté, les entreprises françaises, il est admis que du point de vue politique, l’Algérie se devra de respecter, de préserver et de protéger la caractéristique de l’exception et du privilège qu’elle a accepté d’accorder à la coopération qui la lie, désormais, à la France. Elle devra accorder des places de marché exclusives aux entreprises françaises. Et le plus dur pour elle, c’est qu’elle devra empêcher tout autre pays de s’en approcher. La partie ne sera pas facile quand il s’agira pour elle de tempérer les ardeurs des Américains qui comptent sur elle en tant que pays pivot pour réussir la globalisation des marchés maghrébins.

Pour l’instant, Alger se doit de croire à «un tu l’as vaut mieux que deux tu l’auras». Une vieille thèse lui rappelle mieux: quand la France bouge, le reste de l’Europe peut faire mouvement dernière elle. C’est peut-être là le début d’une coopération qui lui permettra de diversifier ses partenaires pour ne pas être l’otage des seuls Américains aux visées hégémoniques sur la région.

Ghania Oukazi