Filières tchétchènes » : de trois à dix ans d’emprisonnement requis

Filières tchétchènes » : de trois à dix ans d’emprisonnement requis

Le Figaro, 4 mai 2006

La procureure a requis devant la 14e chambre du tribunal correctionnel de Paris de trois à dix ans d’emprisonnement pour les 27 islamistes radicaux présumés, soupçonnés d’avoir projeté des attentats en France en 2001-2002. Le verdict est attendu le 12 mai.

Ils sont suspectés d’avoir participé à une filière d’acheminement de djihadistes vers la Géorgie dans le but de combattre en Tchétchénie et, pour certains d’entre eux, d’avoir projeté en 2002 un attentat à l’arme chimique ou biologique en France. Les 27 islamistes présumés, dont la grande majorité sont en détention, sont principalement poursuivies pour «association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste». Le procureur, Anne Kostomaroff, a requis la peine maximale de dix ans, assortie d’une période de sûreté des deux tiers, à l’encontre de cinq des 27 prévenus, présentés comme « les donneurs d’ordre »: Merouane Benhamed, Menad Benchellali, Saïd Arif, Nourredine Merabet et Mohamed Marbah.

L’accusation s’appuie notamment sur des listes de produits chimiques saisies dans un appartement de Romainville, en Seine-Saint-Denis, qui auraient pu entrer «dans la composition de substance explosives». Les enquêteurs ont aussi retrouvé un atelier de faux papiers, des circuits imprimés et un système de mise à feu dissimulé dans une machine à laver. Un an plus tard, ils découvrent un laboratoire de fabrication d’un poison mortel, la ricine. Menad Benchellali, un Français né à Vénissieux, est soupçonné d’en être à l’origine. Il figure aujourd’hui parmi les 27 jugés. Parmi les autres accusés, comparaissent d’anciens membres du maquis du Groupe islamique armé (GIA) de Chleff en Algérie, des djihadistes internationaux proches d’Al-Qaïda et des «petites mains» recrutées dans les banlieues françaises.

Des pressions subies durant la garde à vue à la DST

Certains prévenus ont reconnu durant l’instruction des projets d’attentats sur le sol français. Les débats ont pourtant donné lieu à de nombreux revirements, notamment avec la mise en cause de la police et de la justice antiterroristes.

Un prévenu et témoin clef du procès, Maamar Ouazane, a affirmé à l’audience que le juge d’instruction Jean-Louis Bruguière avait fait pression sur lui pour que, en échange de sa remise en liberté, il confirme des projets d’attentats contre la Tour Eiffel, un grand magasin du Forum des Halles, des commissariats de police ou des bâtiments abritant des intérêts israéliens. Le frère de Maamar Ouazane, Khaled Ouazane, a pour sa part fait état de violences subies en garde à vue à la Direction de surveillance du territoire (DST, contre-espionnage) en vue de lui extorquer des aveux sur les agissements du groupe de Romainville. Un autre prévenu, Abderahmane Alam, a détaillé les pressions subies durant la garde à vue à la DST en compagnie de sa femme, gravement diabétique. Saïd Arif, un Algérien de 40 ans extradé de Syrie vers la France en juin 2004 et présenté comme un important responsable djihadiste, a accusé la France d’avoir confié «le sale boulot» aux services syriens qui l’auraient torturé pour lui soutirer des aveux.

Menad Benchellali, une des principales figures du dossier, a pour sa part affirmé que les projets d’attentat imputés à son groupe ne tenaient «pas debout», au cours d’échanges souvent houleux entre la défense et la présidente Jacqueline Rebeyrotte. Cette dernière a fait l’objet d’une demande de récusation, sa manière de conduire les débats étant très contestée. Cette demande a été rejetée par la cour d’appel de Paris.