L’imam des Minguettes s’en sort bien

L’imam des Minguettes s’en sort bien

AP, Bernard Delattre, La Libre Belgique, 15 juin 2006

Le sulfureux prédicateur lyonnais relativement épargné par le verdict du procès des filières tchétchènes. Les juges antiterroristes pointés du doigt par les nuances de l’arrêt. Comme, auparavant, par les incidents d’audience.

C’est l’aboutissement d’un des dossiers de terrorisme islamiste les plus importants jamais instruit en France. Important par le nombre de prévenus: 27, mélange hétéroclite d’anciens maquisards du GIA algérien, de jihadistes liés à al Qaeda et de petits caïds de banlieue. Important par les cibles des attentats qu’ils sont accusés d’avoir fomenté, en 2001-2002: rien moins que la tour Eiffel, l’ambassade de Russie ou le centre commercial des Halles à Paris. Important par l’identité des commanditaires présumés de ce réseau: la nébuleuse constituée autour de Moussab al Zarqaoui, l’ex-représentant d’al Qaeda en Irak. Important par le modus operandi envisagé: des attentats à l’arme chimique, à la ricine, notamment.

Mercredi, le tribunal correctionnel de Paris a rendu son verdict dans le procès fleuve du réseau islamiste dit des «filières tchétchènes».

Les prévenus étaient poursuivis pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Au début des années 2000, plusieurs d’entre eux avaient fréquenté des camps d’entraînement d’islamistes radicaux en Afghanistan ou dans les bases arrière tchétchènes de Géorgie. Cinq d’entre eux ont été condamnés à de lourdes peines, de huit à dix ans de prison.

Parmi eux, l’Algérien Saïd Arif, qui, lors de son extradition de Syrie vers la France en 2004, avait été présenté par Dominique de Villepin (alors ministre de l’Intérieur) comme «un des jihadistes les plus aguerris auquel notre pays a eu à faire face». Ou Menad Benchellali, un Franco-Algérien, fils aîné d’une famille qui a alimenté la chronique de ces quinze dernières années, notamment pour avoir lancé à Lyon la querelle autour du port du voile islamique.

«Procédés de bourreau»

Un des frères de Menad Benchellali, Mourad, faisait partie des six Français détenus à Guantanamo. Leur père, Chellali Benchellali, n’est autre que l’ancien et médiatique imam radical de la cité des Minguettes à Vénissieux (banlieue lyonnaise), dont l’arrestation et le placement en garde à vue avaient fait grand bruit à l’époque. Il a été condamné à 18 mois de prison avec sursis.

Selon le réquisitoire, lourd de plus de 500 pages, ce réseau a voulu «porter le jihad en Occident». Ce raisonnement n’a toutefois pas été entièrement suivi par les juges, qui ont rendu un verdict nuancé. Ainsi, une vingtaine de prévenus -dont l’imam des Minguettes, contre lequel six ans avaient été réclamés- ont été condamnés à des peines très inférieures à celles requises par le parquet. Et deux prévenus ont été relaxés.

Les perquisitions, il est vrai, si elles ont permis de mettre la main sur des faux papiers, des bouteilles de gaz, des dispositifs électroniques de mise à feu et des produits chimiques, n’ont jamais conduit à la découverte de bombes proprement dites, prêtes à l’emploi. Et les aveux utilisés lors de ce procès ont été souvent contestés.

Ainsi, Saïd Arif a longuement décrit à la barre les tortures dont il dit avoir été victime dans les geôles syriennes, avant son extradition vers la France.

Et dans un des nombreux incidents d’audience qui ont émaillé le procès, son avocat s’est insurgé que la Justice française utilise «des pièces obtenues sous la torture dans un pays étranger», validant dès lors «des procédés de bourreau» et «la délocalisation de la torture».

Des demandes de récusation de la présidente du tribunal, jugée partiale, n’ont pas abouti, pas plus que les requêtes d’audition par la cour des juges antiterroristes Bruguière et Ricard. Ceux-ci ont été accusés par la défense de prévenus d’avoir monnayé, voire d’avoir «extorqué» des aveux en échange de remises en liberté. Alors que les agents de la DST (contre-espionnage français) se voyaient eux imputés de brutalités à l’encontre de suspects pendant leurs gardes à vue.

© La Libre Belgique 2006