« Il ne voulait pas déposer plainte car ça aurait pu l’exposer »

Police. Maître de Felice, avocat de Slimane Rahmouni :

« Il ne voulait pas déposer plainte car ça aurait pu l’exposer »

par Fabrice TASSEL, Libération, vendredi 17 février 2006

Jean-Jacques de Felice, avocat historique du FLN et militant des droits de l’homme depuis quelques décennies, a défendu Slimane Rahmouni.

Dans quelles circonstances avez-vous retrouvé ce document ?
J’ai su par la presse que l’ouvrage Place Beauvau, écrit par trois journalistes du Point, mentionnait des sévices subis par mon client pendant sa garde à vue. A ma grande stupéfaction, j’ai vu ainsi, pour la première fois dans ma longue carrière d’avocat, des policiers « passer aux aveux ». J’ai alors recherché dans ma cave ce dossier archivé. Parmi les pièces, j’ai retrouvé une lettre du 13 octobre 1995 adressée par Slimane Rahmouni au juge et qu’il m’avait envoyée le 14 octobre. Il y exprime son dégoût et son indignation pour le terrorisme, son choix d’être français. J’ai aussi retrouvé le récit circonstancié de ce que Slimane Rahmouni dit avoir subi pendant sa garde à vue. J’ai malheureusement l’habitude d’entendre de nombreuses plaintes de clients sur les mauvais traitements en garde à vue et je leur demande à chaque fois de faire un récit presque minuté de tout ce qui s’est passé.

La juge antiterroriste Laurence Le Vert a-t-elle eu à l’époque connaissance de ce témoignage ?
Je pense que ce document était joint à la lettre que Slimane Rahmouni lui avait adressée le 13 octobre, mais je ne peux pas l’affirmer. En tout cas, tout ce que mon client décrit comme sévices corrobore les déclarations faites par les policiers dans ce livre.

Slimane Rahmouni vous avait-il parlé de ces faits ?
Peu, car il était tellement terrorisé qu’il ne souhaitait même plus les évoquer. Il ne voulait pas qu’une plainte contre ces traitements soit déposée car elle aurait pu l’exposer, ainsi que sa femme et son frère, à d’autres graves difficultés.

Qu’espérez-vous aujourd’hui ?
J’attends avec sérénité que la clarté soit faite sur ces événements. J’appelle de mes voeux la création d’une commission d’enquête parlementaire qui permettrait un débat contradictoire et public, à l’inverse de celle menée par l’Inspection générale de la police dont je demande la suppression depuis longtemps : cette instance se discrédite par son caractère secret.