Neuf février, jour de la haine et du malheur algérien !

Neuf février, jour de la haine et du malheur algérien !

Par Laïd DOUANE, Blog: Algérie: Changement et Unité, Source

Le neuf février en Algérie, et depuis 1992, ne peut ni ne doit vouloir dire autre chose que la peur, la colère et la haine. Et comme dit George Lucas: “La peur mène à la colère, la colère mène à la haine, la haine mène à la souffrance”. Me voilà donc, une boule de colère, après avoir été pris pour cible par la peur, un certain neuf février ; je hais la vie comme je souffre de mal être.

Que s’est-il donc passé ce neuf février ? Rien de plus qu’une confiscation de latitudes à un peuple auquel on refuse le droit de choisir de vivre sa vie. Depuis ce jour, une junte militaire s’empara de nos libertés et fit de nous un paquet de sujets sans vie. Depuis ce jour l’Algérie libre fut transformée en prison à ciel ouvert et les Algériens, y compris les geôliers sont réduits en captifs.

En effet, une équipe de bandits décida comme à la française, de nous museler et de nous isoler en décrétant l’état d’urgence.

Voici brièvement le film des évènements ayant mené à notre perte et notre malheur :

11 janvier 1992 : Coup d’Etat militaire contre le peuple qui s’est exprimé à travers le suffrage universel le 26 décembre 1991donnant le FIS vainqueur dès le premier tour avec 188 siège. Le second tour qui devait se dérouler le 16 janvier 1992 n’aura jamais lieu. Démission-déposition de Chadli Bendjedid. Apparition de blindés dans nos rues..
12 janvier 1992 : Dans un communiqué, la direction provisoire du FIS appelle “le peuple algérien à protéger son projet et son choix”.
Vaste opération d’arrestations nocturnes. On parle d’un millier d’arrestations pour les deux seules dernières journées.

14 janvier 1992 : décret instituant le HCE (Haut Comité d’Etat), comité non prévu par la constitution, composée de 5 personnes (Khaled Nezzar, ministre de la Défense ; Ali Kafi, président de l’Organisation des Moudjahiddines ; Ali Haroun, ministre des Droits de l’Homme ; Tidjani Haddam, recteur de la mosquée de Paris et Mohamed Boudiaf qui présidera cette nouvelle formation. Les textes portant sur la création du HCE prévoient son existence jusqu’à la fin du mandat du Président déchu Chadli Bendjedid, en décembre 1993. Durant cette période transitoire, un Conseil consultatif national (CCN), ersatz du parlement dissous est prévu. Il n’aura que des prérogatives vagues et aucun pouvoir légiférant.

Lors d’une conférence de presse au Luxembourg, François Mitterrand qualifie l’arrêt du processus électoral “d’acte pour le moins anormal”.

15 janvier 1992: Le FLN et le FFS condamnent l’anti-constitutionnalité du HCE.

16 janvier 1992 : Retour de Boudiaf en Algérie après 29 ans d’exil dans un pays considéré l’ennemi numéro UN de l’Algérie. On le place à la tête du HCE issu du putsch du 11 janvier. Ses véritables amis s’interrogent et s’inquiètent de son engagement précipité dans ce processus putschiste, d’autant plus qu’au lendemain du 1er tour, il déclarait dans la presse qu’il fallait laisser le FIS gouverner. Le FIS, le FLN et le FFS exigent le retour à la légalité constitutionnelle.

17 janvier 1992 : Plus de 500 militants du FIS dont des élus sont arrêtés par les services de sécurité.

18 janvier 1992 : Rappel de l’ambassadeur d’Algérie en Iran suite aux vives critiques du gouvernement iranien au lendemain du coup d’Etat des généraux d’Alger.

19 janvier 1992 : Les 188 élus du FIS lancent un appel à l’opinion publique nationale et internationale pour un retour à la légalité constitutionnelle. Un militaire tué et deux gendarmes blessés selon la presse à 20 Kms d’Alger.

21 janvier 1992 : Un gendarme tué à Lakhdaria (Bouira).

22 janvier 1992 : Arrestation d’Abdelkader Hachani, président du bureau provisoire du FIS pour avoir diffusé un communiqué appelant l’armée à respecter le verdict du suffrage universel.

23 janvier 1992 : Arrestation de huit journalistes du quotidien El Khabar suite à la publication d’un encart publicitaire d’Abdelkader Hachani appelant l’armée à respecter le verdict du suffrage universel.

24 janvier 1992 : Affrontements sanglants à la sortie des mosquées, après la grande prière du vendredi, sur pratiquement tout le territoire national. L’armée tire sur la foule : 30 morts sont dénombrés.

25 janvier 1992 : Quatre journalistes espagnols sont arrêtés puis expulsés pour avoir interviewé des islamistes. Poursuite des arrestations nocturnes de militants et sympathisants du courant islamique.

28 janvier 1992 : Arrestation de Rabah Kebir, membre de la direction politique du FIS, pour “incitation à la rébellion contre l’autorité”. Arrestation d’un certain Tayeb El Afghani, responsable présumé de l’attaque de la caserne de Guemmar.

29 janvier 1992 : Manifestation de citoyens dans le quartier de Bachdjarah (Alger) pour protester contre la répression. L’armée tire sur la foule : un mort.

31 janvier 1992 : Deuxième vendredi consécutif d’affrontements à la sortie des mosquées. Des morts et des blessés sont encore une fois à déplorer. On parle de plus en plus de constitution de maquis.

01 Février 1992 : Dans un rapport concernant la situation des droits de l’homme en Algérie, Human Rights Watch :

– condamne le coup d’Etat survenu le 11 janvier 1992.
– dénonce les arrestations des militants islamistes et de vingt et un journalistes.
– exige la levée de l’état d’urgence et la poursuite du processus démocratique.
– exige la libération des responsables du FIS et plus particulièrement Abdelkader Hachani et Rabah Kebir.

4 février 1992 : Le FIS réclame la levée des mesures restrictives contre les mosquées et la libération de ses dirigeants. Il appelle la communauté internationale à boycotter le HCE.

5 février 1992 : Nombreux mouvements de protestation dans les universités algériennes pour dénoncer le coup d’Etat du 11 janvier.

7 février 1992 : Poursuite des manifestations à travers le territoire national contre le coup d’Etat. De nombreux morts sont signalés selon des sources hospitalières. Des centaines de jeunes seraient passés dans la clandestinité ou rejoint les maquis pour échapper aux arrestations massives et à la déportation dans les camps de concentration du Sud. Les autorités annoncent l’ouverture de 7 centres de détention (camps de concentration) dans le sud algérien.

4 au 8 février 1992 : Soulèvement populaire dans le quartier de Bouakal à Batna. L’armée encercle les cités et ouvre le feu en donnant les blindés : 52 morts dont sept enfants.

8 février 1992 : Arrestation de l’imam Moghni, député du FIS à Bab El Oued (Alger)..

9 février 1992 : Instauration de l’Etat d’urgence

J’ai été arrêté puis déporté vers le camp de concentration de Reggane où j’ai passé six longs mois puis cinq mois à Tibeghamine puis à Tassabit et enfin, à l’hôpital d’Adrar. Et la suite sera dure dure dure.. Elle se termine par l’exil en France puis le retour vers l’enfer en Algérie où je continue à murir comme une figue de chez nous.

Par Laïd DOUANE