Me Ali Haroun : «Il n’y aura aucune incidence sur la lutte antiterroriste»
El Watan, 5 février 2011
Maître Ali Haroun était membre du Haut comité d’Etat (HCE), la plus haute instance dirigeante du pays née de l’arrêt du processus électoral et de la démission du président Chadli Benjedid en janvier 1992, qui a instauré l’état d’urgence.
-Vous étiez membre du HCE en 1992, lorsque l’état d’urgence a été institué. Pensez-vous que son maintien est justifié ?
Le décret du 9 février 1992 portant institution de l’état d’urgence a été promulgué dans un contexte extrêmement grave.
Son but était de faire face à cette démonstration de force que le parti dissout faisait chaque vendredi à la sortie des mosquées et qui nous mettait vraiment dans une situation d’expectative. Il fallait surtout éviter des heurts entre l’armée et cette masse humaine qui envahissait les rues.L’objectif le plus important est d’empêcher qu’un soldat, pris de panique devant l’ampleur des événements et surtout de la provocation, puisse tirer ne serait-ce qu’une seule balle sur la foule et provoquer ainsi un bain de sang. C’est dans ce contexte que des mesures de sécurité ont été prises. Parmi elles l’état d’urgence, sans pourtant qu’elles soient figées dans le temps. D’ailleurs, le décret du 9 février avait une durée de vie limitée dans le temps, selon l’évolution de la situation sur le terrain…
-Mais renouvelable pour une année…
Il devait être renouvelé par un autre texte officiel, mais n’empêche que le décret a été appliqué de fait et le but était de contenir le terrain sans effusion de sang. Mais il aurait fallu annuler ce décret après la démission du président Liamine Zeroual en 1998 et la reddition de l’AIS, à la lumière de laquelle un grand danger a été écarté.
Il est vrai qu’à l’époque, le terrorisme faisait toujours des morts, notamment avec les attentats à l’explosif qui ont marqué le début des années 2000. Néanmoins, les capacités de nuisance des groupes ne nécessitaient vraiment pas le maintien de l’état d’urgence. En 1992, chaque matin, nous comptions des dizaines de morts. Le danger était plus important et omniprésent.
-L’annulation de ce décret obligera-t-elle l’armée à ne plus assumer les missions de la police en matière de lutte contre le terrorisme ?
Il n’y aura aucune incidence sur la lutte antiterroriste. Il y a un texte de loi qui permet à l’armée d’assumer cette mission en dehors des dispositions du décret de février 1992. Ces dispositions habilitent le Premier ministre à faire appel à l’armée pour des missions de maintien de l’ordre ou plus précisément de lutte contre le terrorisme, sans pour autant passer par l’état d’urgence. Cette mesure n’est vraiment pas nécessaire et nous aurions dû la lever en 1998.
-Selon vous, faut-il du temps pour lever l’état d’urgence ?
Pas du tout. En droit, il y a ce que nous appelons le parallélisme des formes. Ce qui a été instauré par un décret peut être annulé par un autre ou une loi. Il suffit juste de promulguer un autre décret. Je pense que nous avons mis beaucoup de temps pour lever l’état d’urgence. Il n’apporte rien au gouvernement. Ce texte a été juste mis à profit pour toucher à des activités qui ne constituaient pas de danger pour l’ordre public, comme par exemple exiger une autorisation pour tenir une réunion dans une salle de cinéma.
Ce qui est aberrant.
Salima Tlemçani