“Le maintien de l’état d’urgence ajoute du flou”
Séminaire sur les droits de l’Homme de Béjaïa
“Le maintien de l’état d’urgence ajoute du flou”
Par : Moussa Ouyougoute, Liberté, 16 mai 2010
Le Centre de documentation sur les droits de l’Homme de Béjaïa, affilié à la LADDH, a abrité, hier, les travaux d’un séminaire, riche en enseignements.
L’animateur, M. Boumghar Mouloud, consultant international et enseignant agrégé en droit dans les universités de France, a abordé plusieurs thèmes qui se télescopent, comprendre s’interpénètrent. Avant d’aborder la question de la Charte dite pour la paix et la réconciliation nationale, il a abordé la situation actuelle sous son aspect politico-juridique, notamment sur le maintien de l’état d’urgence, mais aussi des rapports entre le droit international et le droit interne. D’emblée, le rapporteur en droits de l’Homme a pointé du doigt la non-conformité du maintien de l’état d’urgence au droit constitutionnel algérien et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L’Algérie, a expliqué M. Boumghar, vit sous l’état d’urgence depuis 1992 “et même s’il a été aménagé au milieu des années 1990”, il est toujours en vigueur.
Quant à la justification d’un régime d’exception comme l’état d’urgence du droit algérien, l’animateur du séminaire, considère qu’il faut “une menace sérieuse sur la vie de la nation ou sur la vie ou le fonctionnement régulier des institutions”. Or, le pouvoir politique “ne cesse de clamer haut et fort le retour à la paix et se targue de respecter les conventions internationales”. Cela ne justifie pas la prorogation et le maintien de l’état d’urgence, a-t-il indiqué.
Et s’il a admis qu’un niveau de violence persiste encore,
M. Boumghar est convaincu que l’état d’urgence au contraire “ajoute du flou” à la situation ambiante. Conséquence ? On ne peut même plus mobiliser la société civile. Et on tombera inévitablement dans : “De toutes les façons, on ne saura jamais qui est responsable”. À propos de l’état d’urgence toujours, le chargé de l’élaboration des rapports alternatifs au Comité des droits de l’Homme de l’ONU a affirmé qu’on peut éviter le débat sur son opportunité en posant une seule question : pourquoi n’appliquez-vous pas la Constitution qui exige une approbation parlementaire pour toute prorogation de l’état d’urgence au-delà de 12 mois ? Même chose par rapport au droit international. Les pactes et conventions, que l’Algérie a signés, ont une valeur supérieure au droit interne.
Il y a donc possibilité de les invoquer devant les juridictions nationales. Mais dans les faits, les avocats ne font quasiment jamais référence à ces dispositions internationales, qui sont pourtant supérieures. Plus encore, il faut essayer d’utiliser ces instruments, a-t-il plaidé encore.