Des Partis seront-ils empêchés de participer aux législatives ?

Des Partis seront-ils empêchés de participer aux législatives ?

La liste noire de Yazid Zerhouni

El Watan, 28 février 2007

C’est un Abdallah Djaballah atterré qui a animé hier une conférence de presse au siège de son parti situé à Bir Mourad Raïs, à Alger. Le président du Mouvement de la réforme nationale (MRN El Islah) est ainsi apparu sidéré par une décision qu’aurait prise le département de M. Zerhouni et qui aurait consisté à empêcher sa formation de participer aux élections législatives d’avril prochain pour la simple raison qu’elle n’aurait pas tenu son congrès.

La décision du ministère de l’Intérieur de priver un parti agréé depuis 1999 de participer aux législatives est totalement illégale. Vis-à-vis de la loi, l’Administration n’a rien à nous reprocher, nous n’avons commis aucune infraction. La participation du parti à toutes les élections précédentes et la dernière en la matière, les sénatoriales, est une preuve édifiante ! Où est donc la faille ? Pourquoi aujourd’hui on décide de nous écarter ? » s’est interrogé M. Djaballah qui fera remarquer qu’il n’a reçu aucune notification dans ce sens. Il a mentionné que la direction du MRN a eu vent de cette interdiction lorsque ses candidats se sont vu refuser récemment l’octroi des formulaires leur permettant de se présenter aux législatives. Un refus qu’il ne comprend pas puisque, auparavant, les candidats d’El Islah au niveau de 15 wilayas ont retiré les documents en question sans aucun problème. Pour M. Djaballah, c’est sûr, « il y a eu revirement de situation et les agents de l’Administration ont reçu des instructions pour ne pas délivrer les formulaires aux représentants d’El Islah ». Le conférencier s’est interrogé en premier lieu sur les véritables motifs ayant poussé le ministère de l’Intérieur à adopter une telle attitude. Mais M. Djaballah s’est montré persuadé qu’on s’en prend à son parti « par crainte de voir celui-ci déranger le FLN sur le terrain ». En ce sens, il essayera de faire comprendre que le MRN est la deuxième force politique du pays après le FLN. « Nous sommes une formation ayant une base solide et des représentants dans toutes les wilayas du pays. Nous avons à chaque occasion démontré notre capacité de nuisance ‘‘politique’’. Je confirme publiquement qu’El Islah est l’unique parti qui peut concurrencer le FLN », a affirmé avec conviction M. Djaballah. Ayant pris toutes ses précautions et maîtrisant parfaitement toutes les données, le conférencier a d’abord tenu à expliquer pourquoi son parti n’a pas tenu son congrès. Faut-il rappeler à ce propos que, récemment, M. Zerhouni avait révélé que les partis politiques qui n’ont pas tenu leur congrès ne peuvent pas participer à la course aux législatives. Une instruction dans ce sens aurait été adressée à toutes les wilayas. Le représentant du gouvernement a cité dans ce cadre cinq partis politiques, dont le FFS. Dans ce sillage, M. Djaballah a renversé la vapeur en sa faveur en accusant le ministère de l’Intérieur d’avoir refusé à trois reprises de lui délivrer une autorisation pour l’organisation du congrès. Documents à l’appui, M. Djaballah exhibera les demandes qu’il a envoyées au ministère de l’Intérieur en décembre 2004, en juin 2005 et une troisième en octobre 2006. Refusant de baisser les bras, le parti que dirige M. Djaballah a formulé une quatrième demande au début de cette semaine pour la tenue de son congrès ce week-end. Pour le moment, ils n’ont reçu aucune réponse. Cependant, M. Djaballah réfute cet argument, d’autant plus, dira-t-il, que le FLN a participé en 1997 aux élections alors qu’il n’avait pas tenu durant dix ans son congrès, notamment de 1988 à 1998. En homme bien informé, M. Djaballah lancera qu’aucune loi, ni celle sur les partis politiques, ni celle sur les élections, encore moins la Constitution ne font référence à ce point. « De mon avis, cette situation doit interpeller toute la société, car c’est la démocratie et les acquis des Algériens qui sont remis en cause », a averti M. Djaballah. Concernant la crise interne qui a secoué il y a quelques mois le parti, l’orateur a indiqué que la justice a tranché en sa faveur dans cette affaire et que le mis en cause, en l’occurrence M. Boulayia, membre du madjliss echoura (conseil consultatif), a été exclu de ce poste en vertu d’une décision de justice. Quant à la démarche prônée par El Islah et qui consiste en l’ouverture du parti aux militants de l’ex-Fis, M. Djaballah rectifiera en précisant que tous les citoyens algériens épousant le projet et le programme du parti sont les bienvenus à El Islah. Par ailleurs, M. Djaballah a contacté par téléphone à deux reprises le chef du gouvernement M. Belkhadem pour avoir des explications à ce sujet. Prétextant une réunion de travail, M. Belkhadem promet de rappeler le patron d’El Islah. « Non seulement il ne m’a pas rappelé, mais par la suite M. Belkhadem ne répondait plus à mes appels. » M. Djaballah a saisi lundi passé par écrit M. Zerhouni, ministre de l’Intérieur, pour une entrevue afin de discuter de cette question et aussi pour tenter de convaincre le département de Zerhouni de surseoir à cette décision. « Partant du principe que nous sommes dans la légalité, le ministre de l’Intérieur doit revenir sur sa décision. Une décision qui porte atteinte à la crédibilité de l’Etat, et à notre sens, il est préférable de ne pas rajouter un autre scandale à la série déjà existante », dira M. Djaballah qui compte, comme autre action dans le cas où le dialogue échoue, faire appel à l’intervention du président de la République ou alors de recourir à la justice.

Nabila Amir


La loi ne prévoit rien

La décision des pouvoirs publics de disqualifier le mouvement El Islah de la participation aux législatives du 17 mai prochain demeure énigmatique. L’Administration a refusé, selon le président du parti, Abdallah Djaballah, de délivrer à ses militants les formulaires nécessaires pour la constitution des dossiers de candidature à la prochaine échéance électorale.

Cette décision suscite moult interrogations, d’autant que les autorités n’ont pas justifié cette interdiction à un parti agréé de prendre part à un scrutin national. Ce même parti, faut-il le souligner, a participé, le 28 décembre dernier, aux élections de renouvellement partiel des membres du Conseil de la nation, Sénat. Pourquoi donc lui interdire de participer aux législatives ? Sur quelles dispositions de loi le ministère de l’Intérieur s’est-il appuyé pour empêcher le parti de Djaballah d’aller à la prochaine consultation électorale ? Les responsables de cette formation politique supposent que la raison serait « la non-organisation du congrès du parti qui devait se tenir en décembre 2004 ». Cette supposition peut être vraie, puisque le chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem, avait affirmé que « la loi sera appliquée à tous les partis n’ayant pas organisé leur congrès à temps et à ceux qui n’ont pas transmis leur bilan financier au ministère de l’Intérieur ». « La loi est claire et elle s’appliquera à eux », a déclaré Abdelaziz Belkhadem lors d’un point de presse animé, dimanche dernier, à l’issue de la réunion de l’Alliance présidentielle. Mais, y a-t-il une loi fixant une échéance à toutes les organisations politiques de tenir leur congrès ? Selon Boudjemaâ Ghechir, juriste et président de la Ligue algérienne des droits de l’homme (LADH), « l’interdiction à un parti de participer à une élection est contraire à la loi ». Pour lui, « l’organisation du congrès est un problème interne au parti et il y va du degré d’application des règles démocratiques en son sein ». Le même avis a été partagé par le ministre de l’Intérieur, Yazid Zerhouni, qui, dans différentes sorties, avait affirmé, concernant la crise du mouvement El Islah « qu’elle est une affaire interne au parti ». De plus, les lois régissant l’exercice politique, en l’occurrence la Constitution, la loi sur les partis (90-09) et la loi électorale (90-07) ne prévoient pas une telle sanction. Mis à part l’exigence de la tenue d’un congrès constitutif, la loi sur les partis ne fixe aucune date limite pour le renouvellement des instances d’une formation politique et sa remise en conformité. Selon Boudjemaâ Ghechir, le mouvement El Islah ne sera pas le seul parti qui sera concerné par cette interdiction. Le ministère de l’Intérieur aurait établi une liste de 4 à 5 partis qui subiront le même sort. « Un responsable du parti El Islah m’avait montré un document dans lequel le ministère de l’Intérieur a établi une liste de 4 à 5 partis qui n’ont pas tenu leur congrès et qui seront empêchés de prendre part aux législatives », a-t-il indiqué. Quels sont ces partis concernés et pourquoi les éliminer, d’autant que la loi ne prévoit pas cela ? Grande question.

Madjid Makedhi