Accord d’association avec l’UE : L’Algérie a «besoin de répit»
par Z. Mehdaoui, Le Quotidien d’Oran, 25 février 2014
Plus de 35 années de coopération avec les pays européens. Quel bilan et quels enseignements peut-on en tirer en particulier après l’entrée en vigueur en 2005 de l’accord d’association entre l’Algérie et l’UE ?
Qui bénéficie le plus de cet accord annoncé en grandes pompes par la partie algérienne avant de déchanter quelques mois plus tard ?
L’UE, qui ressasse à chaque occasion que son objectif est d’arriver à une coopération mutuellement bénéfique avec l’Algérie, a-t-elle profité du manque d’expérience ou de «l’amateurisme» de certains négociateurs algériens pour tirer le plus grand bénéfice de l’accord d’association ?
Ce sont là seulement quelques questions qui méritent d’être soulevées à l’occasion de la célébration des 35 années de coopération entre l’Algérie et l’UE. En effet, les deux parties ont organisé, hier, à l’hôtel Hilton d’Alger un séminaire consacré au partenariat entre l’Algérie et l’UE dans la perspective de faire le bilan de cette coopération qui reste, en dépit de toutes les actions engagées sur le terrain, prédominé par l’aspect purement commercial. «Le bilan est mitigé», a avoué clairement Ali Mokrani, directeur de la coopération avec l’UE et les institutions européennes, à la direction générale Europe du ministère des Affaires étrangères.
Venant d’un diplomate de carrière, en décodé, cela veut dire que le partenariat auquel s’attendait l’Algérie après 2005 avec l’UE n’est pas encore atteint. Il serait même, d’une manière ou d’une autre, conçu au seul bénéfice des Européens qui ont un accès sans limite au marché algérien alors que notre pays continue de se débattre dans un dédale de procédures.
Presque dix années après l’entrée en vigueur de l’accord d’association, l’Algérie, par la voix de son chargé des affaires européennes au ministère des Affaires étrangères, demande du «répit» pour voir plus clair.
«Nous voulons du répit pour remettre de l’ordre dans notre tissu économique», a déclaré Ali Mokrani qui s’interroge, et c’est peut-être le plus grave, sur la voie à suivre pour que cet accord soit aussi bénéfique pour l’Algérie. L’Algérie s’est-elle fait avoir en signant un accord négocié en principe par des spécialistes en la matière ?
Même si l’Europe et l’Algérie sont condamnées à s’associer et à travailler en partenariat pour des raisons évidentes, il n’en demeure pas moins que notre pays traîne la patte en dépit de toutes les réformes engagées jusqu’ici pour instaurer la bonne gouvernance, préalable à tout développement économique durable.
Le rapport Doing Business 2013 du 23 octobre 2012 classe l’Algérie à la 152ème place sur 185 pays, perdant 2 places par rapport à 2012. Sur les 19 pays de la région MENA (Middle East-North Africa / Moyen-Orient – Afrique du Nord), l’Algérie se classe à la dernière place pour le raccordement au réseau électrique, à la dernière place pour l’enregistrement des titres de propriété et toujours à la dernière place au niveau du paiement des impôts, à la170ème au niveau mondial avec 72% de taxation sur les bénéfices, à la 156ème place au niveau mondial pour le commerce transfrontalier, à la 138ème place pour l’octroi de permis de construire, à la 138ème place pour les facilités accordées pour faire des affaires.
L’Algérie doit absolument aller vers de profondes et véritables réformes micro-économiques et institutionnelles, valoriser l’entreprise créatrice de richesses et son soubassement, le savoir-faire, en axant sa stratégie sur la recherche et le développement. Elle doit favoriser la visibilité et la cohérence dans sa politique socio-économique en évitant l’instabilité juridique perpétuelle qui décourage tout investisseur potentiel qu’il soit algérien ou étranger. L’Algérie a toutes les potentialités pour passer d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures et peut devenir, selon les économistes, à l’horizon 2020, un pays émergent, sous réserve d’un réalisme politique et d’une meilleure gouvernance.
De son côté l’Europe et les pays de l’UE également, doivent absolument arrêter de voir l’Algérie comme un simple comptoir commercial au risque de perdre définitivement sa place traditionnelle dans le pourtour méditerranéen au profit d’un géant qui s’est réveillé… la Chine dont la survie dépend de sa capacité à s’implanter dans les autres pays.
L’Europe doit voir en l’Algérie, (le plus grand pays africain), un partenaire durable et stratégique en jouant franc jeu même si nous savons tous que le mal aussi est en partie en nous, Algériens, qui avons raté d’énormes opportunités qui ont profité allègrement aux pays voisins qui ont su saisir au vol toutes les occasions.
Enfin, le séminaire organisé hier et auquel a participé nombre de diplomates et d’économistes algériens et européens a eu le mérite de faire le constat que l’objectif tracé par l’UE et l’Algérie pour édifier une région stable, pacifique, solidaire, prospère, en préservant chacun sa diversité culturelle et les libertés individuelles, n’a pas encore été atteint.