Roi d’Espagne: Accueil chaleureux, affaires tièdes
ALGERIE – ESPAGNE
Accueil chaleureux, affaires tièdes
par Mohamed Mehdi, Le Quotidien d’Oran, 17 mars 2007
« L’Algérie figure parmi les pays prioritaires des intentions d’investissement espagnoles », a déclaré, jeudi matin, le roi Juan Carlos lors de l’ouverture du Forum d’Affaires algéro-espagnol qui s’est déroulé à Djenane El-Mitaq. Cela reste au stade des « intentions » car, pour le moment, « elles sont peu nombreuses les entreprises espagnoles ayant investi en Algérie », comme l’a souligné le roi d’Espagne.
« De nombreuses PME-PMI espagnoles sont intéressées d’investir et d’exporter vers l’Algérie ». C’est ce qui a été souvent répété, jeudi, lors du Forum d’Affaires algéro-espagnol. On en saura probablement plus dans les mois à venir, lorsque ces « intentions » seront concrétisées. A ce jour, le volume global des investissements espagnols en Algérie est « nettement insuffisant » et ne dépasse pas 140 millions d’euros, selon le ministre de la Participation et la Promotion des Investissements (MPPI). Ce chiffre pourrait augmenter si les « 17 projets actuellement en négociation », annoncés jeudi par Abdelhamid Temmar, seront matérialisés.
Le MPPI a tenté de convaincre la délégation espagnole de l’intérêt économique de la « profondeur maghrébine ». Arguments : « Pourquoi aller si loin vers le Brésil et le Mexique », s’interroge le ministre, alors que « vous avez tout près de vous deux pays à hydrocarbures (allusion à l’Algérie et à la Libye, ndlr), un pays à agriculture (Maroc, ndlr), et un pays à services (Tunisie, ndlr) », lance Temmar à ses hôtes.
Dans son allocution d’ouverture, Abdelaziz Belkhadem a fait le tour des principales « réformes économiques » entreprises depuis près d’une décennie, dans le secteur bancaire et dans l’attribution du foncier industriel, mais également à propos de réforme de la justice qui « apporte ses premiers fruits notamment en matière de droit des affaires ». Il a parlé aussi des « conditions favorables pour l’investissement en Algérie », de la disponibilité des ressources énergétiques, de l’importance des échanges commerciaux avec l’Union européenne, et de la libre circulation sur le marché algérien à « plus de 80% des marchandises européennes » d’ici 5 ans.
Brahim Bendjaber, le président de la CACI, le seul à s’exprimer en arabe, exposera les avantages de l’investissement en Algérie. Il cite, entre autres éléments, « l’existence d’une main d’oeuvre compétente » et « à faible coût », la « hausse du pouvoir d’achat », la possibilité d’obtenir un registre de commerce « en moins de 24 heures », des prix réduits des produits énergétiques, et une « multitude de secteurs intéressants ».
Les Espagnols parlent « d’alliance stratégique » entre les deux pays et de « marché stratégique » pour l’Espagne. Leur argument, c’est l’évolution du volume des échanges commerciaux qui est passé de 1,5 milliard d’euro dans le milieu des années 90 à 5,5 milliards d’euros en 2005, selon les chiffres avancés par Juan Carlos Matieu, ministre espagnol de l’Industrie, du Tourisme et du Commerce. Du fait de la prédominance des exportations hydrocarbures, la balance commerciale étant tout le temps en faveur de l’Algérie.
Le roi Juan Carlos a estimé qu’il reste « beaucoup à faire » pour approfondir les relations économiques entre l’Algérie et l’Espagne au vu de « l’existence d’un large éventail d’opportunités d’investissements ». Il cite plusieurs secteurs : l’eau, le dessalement d’eau de mer, les transports, et le tourisme. S’adressant aux deux communautés d’affaires, et avant de déclarer ouvert ce Forum d’affaires algéro-espagnol (et non pas sa « clôture » comme cela a été traduit), le roi Juan Carlos les encourage « à trouver de nouvelles voies d’exploration ».
Quant aux débats entre opérateurs économiques des deux pays, ils ont porté sur les « conditions d’investissements » en Algérie, les opportunités par lesquelles les Espagnols peuvent prendre de sérieuses options, mais également sur l’omniprésence de la contrefaçon.
Temmar est longuement revenu sur les réformes économiques en cours, expliquant leur lenteur par le souci de l’Algérie de « ne pas briser l’ancien système, comme l’a fait la Turquie qui fait face à d’énormes problèmes », dit-il. Il compare la situation algérienne à celle de la Pologne qui, elle aussi, « sort lentement de l’ancien système ». A propos du foncier, Temmar promet la mise en place pour bientôt d’une Agence et annonce la disponibilité de 40.000 à 50.000 hectares d’assiette foncière industrielle.
Concernant la contrefaçon, le MPPI estime que ce fléau n’est pas propre à l’Algérie et que « même l’Espagne rencontre ce genre de problème ». « Mais sur le plan du droit, ajoute-t-il, la question est bien encadrée ».
Sur les avantages à donner aux éventuels investisseurs, Temmar a promis que « pour les investissements sérieux » (aussi bien qualité qu’en volume), l’Etat peut accorder « jusqu’à 10 ans de vacances de droits de douane et d’impôts ».
Le ministre des Participations a dressé une liste de secteurs dans lesquels les investissements seraient fortement rentables. En premier ordre, il a cité la pétrochimie, les engrais, la sidérurgie et le ciment (pour l’industrie), l’agriculture, le tourisme et les services. L’agroalimentaire, l’industrie électronique, les technologies de l’information et l’automobile viennent au second ordre.
Lors des débats, plusieurs questions d’hommes d’affaires espagnols ont donné l’impression de vouloir plus vendre qu’investir. L’un d’eux s’est interrogé sur le renouvellement des équipements médicaux dans les hôpitaux. Temmar lui explique que « tout ce qui relève du public doit passer par les appels d’offres ». La question de la contrefaçon est également revenue à travers l’intervention d’un opérateur espagnole basé en Algérie qui a expliqué que les produits contrefaits constituent un sérieux handicap pour son entreprise.