En visite de trois jours à Téhéran

En visite de trois jours à Téhéran

Bouteflika évoque la question du nucléaire avec Ahmadinejad

El Watan, 12 août 2008

Le président de la République en visite officielle en Iran a mis le pied dans le bain du litige opposant l’Iran aux grandes puissances sur les visées de son programme nucléaire.

Tout en assurant que la position de l’Algérie est pour l’accession de tous les pays à la technologie nucléaire à des fins pacifiques, Abdelaziz Bouteflika souligne que « la paix et la sécurité au Moyen-Orient et dans l’ensemble de la région mettent en jeu la question vitale de la prolifération nucléaire qui est le fait d’un seul Etat, Israël ». Le chef de l’Etat déclare en outre que l’Algérie est en « faveur de l’établissement d’une zone exempte d’armes nucléaires qui, à l’instar de l’Amérique Latine et de l’Afrique, permettrait au Moyen Orient de consacrer son énergie et ses ressources au développement durable ». Et d’ajouter que cette position n’empêche pas que les Etats signataires du « Traité de non prolifération nucléaire ont le droit légitime et conventionnellement reconnu d’accéder à la maîtrise de la technologie nucléaire à des fins pacifiques ». Et d’inviter l’Iran à « explorer toutes les voies de nature à promouvoir un règlement négocié du contentieux né de la contestation par certains pays de la nature de son programme ». Le message de Bouteflika n’a pas tardé à recevoir la réponse d’Ahmadinejad.

Le président iranien a indiqué que l’Iran maintiendra son programme nucléaire, et ce, malgré les risques de sanctions internationales. « Les grandes puissances ont complètement compris que le programme nucléaire pacifique ne sera jamais arrêté et ils n’ont, bien entendu, pas d’autres choix que de continuer à parler à l’Iran », note le président iranien à l’heure où Téhéran a été sommé par les négociateurs de l’UE de fournir, dans les plus brefs délais, sa réponse aux propositions européennes, sous la pression des Etats-Unis qui brandissent l’arme de sanctions internationales. L’Iran encourt le risque d’une quatrième série de mesures du Conseil de sécurité de l’ONU pour son refus de suspendre « son enrichissement d’uranium ». Arrivé dimanche à Téhéran pour une visite de trois jours, Bouteflika ne soufflera mot sur l’attentat ayant endeuillé 8 familles à Zemmouri le jour- même. Le président évoquera cependant le terrorisme dans sa mesure internationale lors du discours prononcé au cours du déjeuner qui a été offert en son honneur. Bouteflika évoquera la prochaine conférence internationale sur le dialogue islamo-chrétien pour coordonner les efforts entre musulmans afin de réhabiliter les valeurs civilisationnelles et modernistes de l’Islam, « nous avons la responsabilité de coordonner nos efforts pour neutraliser le discours et les desseins haineux de ceux qui, recourant au terrorisme, sèment la mort et la discorde en prétendant agir au nom de notre religion sacrée ». Le chef de l’Etat estime aussi qu’il est « très important de traiter les causes socioéconomiques qui constituent le terreau sur lequel se développe le terrorisme international, car les situations d’injustice dans certaines régions du monde, conjuguées à des conditions de vie extrêmes, génératrices de misère et de crises humanitaires, sont exploitées souvent à des fins terroristes », considère-t-il.

« Ce n’est pas l’Algérie qui entrave l’UMA »

Le chef de l’Etat a par ailleurs évoqué la question du Sahara occidental en affirmant que « si le conflit du Sahara occidental continue d’entraver la concrétisation de l’objectif d’unification du Maghreb inscrit dans une perspective historique incontournable, ce n’est certainement pas le fait de l’Algérie qui s’est toujours montrée déterminée à poursuivre l’œuvre d’intégration maghrébine, indépendamment de cette question de décolonisation inachevée, dont le règlement est de la responsabilité première des Nations unies ». Continuant dans sa lancée, Bouteflika se félicite en outre de « la confirmation, une fois de plus, par le Conseil de sécurité de la jurisprudence de l’ONU, à travers l’adoption de la résolution 1813 qui invite le Maroc et le Front Polisario à poursuivre leurs négociations directes, sans conditions préalables, en vue de parvenir à une solution qui tienne compte du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui ».

Axer la coopération sur le secteur de la technologie

« Nous avons maintenant une meilleure connaissance de nos réalités respectives et des aspirations légitimes de nos peuples frères », déclare Bouteflika à son homologue iranien en l’invitant à plus de coordination au sein de l’ONU ainsi qu’au sein du mouvement des non alignés, de l’organisation de la conférence islamique, le groupe des 15 et dans l’Opep. Il appelle par ailleurs les entreprises iraniennes à participer davantage à la réalisation de projets inscrits dans le programme algérien de relance économique. Mourad Medelci a affirmé, pour sa part, que la coopération économique se renforcera dans les prochaines années. « Notre vision du partenariat économique et commercial est devenue plus claire et il y a une coopération plus complète dans plusieurs domaines dont le commerce, la technologie et l’industrie, eu égard aux besoins de l’Algérie notamment en ce qui concerne la production du ciment, de voitures, de chemins de fer. » M. Medelci note que l’Algérie veut axer sa coopération avec l’Iran sur le secteur de la technologie.

Par Nadjia Bouaricha


L’Iran cherche à protéger les recettes du pétrole

L’Iran se prépare à vivre une situation délicate dans la gestion de ses ressources financières tirées en majorité de ses exportations pétrolières.

Des informations de presse ont fait état d’un changement dans la gestion de ses recettes d’exportations qui proviennent du pétrole exporté. Les autorités iraniennes auraient chargé la banque centrale de la gestion des dépôts à la place de la compagnie nationale pétrolière. Selon une directive du gouvernement iranien, la compagnie nationale pétrolière doit déposer l’intégralité des recettes des exportations de pétrole brut sur des comptes que la banque centrale iranienne aura choisis. Cette centralisation procède du souci des autorités iraniennes d’éviter les conséquences de gel des avoirs qui pourraient résulter de sanctions prises par les principales puissances occidentales. Les recettes des exportations de pétrole brut pourraient rapporter à l’Iran environ 90 milliards de dollars cette année (mars 2008 -mars 2009). Plusieurs institutions financières européennes auraient déjà cessé leurs opérations avec les banques iraniennes. Les pays membres de l’Union européenne avaient fait savoir à la fin du mois de mai dernier qu’ils étaient prêts à approuver des sanctions contre la grande banque commerciale iranienne Melli Bank, en interdisant à ses bureaux européens de Hambourg, Paris et Londres de fonctionner. Ainsi le choix de l’Iran d’abandonner le dollar pour l’euro pour ses ventes de pétrole pourrait-il s’avérer vain si les Etats-Unis arrivent à convaincre les européens à durcir encore plus les sanctions. Les américains poussent aussi les pays européens à prendre des sanctions à propos du pétrole et de l’essence. Si l’Iran exporte du pétrole et dépend à 80% de ses recettes pétrolières, il importe de l’essence en grande quantité pour environ 5 milliards de dollars par an.

Le Conseil de sécurité de l’ONU avait durci le 3 mars dernier ses sanctions contre l’Iran. Dans une résolution adoptée par 14 voix pour, une abstention, le Conseil a alourdi le régime de sanctions économiques et commerciales qu’il avait mis en place à l’égard de l’Iran dans deux résolutions précédentes en décembre 2006 et en mars 2007. La nouvelle résolution de mars 2008 élargit la liste des individus et entités liés aux programmes nucléaire et balistique iraniens, frappés d’un gel de leurs avoirs à l’étranger et, pour certains, d’une interdiction de voyager. Elle interdit la fourniture à l’Iran de biens sensibles à double usage (civil et militaire). Elle exhorte les Etats à la vigilance dans les transactions avec les banques iraniennes, notamment les banques Melli et Saderat. La banque commerciale iranienne Melli est la première institution financière du pays. Elle compte plus de 3100 succursales, dont seize à l’étranger. Au mois de juin dernier, l’Iran aurait retiré des banques européennes un montant considérable de ses réserves de devises et a transféré une partie de ses avoirs vers des banques asiatiques.

L’information a ensuite été démentie. Elle a, par ailleurs, diminué ses réserves en devises en optant pour des actifs comme l’or ou les actions. Les pressions exercées par Israël qui a brandi la menace d’une frappe militaire sur les installations nucléaires en Iran ont fini par remettre sur le tapis le durcissement des sanctions financières et économiques. Ainsi et pour éviter un conflit armé aux conséquences incontrôlables dans la région qui résulterait d’une attaque par l’aviation israélienne, les pays occidentaux auraient choisi d’isoler l’Iran sur le terrain de l’économie et de la finance. La dépendance de l’Iran par rapport à ses recettes d’exportations de pétrole pourrait lui créer de sérieux problèmes. Et les pays occidentaux jouent sur ce terrain pour provoquer des changements politiques internes.

Par Liès Sahar