Prodi à Alger pour assurer la sécurité énergétique de son pays

Prodi à Alger pour assurer la sécurité énergétique de son pays

Le gaz algérien fait courir les Italiens

El Watan, 14 novembre 2006

Romano Prodi, président du Conseil italien, visite, à partir d’aujourd’hui, l’Algérie. Après le Liban, c’est le deuxième pays visité depuis son arrivée au pouvoir à Rome après les élections législatives d’avril 2006.

La dernière venue de Romano Prodi en Algérie remonte à 2003 lorsqu’il était à la tête de la Commission européenne. En cette qualité, et depuis 2001, il avait grandement contribué à la signature de l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Algérie. A Alger, Romano Prodi aura des entretiens avec le président Abdelaziz Bouteflika et le chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem. Il présidera, selon des sources diplomatiques, à l’hôtel Sheraton (ouest d’Alger), un forum des hommes d’affaires avant de rencontrer la presse en début de soirée. Mercredi matin, il ouvrira les portes de la première école italienne en Algérie, située au quartier des Anassers. Une école qui accueillera, principalement, les enfants de la communauté italienne installée dans le pays et estimée à un peu plus de 1000 personnes. L’accord d’assistance aux PME algériennes sera officialisé à la faveur de cette visite. L’Italie, qui est leader européen en nombre de PME, va apporter son expertise pour aider à la création et à la gestion des petites et moyennes entreprises en Algérie. L’opération sera financée, en partie, par la Simest, un organisme financier semi-public. Rome souhaite vivement intensifier sa coopération économique avec Alger pour équilibrer la balance des échanges, largement en faveur de l’Algérie, et réduire les écarts. Selon des chiffres de l’Institut italien des statistiques, les exportations algériennes vers l’Italie ont, pour les 7 premiers mois de 2006, dépassé les 5 milliards d’euros, soit une évolution de 37% par rapport à l’année écoulée. L’Algérie a importé de l’Italie, durant la même période, presque un milliard d’euros. Des importations en nette augmentation. L’Italie demeure le premier client de l’Algérie et deuxième fournisseur après la France. Les inquiétudes italiennes exprimées à propos de la fourniture en gaz, depuis l’éclatement de la crise de l’hiver dernier entre la Russie et l’Ukraine, ne seront pas nécessairement une priorité des discussions officielles de Romano Prodi, même si la question sera abordée. De sources diplomatiques, on estime que c’est une crainte qui a été surtout soulevée par la firme pétrolière ENI qui craignait la résurgence « d’un cartel gazier » entre l’Algérie et la Russie (37% du gaz importé par l’Italie provient d’Algérie). Alger et Moscou ont signé des accords énergétiques de grande importance. Les responsables des firmes russes Gazprom et Loukoïl ont visité à plusieurs reprises l’Algérie. Loukoïl va bientôt ouvrir une représentation à Alger. L’Italie, qui achète 26% de son gaz de la Russie, souhaite accélérer les négociations pour mettre sur les rails le projet du deuxième gazoduc, Galsi, après le Transmed. Le projet sous-marin Galsi, qui regroupe sept firmes dont Sonatrach et qui passera par la Sardaigne pour rejoindre l’Italie, suivie de près par l’Union européenne, va permettre au vieux continent d’être mieux fourni (51% du gaz consommé est importé). L’Algérie est le troisième fournisseur de l’Europe après la Russie et la Norvège. Le Galsi fera l’objet, théoriquement, d’un accord bilatéral entre les deux gouvernements, à établir prochainement. Sur le plan politique, l’Italie bénéficie de préjugés favorables, selon le propos même de Mohamed Bedjaoui, ministre des Affaires étrangères qui a visité Rome ces dernières semaines. Le chef de la diplomatie algérienne avait souhaité que la coopération entre les deux pays passe à un niveau qualitatif, surtout en matière d’investissements directs. En valeur, ces investissements ne dépassent pas, pour 2006, les six milliards de dollars. Rome et Alger sont, depuis 2003, liées par un traité d’amitié, dont la signature n’avait été précédée d’aucune conditionnalité. Le dossier de l’immigration clandestine, qui demeure une préoccupation pour Rome, sera abordé pour mieux coordonner les visions. L’Italie partage la vision de l’Algérie quant au traitement global du phénomène. Après Alger, dans les prochains mois, Romano Prodi ira en Tunisie, en Libye et au Maroc pour discuter de ce même problème, avec une approche différente. En pratique, l’Italie n’est pas « une grande destination » des candidats algériens à l’immigration. Les deux pays ont signé un accord de réadmission pour permettre un rapatriement légal des harraga éventuels.

Faycal Metaoui

 


Giovani Batista Verderame. Ambassadeur d’Italie en Algérie

« Donner une impulsion plus significative à notre partenariat stratégique »

La visite du président du Conseil italien, Romano Prodi, aujourd’hui en Algérie, revêt un cachet particulier, selon l’ambassadeur d’Italie en Algérie, Giovani Batista Verderame. Elle vise à donner une impulsion encore plus significative au partenariat stratégique déjà scellé par la signature d’un traité d’amitié et de bon voisinage qui a été signé entre l’Algérie et l’Italie.

Pouvez-vous nous faire le point sur les relations algéro-italiennes ?

Les relations algéro-italiennes sont excellentes. Sur le plan économique, nous sommes l’un des principaux clients de l’Algérie et l’un de ses plus importants fournisseurs. Nous sommes un client très fiable en approvisionnement en ressources énergétiques, principalement le gaz. Nos entreprises sont aussi très présentes dans le domaine des travaux publics. Sur le plan politique, nous avons beaucoup de points communs. Nous allons approfondir nos consultations avec d’autres partenaires européens de la région méditerranéenne pour voir comment satisfaire de façon plus positive nos amis Algériens. Nous nous engageons à améliorer davantage ces relations.

La visite du président du Conseil italien, Romano Prodi, semble justement s’inscrire dans cette perspective. Peut-on connaître le programme de cette visite et la teneur des discussions qu’il aura avec les responsables algériens ?

La visite du chef du gouvernement italien a une double signification. C’est la première visite de M. Prodi dans cette région de la Méditerranée depuis son accession à la tête du gouvernement. Cela démontre d’une façon très claire et évidente que le nouveau gouvernement accorde beaucoup d’intérêt à votre pays qui est un partenaire important. D’un autre côté, cette visite vise à donner une impulsion encore plus significative à notre partenariat qui est déjà stratégique avec le traité d’amitié et de bon voisinage qui a été signé entre l’Algérie et l’Italie. Dans le cadre de ce traité qui est entré en vigueur récemment, il est prévu un sommet périodique entre chefs d’Etat et chefs du gouvernement. Je crois que M. Prodi et le président algérien, M. Bouteflika, vont se mettre d’accord pour la tenue très rapide d’un tel sommet. Il y aura d’autres aspects pratiques qui seront dévoilés par M. Prodi. Mais si vous avez suivi toutes les visites effectuées par des membres du gouvernement italien justement en préparation de cette visite, vous comprendrez les axes de nos intérêts dans le domaine de la coopération économique et la petite et moyenne entreprises. Nous avons beaucoup travaillé avec les Algériens pour arriver à des accords significatifs dans ce domaine et dans le domaine du cadastre.

La coopération énergétique entre l’Algérie et l’Italie occupera probablement une bonne partie dans les discussions. Qu’en est-il au juste ?

La coopération énergétique fonctionne déjà très bien. D’ailleurs, lors de la visite de notre ministre du Développement économique il a confirmé au ministre algérien de l’Energie, M. Khelil, que le renforcement du gazoduc Transmed qui relie l’Algérie et l’Italie via la Tunisie va se faire en 2008. On s’est mis d’accord pour signer un accord intergouvernemental qui va accompagner la réalisation d’un deuxième gazoduc par un consortium de sociétés qui s’appelle Galsi.

Quelle est l’évolution des investissements italiens en Algérie ?

En 2006, selon les données les plus récentes, les investissements italiens en Algérie ont plus que doublé le niveau des investissements par rapport aux années précédentes. Il est de 5 milliards de dollars contre 2 milliards de dollars les années précédentes. C’est vrai que ce n’est pas très significatif mais c’est dans la moyenne des investissements directs des pays européens. Il faut cependant mettre l’accent sur le fait que la tendance est à la hausse.

Qu’en est-il des échanges commerciaux ?

Il y a un déséquilibre de la balance commerciale en faveur de l’Algérie. Les importations de l’Italie en provenance de votre pays ont atteint les 5 milliards de dollars durant le premier semestre 2006. Elles ont augmenté de 37,3%. Le montant des exportations a atteint quant à lui les 954 millions de dollars soit une augmentation de 33,6%.

Nora Boudedja

 


Le Galsi focalise l’attention

La visite du président du Conseil italien, Romano Prodi, en Algérie à partir d’aujourd’hui devrait permettre de définir de nouveaux axes pour la concrétisation du traité d’amitié, de coopération et de bon voisinage conclu entre les deux pays au mois de janvier 2003.

C’est ce qu’avait affirmé le ministre italien des Affaires étrangères, Massimo d’Alema, au mois d’octobre dernier lorsqu’il avait reçu à Rome le ministre algérien des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui. La coopération et la collaboration entre les deux pays sont appelées à s’affirmer de manière substantielle, avait-il précisé. Pierre angulaire de ces relations, la coopération dans le secteur de l’énergie est appelée à se développer plus que par le passé. En témoignent les projets en chantier. En 2005, l’Italie était le deuxième client de l’Algérie après les Etats-Unis avec environ 6,95 milliards de dollars d’exportations dont près de 98% constitués d’hydrocarbures. Au mois de mai 2005, et après des négociations qui auront duré trois années, la compagnie nationale algérienne a conclu un accord avec l’ENI, la compagnie italienne, pour augmenter les capacités du gazoduc Transmed (Enrico Mattei) et les porter de 27 milliards de mètres cubes actuellement à 33,5 milliards de mètres cubes en 2012 avec, dans une première phase, une augmentation de 3,2 milliards de mètres cubes dès 2008. Les travaux porteront sur la partie du gazoduc située sur le territoire tunisien (Trans Tunisian Pipeline Company -TTPC ). Cette partie du gazoduc traverse le territoire tunisien de Oued Saf Saf, point de livraison du gaz algérien, jusqu’à Cap Bon, sur le canal de Sicile, où il est relié à la partie sous-marine du gazoduc. L’accord doit être appliqué en deux phases, la première consistera à augmenter les capacités du gazoduc de 3,2 milliards de mètres cubes/an à compter de 2008 et permettra de porter les capacités du pipeline de 27,5 milliards de mètres cubes/an à 30,2 milliards de mètres cubes. La deuxième phase consistera à augmenter les capacités de 3,3 milliards de mètres cubes et les porter de 30,2 à 33,5 milliards de mètres cubes en 2012. La crise du gaz entre la Russie et l’Ukraine a, semble-t-il, bousculé le calendrier puisque l’ENI veut accélérer le processus d’augmentation des capacités. Il y a quelques mois, il était question de réviser cet accord au niveau du calendrier et d’avancer les dates. A ce propos, l’administrateur délégué de l’ENI, Paolo Scaroni, avait déclaré à un quotidien italien que le groupe ENI voulait avancer à 2009, voire à 2008 la deuxième étape d’augmentation des capacités du gazoduc programmée pour 2012. A ce propos, Sonatrach a signé au mois de septembre dernier quatre contrats de vente de gaz avec des compagnies italiennes. Les contrats qui entrent dans le cadre de l’extension de la première phase du gazoduc TTPC dont la mise en service est prévue au mois d’avril 2008 ont été signés avec la compagnie Edison pour un volume de 2 milliards de mètres cubes par an, la Compagnia italiana gaz (Mogest) pour un volume de 500 millions de mètres cubes/an, la compagnie World Energy pour un volume de 450 millions de mètres cubes/an et la compagnie Bridas Energy International pour un volume de 250 millions de mètres cubes/an. Au moment de la signature, Sonatrach avait indiqué que ces accords de vente de gaz « renforcent la coopération déjà établie entre Sonatrach et les compagnies gazières italiennes, notamment à travers l’extension du gazoduc transméditerranéen ». Le GALSI, deuxième gazoduc qui doit relier l’Algérie à l’Italie via la Sardaigne, devrait connaître lui aussi une accélération dans son calendrier. Pour le GALSI, il était prévu la finalisation des contrats de vente et d’achat de gaz pour la fin 2005 afin de permettre la prise de décision au niveau de l’investissement. Sur les 12 lettres d’intention de vente et d’achat de gaz signées, 3 ou 4 devaient être finalisées pour une capacité de 8 milliards de mètres cubes. Au mois de mars 2005, Sonatrach avait signé à Milan une série de 12 lettres d’intention de vente et d’achat de gaz à travers le gazoduc le « GALSI ». Les lettres ont été signées avec la région de Sardaigne, les partenaires de Sonatrach dans le projet de gazoduc, à savoir Edison, Enel, Energia ainsi qu’avec les compagnies internationales Hera, Blugas, EGL, Elettrogas, Erogasmet, Exergia, Gaz De France et Worldenergy. « Cet engagement est une nouvelle preuve de la rentabilité future confirmée du projet GALSI et de l’intérêt manifeste des compagnies internationales à s’investir de plus en plus dans les projets de Sonatrach », avait indiqué la compagnie nationale. Une délégation composée de responsables du ministère de l’Energie et des Mines et de Sonatrach doit se rendre à Rome avant la fin de l’année 2006 pour discuter des modalités de réalisation du GALSI qui doit relier l’Algérie à l’Italie par la Sardaigne et qui aura une capacité de 8 milliards de mètres cubes/an. Sonatrach devrait aussi étudier les possibilités d’investir dans des projets de terminaux de regazéification situés en Italie. Le partenariat stratégique, notamment dans le domaine énergétique entre l’Italie et l’Algérie, devrait encore se renforcer à la faveur de la visite de M. Prodi. La crise qu’a vécue l’Europe lorsque la Russie a fermé les robinets de gaz à l’Ukraine a renforcé le rôle de fournisseur de l’Algérie qui occupe déjà la deuxième place après la Russie et avant la Norvège. Actuellement, l’Italie est le premier client de l’Algérie pour le gaz avec près de 40 % des quantités exportées. L’augmentation des capacités du gazoduc Enrico Mattei et le lancement prochain du GALSI vont encore renforcer cette place de l’Algérie en Italie et en Europe.

Liès Sahar