« Le processus de paix au Moyen-Orient a échoué »

Ministres arabes des affaires étrangères

« Le processus de paix au Moyen-Orient a échoué »

El Watan,16 juillet 2006

Amr Moussa a eu, hier, le mot fin pour résumer les discussions houleuses de la réunion d’urgence des ministres arabes des Affaires étrangères au Caire sur la situation au Liban et en Territoires palestiniens. « Il n’y a pas eu de divergences mais un débat riche », a lancé le secrétaire général de la Ligue arabe, lors d’une conférence de presse retransmise par les chaînes de télévision arabes.

Le prince Saoud Al Fayçal, ministre des Affaires étrangères saoudien, a eu, selon des sources de presse, un accrochage verbal avec le chef de la diplomatie syrienne. Walid Al Mouallem a déclaré, lors de la réunion à huis clos, qu’il rêvait que les Arabes s’entendaient et soutenaient « la résistance libanaise et palestinienne ». « Des rêves diaboliques », a répliqué Saoud Al Fayçal. « Des rêves roses », a appuyé le ministre des Affaires étrangères koweïtien. Le chef de la diplomatie jordanienne a affirmé, lui, que les gouvernements ne doivent pas « céder » à l’émotion de la rue arabe. Arabie Saoudite, Koweït, Jordanie et Qatar, à un degré moindre, ont adopté une attitude critique vis-à-vis du Hezbollah libanais, lui imputant la responsabilité de ce qui se passe au pays du Cèdre. « Il faut distinguer entre la résistance légitime et les entreprises irréfléchies réalisées par certains au Liban et appuyées par d’autres responsables. Ces attaques sont menées sans rapport avec les autorités légales et sans concertation avec les pays arabes », a dénoncé Riyad, dans un communiqué diffusé par l’agence SPA, mais qu’aucun officiel n’a assumé. Une déclaration qui a eu l’effet d’une bombe et qui a déteint sur la réunion d’hier. « Nous soutenons le Liban dans son entier. Pas une faction ou un parti. Les ponts et les maisons qui sont bombardés appartiennent à l’ensemble des Libanais », a expliqué Amr Moussa en réponse à une question sur la position par rapport au Hezbollah. Le leader de ce parti, aujourd’hui ciblé par l’armée israélienne, Hassan Nasrallah, a vertement critiqué les régimes arabes, dans une intervention diffusée par la chaîne Al Manar et par Al Jazeera, qui ont montré une hostilité à l’encontre du mouvement. Les ministres arabes ont évité soigneusement d’évoquer « le choix de la résistance » à l’offensive israélienne. Le Conseil de sécurité est interpellé par les chefs de la diplomatie arabes pour obtenir le cessez-le-feu partant du constat que l’Etat hébreu refuse d’écouter les appels à la retenue. « C’est le seul lieu où sont traitées les questions liées à la paix et à la guerre ainsi qu’à l’application du droit international. Le Conseil de sécurité est handicapé par le veto », a expliqué Amr Moussa, disant que le Conseil de sécurité est mis devant ses responsabilités. Il a rappelé que seuls les Etats-Unis ont émis un veto contre une résolution condamnant Israël sur l’offensive à Ghaza, en Territoires palestiniens. « Tous les autres membres étaient pour la résolution. Le veto américain est un feu vert pour Israël », a-t-il appuyé. Walid Al Mouallem, cité par l’agence syrienne Sana, a averti qu’Israël pourrait exploiter « n’importe quel mot sortant de cette réunion pour justifier son agression contre le peuple arabe ». « Israël parle d’otages, nous parlons d’otages. Israël parle d’agressions, nous dénonçons toutes les agressions contre les civils », a soutenu, de son côté, Hamed Ben Jassem Al Thani, ministre des Affaires étrangères du Qatar. Mohamed Bedjaoui, ministre algérien des Affaires étrangères, a, lui, évoqué la nécessité d’une position arabe ferme afin « de faire comprendre à Israël et à ses soutiens que les Arabes ont toujours soutenu et soutiendront par tous les moyens le peuple palestinien dans sa lutte pour recouvrer l’ensemble de ses droits spoliés comme ils apporteront leur appui au Liban et à la Syrie ». Sans citer les Etats-Unis, le secrétaire général de la Ligue arabe a lancé : « Une partie des grandes puissances a soumis la question de la paix à Israël. L’affaire est prise en charge par une partie du conflit. Cela a conduit à la colère, à la déprime et à ce qui se passe aujourd’hui. » Grande évolution dans la position arabe commune. « Le processus de paix au Moyen-Orient a échoué », a tranché Amr Moussa. Selon lui, tous les mécanismes créés, dont le quartet (Russie, Union européenne, Etats-Unis et ONU), pour régler le conflit du Moyen-Orient ont abouti à un échec. Point de vue que Mohamed Bedjaoui ne semble pas partager. « Chargé de trouver un règlement au conflit arabo-israélien, le quartet devra assumer sa responsabilité en mettant fin au feuilleton des agressions, en exerçant des pressions sur Israël », a déclaré le ministre algérien. Alger adhère-t-il à la position dégagée par la Ligue arabe ? Mystère. « Ces mécanismes ont servi à enterrer l’opération de paix, à l’offrir à la diplomatie israélienne qui en a fait ce qu’elle a voulu bien faire : elle prend des décisions unilatérales, arrête ou reprend les négociations, choisit ses interlocuteurs… Tout cela se passe sous immunité internationale. Si la diplomatie israélienne se trompe, elle n’est comptable de rien », a souligné Amr Moussa. Il a rappelé que l’Etat hébreu a refusé la décision de la Cour de justice internationale sur « l’illégalité du mur de séparation » sans que cela ne fasse scandale. « Plus d’intermédiaires ! L’affaire de la paix sera mise entre les mains du Conseil de sécurité et de l’ONU à la demande générale, probablement en septembre prochain. C’est l’ensemble de la Ligue arabe qui y va, pas un pays ou deux ! Nous n’avons plus de comités ou de quartet ou d’autres. Pas question de tourner dans des cercles vides. Cette situation ne peut plus durer. Et qu’on vienne pas nous dire terrorisme ou pas de terrorisme (…) Le terrorisme est ce qui arrive aujourd’hui aux Libanais et aux Palestiniens », a-t-il dit, appelant les pays arabes à la vigilance. Amr Moussa craint l’effondrement de l’ordre sécuritaire au Moyen-Orient après la guerre imposée par Israël au Liban. Les ministres arabes ont appelé à la libération des détenus palestiniens et à l’échange des prisonniers dans le cadre de l’ONU. Ils ont cité les conventions de Genève pour protéger les civils, cibles de bombardements intensifs au Liban.

Faycal Metaoui