Medelci rappelle les divergences de fond sur l’intégration économique maghrébine

Medelci rappelle les divergences de fond sur l’intégration économique maghrébine

par Aïssa Bouziane, Le Quotidien d’Oran, 2 avril 2013

Le ministre algérien des Affaires étrangères, M. Mourad Medelci, a reconnu lundi que de sérieuses divergences opposent les pays du Maghreb sur la manière d’exploiter la complémentarité des pays maghrébins dans le domaine économique.

«Il y a beaucoup de divergences dans l’approche du processus d’intégration», a déclaré M. Medelci au cours d’une émission de radio.

Pour lui, deux visions s’affrontent dans l’approche économique. Certains pays, allusion notamment à la Tunisie et au Maroc, «militent en faveur d’une démarche basée essentiellement sur une ouverture commerciale ; d’autres pays, et c’est le cas de l’Algérie, militent en faveur d’une avancée beaucoup plus substantielle, vers la création d’une communauté économique maghrébine», a déclaré M. Medelci. Tout en déplorant que le processus d’intégration «avance trop lentement», M. Medelci a estimé que la production des pays maghrébins demeure insuffisante, et qu’un espace économique se transformerait, en conséquence, un terrain de concurrence entre produits non maghrébins.

M. Medelci a aussi déclaré qu’il y a un «problème de cohérence» de l’ensemble maghrébin. L’action doit se situer dans «un cadre de complémentarité organisée», a-t-il dit, ajoutant que l’objectif ne doit pas se limiter «uniquement à un marché commercial». Il a aussi déploré un «défaut de cadre organisationnel, de moyens et de mécanismes» susceptibles d’assurer la pérennité des démarches tentées pour aller vers une ensemble maghrébin.

Les déclarations de M. Medelci, faites alors que le président tunisien Moncef Marzouki tente un forcing pour réunir un sommet maghrébin, rappellent des différencesde fond qui bloquent les initiatives économiques, alors que de multiples pressions en ce sens sont exercées sur les pays maghrébins. De nombreux pays, dont la France et les Etats-Unis, poussent en ce sens, et organisent régulièrement des rencontres sur la question. Les experts estiment que chaque pays maghrébin gagnerait deux points de croissance en cas d’ouverture des frontières.

PRODUITS MAGHREBINS

Le président tunisien, animé d’une bonne volonté évidente, multiplie lui aussi les initiatives, mais bute inévitablement sur la réalité, faite d’un blocage de fait des relations entre les deux principaux pays maghrébins, l’Algérie et le Maroc. M. Marzouki est également convaincu qu’une ouverture maghrébine permettait à l’économie de son pays de trouver les débouchés extérieurs nécessaires pour ramener la croissance économique dans son pays.

Le Maroc mène lui aussi campagne pour ouvrir les frontières avec l’Algérie, dont son économie, très dynamique, pourrait tirer profit. Mais l’Algérie ne veut pas d’un Maghreb qui servirait de marchés de consommation à des produits fabriqués ailleurs, ce qui serait effectivement le cas si une suppression des frontières économiques était décidée dans l’immédiat. Pour l’Algérie, il faut inverser la démarche : réaliser d’abord les investissements internes nécessaires pour relancer les économies des pays maghrébins, pour faire en sorte que l’ouverture des frontières profite d’abord aux pays concernés.

La position de l’Algérie, qui parait juste sur le fond, sert toutefois largement de prétexte à une absence d’initiative et un immobilisme qui caractérisent la politique du pays dans l’ensemble maghrébin. La situation sécuritaire, avec l’instabilité dans des pays maghrébins et au Sahel, est également évoquée par l’Algérie pour inverser les priorités et considérer que la tenue d’un sommet maghrébin dans les conditions actuelles est «un peu délicat», et que si sommet il y a, il devrait considérer la question sécuritaire comme priorité.


Medelci à propos des relations algéro-marocaines

L’affaire Khoualed, les frontièreset le Sahara Occidental

par Yazid Alilat

Affaire du jeune Islam Khoualed, Sahara Occidental, (ré) ouverture des frontières et relations bilatérales avec le Maroc ont été abordées, hier lundi, par le chef de la diplomatie algérienne Mourad Medelci, lors de son intervention sur la radio Chaîne 3.

Il a en fait abordé quelques questions que suit avec assiduité l’opinion publique nationale, dont l’affaire du jeune Islam Khoualed, incarcéré dans une prison de la ville balnéaire d’Agadir pour une présumée agression sexuelle. M. Medelci aura surtout tenu à (dénoncer) en des termes cependant policés une énième campagne médiatique anti-algérienne. Une campagne médiatique, il faut le dire, qui intervient au moment de la tournée de l’envoyé personnel du SG de l’ONU pour le Sahara Occidental, Christopher Ross. Pour M. Medelci, l’actuelle campagne des médias marocains contre l’Algérie est «en contradiction» avec la volonté de l’Algérie et du Maroc «d’aller de l’avant». «C’est une question (la campagne médiatique contre l’Algérie) que nous avons débattue avec nos frères marocains de manière extrêmement sereine. Nous faisons un constat qu’en effet l’ambiance créée par ces annonces médiatiques, surtout quand elles sont portées par une agence d’Etat (agence MAP, Ndlr), est en contradiction avec la volonté politique de l’Algérie et du Maroc d’aller de l’avant», estime le ministre, qui semble ménager quelque peu les autorités marocaines, oubliant que l’agence de presse en question est l’agence officielle du Royaume du Maroc. Pour autant il précise que» cette campagne (médiatique) coïncide avec la visite en Algérie et dans la région » de l’envoyé personnel du secrétaire général des Nations Unies chargé de la question du Sahara occidental. Sur le dossier de la réouverture de la frontière algéro-marocaine et revendiquée depuis pratiquement septembre 1994 par les autorités marocaines, soit moins d’un mois après sa fermeture unilatérale par l’Algérie en réponse au rétablissement des visas pour les algériens après les événements de Marrakech, il a répondu diplomatiquement pour dire que ce dossier n’évoluera qu’en fonction du plein rétablissement des relations bilatérales entre les deux pays. «Cela relève d’une question bilatérale, et c’est donc bilatéralement qu’il nous (Algériens et Marocains) faudra trouver le chemin de la solution de cette question», a-t-il souligné. Sur l’affaire du jeune Islam Khoualed, il est resté serein, évitant en fait de compliquer davantage le cas de ce jeune algérien dont la situation mobilise l’attention de l’opinion publique nationale. Pour lui, «l’Algérie n’a pas l’intention de remettre en cause la souveraineté de la justice marocaine», avant de relever que «c’est à cette dernière de se prononcer». «Notre rôle à nous est d’exprimer, de manière constante et substantielle, notre solidarité à ce jeune et à sa famille et nous l’avons fait et nous continuerons de le faire», affirme le ministre, qui a précisé que «le processus d’appel qui vient d’être introduit (par la famille du jeune Islam) pourra permettre à la justice marocaine de tenir compte de ce qui s’est passé réellement». Le jeune Islam Khoualed, a été condamné la semaine dernière à une année de prison ferme par un tribunal d’Agadir pour agression sexuelle sur un garçon marocain, selon l’accusation. Ce que Khoualed a toujours nié. «Les éléments d’informations en notre possession indiquent qu’il n’y a pas vraiment de quoi créer ni une situation de ce type-là pour les deux familles (concernées) et encore moins pour en faire une question politique», relève M. Medecli. «Nous ne voulons pas en faire une question politique», a-t-il dit. Par ailleurs, M. Medelci, s’agissant du Sahara Occidental, est resté assez discret, évitant sans doute de gêner l’envoyé personnel de M. Ban Ki Moon, qu’il a reçu en son département, avant qu’il ne soit également reçu par le Président Bouteflika.

SOMMET UMA PAS A L’ORDRE DU JOUR

Pour M. Medelci, la tournée que mène M. Ross dans la région «pourrait constituer une avancée entre les deux protagonistes, le Maroc et le Polisario». En fait, M. Ross achève à Alger une tournée qui l’a mené aussi bien au Maroc qu’au Sahara Occidental occupé, ainsi que dans les territoires sahraouis libérés où il a rencontré les dirigeants sahraouis. Par contre, le chef de la diplomatie algérienne s’est largement étalé sur les conditions du ‘’prochain » sommet de l’UMA. Et, là, il a été clair: il faut réunir les conditions de sécurité dans la région et au Sahel pour qu’un tel sommet puisse se tenir. «Nous sommes (UMA) dans une phase de normalisation du fonctionnement de cette Union, et par conséquent, il ne fait aucun doute, je ne sais quand, (…) le Sommet de l’UMA ne se tiendra que lorsque toutes les conditions soient réunies», a-t-il dit. Il ajoute: «nous sommes engagés dans un processus sérieux de préparation d’un Sommet, mais nous sommes, également, bien loin, aujourd’hui, de boucler ce qui nous paraît être nécessaire de réunir comme conditions pour que celui-ci soit un succès». Pour lui, la tenue d’un tel sommet est tributaire de l’assainissement de la situation sécuritaire qui prévaut actuellement au Maghreb et dans le Sahel. «La tenue d’un tel sommet dans les conditions actuelles est «un peu délicate», relève t-il. Il a annoncé que les ministres de l’intérieur des cinq pays de l’UMA vont se réunir prochainement à Rabat pour débattre de ces aspects. Il a, dans la foulée, laissé entendre qu’un sommet des chefs d’état de l’UMA dans les circonstances actuelles n’est pas à l’ordre du jour.


Iran – Bahreïn : Les bons offices d’Alger

par Ghania Oukazi

Le Ministre des affaires étrangères a reconnu hier, qu’en accordant un siège à l’opposition syrienne, la Ligue arabe a transgressé ses propres lois et règlements juridiques.

Mourad Medelci a fait cette déclaration lors d’une conférence de presse qu’il a animée conjointement avec son homologue Bahreïni, en visite à Alger pour deux jours. «Nous sommes dans une situation très difficile en tant qu’Arabes et Musulmans, la situation en Syrie le montre bien,» a commencé Medelci par préciser en réponse à une question sur le fait que l’admission de l’opposition syrienne au sein de la Ligue arabe en remplacement de l’Etat syrien qui est de surcroît un de ses membres fondateurs des plus importants, constituerait un précédent susceptible d’être élargi aux autres pays arabes. «Pour l’Algérie, la seule solution à la crise est le dialogue entre les Syriens eux-mêmes, gouvernants, opposition, ceux qui sont dans la Ligue et ceux qui sont dans la Conférence islamique, nous soutenons leurs effort avec un profond sens de responsabilité,» a-t-il encore rappelé. Le ministre tiendra alors à affirmer que «nous n’avons aucun problème ni avec l’opposition syrienne ni avec l’Etat syrien, nous avons un problème avec nous-mêmes quand nous sortons de nos propres lois et règlements.» L’allusion est claire, elle vise directement ceux de la Ligue arabe qui ont manœuvré, le Qatar en tête, pour admettre l’opposition syrienne au sein de la Ligue arabe comme membre à part entière. En accordant ce siège, la Ligue arabe a violé l’article 8 de ses statuts qui ne s’appliquent qu’aux Etats. Certes, Medelci n’ira pas jusqu’à le dire sans ambages. Mais il lancera que «nous sommes habitués à travailler avec les Etats et non avec les gouvernements.» Le MAE remettra ainsi en cause la violation des règlements par la Ligue arabe mais ne dira mot sur l’aspect strictement politique que le Qatar met en évidence entre autres, dans la gestion du conflit syrien depuis qu’il est devenu prestataire de service des Américains auprès des pays arabes. Ceci étant dit, Medelci a fait savoir qu’il a rencontré les membres de l’opposition et que l’Algérie est prête à discuter avec eux à tout moment. Il appellera «tous les Syriens pour qu’ils prennent en charge leurs problèmes entre eux parce qu’ils sont les seuls responsables de leur avenir.» Il promet que «nous ferons tout pour les soutenir, et pour que le dialogue prenne la place des armes.

LE MESSAGE BAHREÏNI A L’IRAN

Son homologue Bahreïni a été moins tranchant en déclarant en premier qu’«avant de nous interroger sur celui qui a plus de légitimité ou celui qui représente la Syrie au sein de la Ligue arabe, nous devons rappeler la situation désastreuse dans laquelle vit le peuple syrien.» Le MAE bahreïni s’est alors interrogé «depuis quand le peuple syrien devait-il vivre dans des camps de réfugiés?» Il assure que «nous ferons tout pour les aider à rentrer chez eux.» Il revient cependant à la question relative à l’admission de l’opposition syrienne au sein de la Ligue arabe pour indiquer que «nous tenons à ce que cette admission ne divise pas les membres de la Ligue. Le Bahreïn fera tout pour dépasser cette crise et faire barrage à tout ce qui nous vient de l’extérieur.» Medelci revient à la charge et affirme qu’« au plan officiel, notre règle est de nous entraider avec les Etats, mais les peuples sont les seuls à décider de ce qu’ils veulent.» Il dira lancer un message de solidarité au peuple syrien et lui fera savoir que «l’Algérie a les moyens pour l’aider.»

Le ministre bahreïni complétera sa réponse en soutenant que pour régler la crise syrienne, «la solution du dialogue est exemplaire. Le dialogue entre les enfants d’un même pays est une solution véritable.» Il ajoutera que «s’ils sont d’accord pour une solution politique, ce serait excellent mais les conditions qui prévalent actuellement en Syrie n’augurent pas de ce choix.»

Reste que le plus fort message politique que le Bahreïn veut faire porter par l’Algérie est celui à l’adresse des gouvernants iraniens avec lesquels il entretient des relations très agitées voire périlleuses. Interrogé ainsi sur un éventuel rôle de médiateur que pourrait jouer l’Algérie entre les deux pays, le ministre bahreïni a répondu que «l’Algérie est un pays frère, il ne peut faire de médiation parce qu’il est très proche de l’Iran et sa relation avec ce pays est très importante.» Le ministre demandera alors que «si l’Algérie pourra convaincre l’Iran que dans son voisinage, il y a des pays qui lui veulent du bien, si ce message arrive par l’Algérie à l’Iran, ce serait bien.» Il notera encore que «nous sommes confiants que l’Algérie et sa diplomatie sont les meilleurs canaux pour faire transmettre ce message.» Medelci le rassurera en lui disant que «l’Algérie est disponible pour que ce message soit transmis entre deux pays musulmans.» Il sera plus précis en affirmant à l’adresse de son homologue bahreïni que «votre message est clair, on fera le nécessaire pour que ce message arrive à nos frères iraniens.»

RAPATRIEMENT DES PRISONNIERS ALGERIENS EN IRAK «PROCHAINEMENT»

Interrogé sur la situation des diplomates algériens otages au Mali, le ministre indiquera que «la situation au Mali est difficile, nos frères retenus en otage l’acceptent avec un profond sens de responsabilité, nous espérons que la crise malienne va être dépassée prochainement.» Il lancera à l’adresse des Maliens, que «nos diplomates sont leurs invités, ils étaient là-bas en toute responsabilité et en toute conscience, pour aider au développement du Mali(…).»

Interrogé en outre sur le sort des prisonniers algériens en Irak, Medelci dira qu’il a discuté avec les responsables irakiens et lui ont appris que «les Algériens sont détenus dans des conditions convenables. On a discuté au plan bilatéral sur les possibilités de leur rapatriement en Algérie, on s’attend à ce que cela se fasse prochainement.»

Les deux ministres avaient commencé leur conférence de presse en affirmant leur volonté de renforcer les relations entre les deux pays. Tout en les qualifiant «d’excellentes», ces relations peuvent, selon Medelci, être élargies à d’autres secteurs que celui économique, «secteurs sociaux et celui de la femme,» dira son homologue. «Nous voulons les élargir à des segments de la coopération autres que le financier dans lequel nous avons avec Bahreïn, une expérience bonne et ancienne et qui a enregistré des résultats positifs,» indiquera Medelci.

Les deux ministres ont signé hier ensemble un protocole de coopération devant servir à inclure « tous les secteurs et une ouverture au privé» dans leurs programmes bilatéraux de coopération.

Le protocole consacre en premier, le principe de la consultation politique que les deux pays se sont promis de renforcer. Le MAE bahreïni a fait savoir que la 2ème session de la commission mixte algéro-bahreïnie se tiendra à Bahreïn avant la fin de l’année en cours. Le volume d’échanges entre les deux pays ne dépasse pas, selon les diplomates, 60 millions de dollars.