Maroc: Bouteflika propose une “impulsion exceptionnelle”

Il évoque les relations Algéro-Marocaines dans une lettre à Mohammed VI

Bouteflika propose une “impulsion exceptionnelle”

Samia Lokmane, Liberté, 30 juillet 2006

À l’occasion de la fête du Trône, le chef de l’État a adressé au souverain chérifien un message teinté d’optimisme sur l’avenir des relations Algéro-Marocaines, en proposant notamment de leur donner “une impulsion exceptionnelle”.

Selon lui, le raffermissement des liens doit découler néanmoins de la détermination commune.

“Je demeure profondément convaincu que nos relations fraternelles connaîtront, avec la grâce de Dieu, une impulsion exceptionnelle grâce à notre détermination commune à les raffermir et à les élargir pour répondre aux aspirations de nos deux peuples à la solidarité et à la complémentarité, et de manière à nous permettre de relever les défis de notre ère et de faire face à ses mutations et ses contraintes.”

Les termes très conciliateurs du message adressé hier par le président Abdelaziz Bouteflika au souverain alaouite Mohammed VI, à l’occasion du VIIe anniversaire de son intronisation, semblent augurer d’une ère prometteuse dans les relations entre l’Algérie et le Maroc.
Les velléités d’arrangement, exprimées ces derniers mois par de hauts responsables algériens, dont le chef de la diplomatie Mohamed Bedjaoui, et notre ambassadeur à Rabat, Larbi Belkheir, sont confirmées par le chef de l’État qui, dans sa missive, a affiché sa “volonté permanente d’œuvrer ensemble au raffermissement des liens de coopération et de fraternité afin de hisser nos relations au plus haut niveau au mieux des intérêts suprêmes des deux peuples frères unis par les liens d’un passé commun, ainsi que par les exigences du futur à la construction duquel nous ne devons ménager aucun effort afin que nos enfants puissent y vivre dans le bien-être et la prospérité”.
Affectés de façon quasi structurelle par le conflit du Sahara occidental, les rapports entre Alger et Rabat ont, à travers cette profession de foi, une nouvelle chance de se ressouder.
À cet égard, la normalisation souhaitée par le locataire du palais d’El-Mouradia recèle des desseins très ambitieux. Au-delà de simples liens de bon voisinage, l’entente retrouvée doit répondre, selon lui, à “une impulsion exceptionnelle”, tributaire évidemment de la résolution commune à dépasser les clivages engendrés par le problème du Sahara.
De tout temps, l’Algérie a réclamé la nécessité de soustraire les relations bilatérales au sort de cette affaire et de confier sa gestion exclusive aux instances onusiennes.
Néanmoins, la persistance des autorités marocaines à vouloir conduire notre pays à troquer son engagement en faveur du droit des sahraouis à l’autodétermination contre une amitié sans nuages a abouti bien des fois à des ruptures violentes.
Ce fut le cas en 1994, suite à la décision d’Alger de fermer sa frontière terrestre, en réaction à la mesure intempestive du voisin de l’ouest d’imposer le visa aux ressortissants algériens, fichés comme des terroristes potentiels.
Depuis, les rapports ont évolué en dents de scie. En 2005, conscient du préjudice occasionné par la désertion des touristes et des trabendistes algériens, Rabat regrette et fait son mea-culpa.
Les visas sont supprimés. Cependant, Alger ne juge pas opportun de rouvrir sa frontière, du moins pas dans l’immédiat. Dans une interview qu’il a accordée en juin dernier à Liberté, M. Bedjaoui avait clairement souligné que “la réouverture de la frontière ne peut se concevoir que comme le résultat et non comme le prélude de négociations réussies”. Aussi avait-il exclu toute démarche dans ce sens, suggérant à l’occasion que le Maroc en serait le seul bénéficiaire.
De même, il avait écarté l’idée de la tenue d’un sommet entre les chefs des deux États. “La vertu de telles rencontres réside à mon sens moins dans leur effet d’annonce que par rapport à l’importance des décisions qui en résultent pour le bien des peuples concernés, et à leur portée au regard de l’amélioration du climat général des relations bilatérales”, avait observé le ministre des affaires étrangères.
Toutefois, selon lui, l’Algérie n’est pas seule à devoir accomplir des efforts et faire des concessions afin d’aplanir les divergences et enterrer définitivement la hache de guerre. “Cette conception que l’Algérie ne cesse de promouvoir requiert la manifestation d’une volonté politique partagée”, avait-il préconisé. Dans sa lettre, Bouteflika tend ainsi la perche à son homologue.
À Mohammed VI de la saisir. Car tôt ou tard, la perspective de vivre ensemble et en harmonie est inéluctable. “Ni l’Algérie ni le Maroc ne peuvent déménager”, dit justement M. Belkheir, notre ambassadeur à Rabat depuis une année, à qui incombe la mission de créer les conditions de cette impulsion exceptionnelle.

SAMIA LOKMANE