La mission impossible de Larbi Belkheir
En poste à Rabat depuis 2005
La mission impossible de Larbi Belkheir
Le Jour d’Algérie, 15 octobre 2006
Il est surtout permis d’affirmer que la dynamique qui était en cours durant l’été 2005 est stoppée net.
En «mission» à Rabat où disait-il sa «priorité sera d’établir des relations de confiance avec le Maroc et surtout une véritable communication entre les deux pays», car, a-t-il estimé «cela fait trop longtemps» que les relations entre les deux pays «passent par des hauts et des bas»; et du fait aussi que les Algériens et les Marocains sont «condamnés à s’entendre». Il rappellera que «le Maroc est notre voisin et le restera». Larbi Belkheir a-t-il échoué dans l’accomplissement de cette tâche qu’il s’est assignée ? Il est permis de le penser. Il est surtout permis d’affirmer que la dynamique qui était en cours durant l’été 2005 est stoppée net. Et pourtant, tous les espoirs étaient permis à ce moment-là. Les observateurs, même les plus avertis, avaient fini par croire que la nomination par Bouteflika de son directeur de cabinet au poste d’ambassadeur «extraordinaire et plénipotentiaire» au Maroc obéissait à son souci de relancer sur de nouvelles bases les relations entre les deux pays. D’autant que cette nomination avait été précédée par une série d’évènements, à même d’accréditer la thèse du réchauffement définitif des relations algéro-marocaines. En effet, les mois de juillet et août 2005 auront vu la libération des 404 derniers prisonniers de guerre marocains, la nomination de nouveaux ambassadeurs à Rabat et à Alger, l’échange de quelques messages protocolaires envoyés de part et d’autre et surtout, une très visible médiation américaine. Au printemps précédent, plus exactement en mars 2005, Mohammed VI se rend à Alger pour la première fois depuis son intronisation pour assister au 17e Sommet de la Ligue arabe. Mais le fait majeur est que le roi marocain prolonge son séjour après la fin des travaux officiels. Certes, au mois de mai suivant, la tension reprend à la veille du Sommet de l’UMA qui devait se tenir en Libye. Le Maroc ayant mal perçu le message adressé par Bouteflika à Mohamed Abdelaziz, président de la Rasd, «l’assurant du soutien indéfectible de l’Algérie à l’occasion du 32e anniversaire de la naissance du front». Mais cette tension renaissante a été étouffée le 5 juillet, date à laquelle Mohammed VI adressait un message de félicitations au président algérien à l’occasion de la fête de l’indépendance. Bouteflika lui répond avec enthousiasme et récidive à l’occasion de l’anniversaire de Mohamed VI. Cet échange de messages sera suivi par l’envoi, par le souverain marocain, à l’occasion du 20 août, d’un autre. Entre-temps, le13 juillet, Mohamed Abdelaziz a mis la main à la pâte en contribuant à l’apaisement en annonçant la «libération imminente des derniers prisonniers de guerre marocains». Quelques jours après, George Bush envoie un émissaire personnel dans la région, en la personne de Richard Lugar. Entre-temps, le Maroc propose un nouvel ambassadeur aux autorités algériennes, en la personne de Abdellah Belkziz. L’agrément des autorités algériennes est donné dans les 36 heures. L’émissaire américain entame alors une visite officielle dans la région, à Alger, Rabat et Tripoli, dernière étape de sa tournée maghrébine. L’américain «ne cache pas son espoir de voir le Maroc et l’Algérie reprendre les négociations». Une médiation qui semblait favorablement accueillie. Dans ce sillage intervient la nomination de Larbi Belkheir comme ambassadeur «extraordinaire et plénipotentiaire». Rabat valide dans la journée même la nomination. Mieux, des réactions élogieuses fusent du côté marocain. De Paris, l’intéressé dira qu’il rejoindra Rabat «probablement en octobre». En fait, il ne prendra ses fonctions qu’à la mi-novembre 2005. Plus exactement le 14. Entre- temps, ce retard avait été interprété de façon différente d’un côté comme de l’autre. Mais le nouvel ambassadeur qui a succédé à Boualem Bessaih, rappelé à Alger pour présider le Conseil constitutionnel, était attendu sur deux gros dossiers. A savoir la réouverture des frontières algéro-marocaines, fermées depuis 1994, à la suite de l’attentat de Marrakech et celui du Sahara occidental. Les Marocains qui avaient présenté dans un premier temps Belkheir comme un «ami» du Maroc avaient espéré que l’ancien directeur de cabinet de la présidence ne joue de son influence supposée pour faire accepter à Alger le règlement proposé par Rabat s’agissant du dossier sahraoui. Ils ne semblaient avoir pas prêté attention à sa déclaration faite le 25 août à un quotidien français et dans laquelle Larbi Belkheir avait affirmé que le dossier restera «du ressort des Nations unies, pas du nôtre», Belkheir réitérant de la sorte la position officielle de l’Algérie. Dès lors, peut-on vraiment parler d’un constat d’échec ? Et quand bien même ce constat est établi, incombe-t-il réellement au seul diplomate ? Car assurément, les relations entre les deux pays sont beaucoup plus complexes qu’elles ne le semblent. Et contrairement à ce qui est usité, elles ne tiennent pas uniquement au dossier sahraoui, ni à la qualité d’un seul homme.
Nadia Kerraz