Un ballet diplomatique sous l’air de la sécurité énergétique

Un ballet diplomatique sous l’air de la sécurité énergétique

Le Quotidien d’Oran, 13 décembre 2006

Sécurité et énergie. C’est sur ces questions que s’organisent les relations de l’Algérie avec son voisinage du nord de la Méditerranée.

Quelques semaines après la visite du chef du gouvernement italien, Romano Prodi, c’est au tour du chef du gouvernement espagnol, José Luis Zapatero, d’effectuer une brève visite, mais la troisième du genre en Algérie. Si l’aspect sécuritaire est présent avec la conclusion d’un accord d’extradition, la question de l’énergie reste essentielle. Elle était en partie l’objet de la visite du ministre français de l’Economie Thierry Breton. L’occasion pour Sonatrach et Gaz de France (GDF) de signer des accords sur une réservation de capacité de regazéification dans le terminal Montoir de Bretagne (France) et la vente de gaz naturel algérien dans le cadre du projet de gazoduc Medgaz. Sonatrach devrait ainsi fournir un milliard de m3 de gaz au marché français.

Des accords importants sur le gaz lient désormais l’Algérie aux trois plus grands pays du sud de l’Europe. Ces engagements importants devraient réduire les inquiétudes exprimées çà et là en Europe autour de la possibilité que l’Algérie et la Russie deviennent les locomotives d’une Opep du gaz. La signature d’un accord d’entente entre le géant russe Gazprom et Sonatrach avait donné lieu à des inquiétudes publiquement exprimées par certains acteurs politiques européens. Le PDG de Sonatrach avait répondu, avec un certain agacement, au sujet de ces spéculations en relevant que l’entreprise publique avait signé des accords également avec d’autres entreprises comme Loukoil, Shell et British Gas sans que cela soulève des interrogations. « Il n’y a rien de spécial dans notre accord avec Gazprom, cet accord concerne la coopération à l’international, la recherche d’opportunités d’investissement, de partenariat sur des projets concrets. Exactement le même accord qu’avec d’autres compagnies ». Mais les Européens, qui ont tiré des évaluations alarmistes du bras de fer qui a opposé la Russie et l’Ukraine au sujet du gaz, gardaient une certaine inquiétude de voir ces principaux fournisseurs conclure une «alliance».

Ces appréhensions ont persisté malgré les assurances données par l’Algérie, qui d’ailleurs est en situation de concurrence avec la Russie et a intérêt à élargir ses parts de marché en Europe. D’où d’ailleurs l’investissement algérien dans les gazoducs Medgaz et Galsi, dont la réalisation est une sécurisation de taille pour le marché européen. Sonatrach n’est pas dans une logique de cartel et les accords conclus avec les pays de la rive nord de la Méditerranée rendent cette perspective encore plus improbable. L’Europe, en prenant des engagements lourds, comme pour le projet de Medgaz, lève une hypothèque. A la suite de la signature des accords algéro-français, Mohamed Meziane a mis en avant la « fiabilité des approvisionnements » de Sonatrach, qui en fait le « partenaire de choix qui contribue à la sécurisation des approvisionnements en gaz de l’Europe ». En mettant en avant la sécurité des approvisionnements, les deux parties ont un langage commun. On en retrouve la trame dans le ballet diplomatique des ces dernières semaines. La visite de Zapatero s’inscrit dans ce mouvement général des pays du sud de l’Europe pour la prise d’engagements à long terme avec l’Algérie.

La coopération avec l’Espagne est d’un niveau très élevé. L’Algérie fournit à l’Espagne plus de 60% de sa consommation de gaz et trois sociétés espagnoles (Cepsa, Iberdrola et Endesa) ont déjà signé des accords avec Sonatrach pour l’achat du gaz qui sera transporté par le gazoduc Medgaz. Son achèvement en 2009 scellera de manière physique les liens entre les deux parties et au-delà avec l’Europe.

Il devrait acheminer plus de huit milliards de m3 de gaz chaque année en Espagne, dont une partie pourrait alimenter le Portugal et la France.

M. Saâdoune