L’Allemagne tente de prendre position au Maghreb

Bilan de la visite d’Angela Merkel

L’Allemagne tente de prendre position au Maghreb

Par : Rafik Benkaci, Liberté, 19 juillet 2008

Berlin veut mettre un frein à l’hégémonie de la France sur cette région où elle accapare la majorité des marchés.

La chancelière allemande Angela Merkel a achevé jeudi après-midi une visite officielle de deux jours, en Algérie, au terme de laquelle Alger et Berlin ont convenu de renforcer leur coopération économique. En choisissant l’Algérie pour son premier déplacement au Maghreb quelques jours après le lancement de l’Union pour la Méditerranée (UPM), Angela Merkel a sans doute voulu manifester la priorité qu’elle accorde aux relations avec un pays qu’elle considère comme le plus important de la région. “L’Algérie est le plus grand pays du Maghreb avec un très grand potentiel économique”, a affirmé la chancelière à l’issue d’un entretien avec le président Abdelaziz Bouteflika. Faisant valoir “l’importance du poids politique de l’Algérie”, Mme Merkel a ajouté que Berlin a “l’intention ferme de faire évoluer davantage les relations avec l’Algérie dans tous les domaines”. Selon elle, les deux pays ont également convenu d’installer une commission mixte algéro-allemande à laquelle participeront des représentants du gouvernement et d’entreprises industrielles. “Cette décision politique se répercutera de façon positive sur l’évolution des relations économiques entre les deux pays”, a-t-elle souligné. Les déclarations de la chancelière allemande, qui est perçue actuellement comme la personnalité la plus influente d’Europe, largement devant le président français Nicolas Sarkozy, traduisent sans aucun doute la volonté de l’Allemagne de faire désormais de l’Algérie un partenaire stratégique au Maghreb. Angela Merkel n’a pas caché sa volonté de faire de l’Algérie un partenaire stratégique, un pays qui a exprimé des réserves sur les capacités de financement des projets de l’UPM par l’Union européenne, lors du sommet de Paris le 13 juillet. Car il ne faut surtout pas perdre de vue que c’est la chancelière allemande qui avait imposé une sévère révision au projet d’UPM, cher à Nicolas Sarkozy, non pas tant par souci de maintenir la cohésion européenne, estiment des analystes, que pour ne pas laisser la France accaparer les marchés maghrébins. “L’Allemagne essaie de prendre position dans une région où elle est traditionnellement peu influente”, reconnaît-on dans l’entourage d’Angela Merkel, tout en soulignant que Berlin “ne veut pas créer de malentendus quelques jours après la création de l’UPM”. Même si rien de concret n’a été dit officiellement sur la coopération énergétique entre Alger et Berlin durant le déplacement d’Angela Merkel, la question du gaz a été au centre des discussions algéro-allemandes.
L’Allemagne souhaite sortir de sa dépendance très lourde vis-à-vis de la Russie à laquelle elle achète 40% de ses besoins. Depuis la crise du gaz entre la Russie et l’Ukraine début 2006, et les problèmes de livraison qui s’en étaient suivis, l’Allemagne veille à diversifier son approvisionnement. Elle vise plus particulièrement le gaz naturel liquéfié (GNL) dont l’Algérie est spécialiste. Moins volatile et moins volumineux qu’à l’état gazeux, le GNL ne nécessite pas de gazoducs et peut donc se transporter par bateau sur de longues distances. Berlin se prépare ainsi à tourner la page de l’annulation unilatérale en 1984 par la compagnie publique d’hydrocarbures Sonatrach de deux contrats fermes de gaz naturel liquéfié avec Ruhrgas-Salzgitter-Gasunie et Brigitta-Thyssengas, pour des volumes de 11,2 milliards de mètres cubes par an et 4 milliards de mètres cubes par an. Leur abandon avait jeté un froid entre les deux pays. Les deux pays ont également évoqué la coopération dans les énergies renouvelables, notamment en matière d’énergie solaire. L’Agence spatiale allemande a signé au début de l’année une convention de coopération dans ce domaine avec New Energy Algeria (Neal), la filiale spécialisée dans le solaire des entreprises Sonatrach et Sonelgaz. Neal envisage la construction d’ici à 2012 de quatre centrales hybrides gaz-solaires. La première, d’une capacité de 150 mégawatts (MW), est en cours de construction à Hassi R’mel (Sud). Les trois autres, d’une capacité de 400 MW chacune, doivent être lancées entre 2010 et 2012. Il serait également question de relier Adrar à la ville allemande d’Aix-la-Chapelle par un câble électrique long de 3 000 kilomètres. Baptisé “Clean Power from Desert” (Énergie propre du désert), ce projet s’élèverait à plus de 2 milliards d’euros. L’ambition de l’Algérie est de produire 5% de son électricité à partir de l’énergie solaire d’ici à 2015 et d’en exporter une partie vers l’Europe. Les discussions algéro-allemandes ont également porté sur la coopération militaire. Berlin voudrait explorer la possibilité de vendre des frégates à l’Algérie et de participer à la formation de ses officiers. Le gaz et les frégates ne sont pas les seuls sujets abordés par la chancelière allemande à Alger. La première banque allemande, Deutsche Bank, est présente en Algérie depuis juin. Et c’est un consortium qui a remporté le marché de la construction de la Grande-Mosquée d’Alger, un projet dont le coût est estimé à près d’un milliard d’euros. Deux accords de partenariat dans l’industrie et la formation professionnelle ont été également signés. L’un porte sur création d’une entreprise commune entre Europoles Pfeider et le groupe privé Cevital d’Issad Rebrab pour la production de mâts en béton. L’autre, conclu par Knauf international, porte sur la formation, le perfectionnement et le recyclage d’enseignants.

Rafik Benkaci


À la faveur d’un partenariat avec l’Allemand Europoles Pfleiderer

Cevital produira des mâts en béton précontraint et centrifugé

Par :Meziane Rabhi, Liberté, 19 juillet 2008

Ce partenariat devrait permettre à terme à l’Algérie de passer du statut d’importateur de mâts à béton à celui d’exportateur.

Deux contrats ont été signés en marge du forum économique algéro-allemand organisé, mercredi, à l’hôtel Sheraton d’Alger. Le premier concerne une joint-venture entre Cevital, à travers Cevico sa filiale, et l’entreprise Europoles, Pfleiderer GMBH et CO.KG, leader mondial dans la production de mâts en béton précontraint et centrifugé pour le transport de l’énergie électrique, y compris de haute tension. La joint-venture ainsi créée portera le nom de Cevipoles et amènera un transfert de savoir-faire et une création d’emplois en Algérie. Ce partenariat devrait permettre à terme à l’Algérie de passer du statut d’importateur à celui d’exportateur. Les mâts en béton seront produits au niveau des usines de la filiale de Cevital, Cevico, situées à l’Arbaâ Beni Moussa, Hassi Ameur (Oran), une troisième usine sera lancée dans quelques jours et sera opérationnelle au début de l’année prochaine. Contrairement aux pylônes utilisés actuellement en Algérie, les mâts en béton précontraint et centrifugé sont plus esthétiques et moins coûteux, car ils demandent moins d’entretien. Leur durée de vie est beaucoup plus longue. Par ailleurs, la majorité des produits entrant dans la production du mât en béton, le ciment, le gravier…, est locale. On utilise peu de fer. Les pylônes en acier sont par contre beaucoup plus chers et les composants sont à 80% importés. En produisant des mâts en béton précontraint et centrifugé, non seulement Cevital fait économiser de la devise au pays, mais aussi fait passer notre pays de stade d’importateur au stade d’exportateur. Cevipoles pourrait à moyen terme proposer une gamme étendue de produits depuis les petits mâts d’éclairage aux tours de télécommunications de 130 m de hauteur en passant par les mâts pour les panneaux publicitaires et les supports de lignes de 20 à 50 m. Techniquement, contrairement au procédé traditionnel, dans le cas du béton centrifugé à haute résistance, les aciers de précontrainte sont soudés aux armatures circulaires et sont dudgeonnés aux deux extrémités du moule. Le béton à haute résistance de formulation spéciale est coulé dans la demi-coquille inférieure du moule. Les deux demi-coquilles sont assemblées entre elles et les aciers de précontrainte sont mis en tension. Pour compresser le béton par centrifugation, les rouleaux en acier tournent à environ 600 tours/mn autour de leur axe longitudinal. Le béton frais est plaqué sur les parois du moule à une force égale à environ 20 fois la gravité. Ce qui permet d’obtenir un béton d’aspect lisse en surface, non poreux et de grande rigidité. Au-delà de son faible coût, de sa longévité et de sa rigidité, le pylône en béton occupe moins d’espace, contrairement aux monstres d’acier que nous observons dans nos champs. En plus, l’assemblage rapide des nouvelles lignes haute tension avec un seul pylône pour deux circuits est possible, le coût d’assemblage est très faible et la maintenance réduite. Le deuxième contrat porte sur la signature d’une convention cadre relative à la formation entre l’entreprise allemande Knauf Internationale et le ministre de la Formation et de l’Enseignement professionnels. Il s’agit de mettre en place un partenariat actif dans le but de promouvoir la formation et l’enseignement professionnels.

M. R.

 


Bloquée pendant plus de deux heures à alger

Incident technique dans l’avion d’Angela Merkel

Par : Salim Koudil

Angela Merkel n’oubliera pas de sitôt l’anniversaire de ses 54 ans. Elle a failli rater la fête que ses proches lui avaient organisée à Berlin, à cause d’un incident au sol à l’aéroport international d’Alger, et qui l’a bloqué, elle et toute la délégation pendant plus de deux heures. Selon des témoins sur place, l’incident s’est déroulé aux alentours de 13h30 (le vol était prévu à 15h) lors de l’accostage de la passerelle à la porte de l’avion mais “une mauvaise manipulation” d’un des agents au sol a causé des dommages au fuselage de l’avion. Un trou de 30 centimètres était béant sur le fuselage de l’Airbus Théodor Hess de la Bundesluftwaffe qui était donc obligé de rester au sol. À ce moment une panique générale a régné sur place et a mis tout l’aéroport en état d’alerte. La première “solution” proposée par les autorités algériennes à la chancelière allemande était de disposer de l’A340 présidentiel flambant neuf. Un avion d’Air Algérie, un Boeing NG, qui s’apprêtait à rejoindre Istanbul, allait être “sacrifié” pour le mettre à la disposition de la forte délégation allemande (environ 90 personnes accompagnant entre parlementaires, journalistes, et hommes d’affaires) qui a fait le déplacement à Alger pour les deux jours qu’a duré cette visite officielle. Notre source ajouta qu’en attendant de trouver une solution au problème d’avion Angela Merkel a dû “allonger” le temps pour le déjeuner avec le président Bouteflika. Finalement elle a décidé de rentrer, avec sa délégation, avec un avion spécial affrété auprès d’Air Algérie. Elle a opté pour l’avionneur européen, Airbus, au lieu du Boeing américain. C’est vers 17h10 que les Allemands ont quitté le sol algérien. Le Théodor Hess a de son côté quitté l’aéroport après avoir subi des réparations mais avec aucun passager à bord.

Salim Koudil