Ahmedinedjed se confie à la presse algérienne

Le président iranien attendu lundi à Alger

Ahmedinedjed se confie à la presse algérienne

par notre envoyée spéciale à Téhéran (Iran) : Ghania Oukazi, Le Quotidien d’Oran, 4 août 2007

L’Iran semble mettre dans la balance l’acceptation de son dossier du nucléaire par les Américains contre celle de négocier avec eux un dénouement de la crise irakienne. Il est 20 heures 45 lorsque le président iranien fait son entrée dans la salle où l’attendaient un groupe de journalistes algériens. La rencontre avec Mahmoud Ahmedinedjed a eu lieu jeudi dernier en nocturne au palais présidentiel situé à la rue Pasteur, à Téhéran. Sa rencontre avec les journalistes algériens, le président iranien l’a voulue très officielle et publique. Il l’a faite sous les projecteurs des caméras nationales pour confirmer son intention de se rendre lundi prochain à Alger. Il commence par faire une prière pour tous les enfants de l’humanité qui, dit-il, «ont un besoin pressant à voir se produire un grand changement dans le monde pour un règlement de leurs problèmes qui ne peut se faire qu’en respect des valeurs divines et des traditions des prophètes».

Sa visite en Algérie, le président iranien estime qu’il l’effectue «dans un pays frère et ami dont les positions sur les questions internationales et régionales convergent avec celles de son pays». Il souligne que «Bouteflika est une personnalité dont les avis à ce propos sont précis et transparents, il défend les droits des peuples et les libertés des nations». Ahmedinedjed affirme qu’il abordera avec lui à Alger «toutes les questions d’intérêt commun, les relations bilatérales et les questions liées aux pays musulmans et arabes». A l’ordre du jour des deux chefs d’Etat en évidence les dossiers régionaux et internationaux «qui ont besoin qu’on se concerte avec les pays frères et amis». Au plan régional, le président iranien déclare ne pas être inquiété par le fait que les USA aient vendu de l’armement à des pays voisins.

«LES CONTRATS D’ARMEMENT AMERICAIN NE NOUS INQUIETENT PAS»

«Ce n’est pas la première fois qu’ils le font. Il y a quelques années, ils l’ont fait pour 400 milliards de dollars. Le fait donc n’est pas nouveau». En plus, «ils veulent vendre tout ce qu’ils ont produit comme armement mais surtout ils veulent ainsi diviser les rangs des pays frères et amis pour qu’ils puissent intervenir facilement dans la région», a-t-il affirmé. Il ne manque pas au passage d’égratigner ces pays «frères» qui, dit-il, «ne doivent pas gaspiller ces sommes colossales pour acheter des armes, ils devraient les utiliser pour le règlement des problèmes de leurs peuples». D’autant que les Américains veulent «changer l’ami en ennemi et l’ennemi en ami, ils montraient que Israël c’est l’ami et l’Iran c’est l’ennemi». Pour lui, les Américains vont droit vers l’échec, «ils ne pourront aller nulle part».

Ahmedinedjed n’est nullement inquiété par une telle situation parce que, précise-t-il, «les Américains ont besoin de nous pour ce qui concerne l’Irak». Il affirme «qu’ils négocient avec nous pour un dénouement de la crise irakienne». Mais en parallèle nous l’entendrons insinuer et son ministre des Affaires étrangères dire que «le dossier nucléaire s’achemine vers un règlement positif». Même l’Algérie le pense puisque des sources diplomatiques prévoient un tel résultat depuis que «l’Iran et l’AIEA ont tous les deux opté pour la négociation». Si l’Iran reconnaît par la voix de son président qu’il négocie avec les Américains le dénouement de la crise irakienne, tout en prévoyant un règlement positif à son dossier nucléaire, c’est que la relation de cause à effet entre les deux questions n’est nullement à démontrer. Ahmedinedjed affiche, en tout cas, une sérénité remarquable à ce sujet. L’Iran, souligne-t-il, «s’est toujours conformé aux règlements et lois internationaux régissant l’utilisation pacifique du nucléaire et il n’a demandé que son droit, en plus c’est le pays qui a le plus collaboré avec l AIEA». Il affirme en outre que «nous avons beaucoup avancé dans ce domaine, aujourd’hui l’Iran est un pays nucléaire». L’adhésion de son pays au club du nucléaire est par ailleurs pour bientôt même s’il pense que ce club est plus politique qu’organisationnel.

LES GROUPES TERRORISTES ET LES GRANDES PUISSANCES

Ahmedinedjed passera en revue la situation au Moyen-Orient tout en dénonçant la politique des deux poids deux mesures lorsqu’il évoque les graves exactions que fait subir Israël au peuple palestinien. Les écoutes du Pentagone, les caméras britanniques qui surveillent les citoyens, les prisons secrètes en Europe. Tout sera dit pour démontrer que «les Occidentaux et les Américains n’ont rien à voir avec la démocratie ni les droits de l’homme parce que la dignité humaine est une réalité et un principe». En plus, «les pays qui instrumentalisent politiquement les groupes terroristes n’ont pas le droit de dire qu’ils combattent le terrorisme». L’allusion aux Etats-Unis est on ne peut plus claire. Maintenez-vous vos déclarations contre Israël ? lui demandons-nous. «Nous serons toujours avec la Palestine tant que son peuple souffre», a-t-il répondu tout en rajoutant à l’adresse des Israéliens: «Ils n’ont qu’à aller ailleurs.»

A propos du terrorisme, Ahmedinedjed affirme «condamner avec force les actes terroristes partout où ils sont commis et l’Islam interdit l’assassinat d’innocents». «Le règlement des problèmes entre les peuples et les Etats doit se faire par le dialogue et le bon sens.» Pour lui, «soit les groupes terroristes répondent à des instructions des grandes puissances, ou alors ils ont été créés carrément par elles». Le dossier énergie, d’autre part, restera, selon lui, de tout temps d’actualité, «il a une grande importance de nos jours». Il appelle «les pays qui ont d’importantes réserves de gaz et de pétrole à coopérer entre eux». Et, ajoute-t-il, «nous tenons à le faire avec l Algérie. Dans ce domaine, l’Iran a une grande expérience en matière d’exploration, de raffinage et en pétrochimie, l’Algérie aussi l’a dans ce domaine». Il explique les problèmes de son pays en matière de gasoil et d’essence, mais, dit-il, «ils ont été réglés et dans trois ans nous exporterons de l’essence». Le président iranien est persuadé, par ailleurs, que «les pays producteurs de gaz ont fait un premier pas vers la création d’une OPEP du gaz qui leur fera du bien tout autant qu’aux pays consommateurs».