Ahmed Benbitour et Soufiane Djilali : «L’Algérie a aujourd’hui les caractéristiques d’un Etat défaillant»

Ahmed Benbitour et Soufiane Djilali : «L’Algérie a aujourd’hui les caractéristiques d’un Etat défaillant»

El Watan, 10 avril 2013

Le système fonctionne sur la rente, la prédation et l’utilisation de la rente. C’est à ce niveau-là que se situe le blocage.

Or, nous constatons depuis 2006 une baisse tendancielle de la production d’hydrocarbures et une augmentation importante de la consommation interne d’énergie. Ce qui fait que le différentiel qui va vers l’exportation va s’amenuiser pour arriver à une situation assez difficile vers 2018-2020», a soutenu Ahmed Benbitour, ancien chef de gouvernement, lors des rencontres d’El Watan. Il a rappelé la règle d’or des années 1970 qui consistait à épargner la fiscalité pétrolière. «Une fiscalité laissée pour le budget d’équipement ou orientée vers les entreprises publiques dans le cadre de l’investissement pour le montage des usines industrielles. Depuis, nous avons perdu cette règle d’or et avons commencé à utiliser de façon importante la fiscalité pétrolière dans le budget de fonctionnement», a-t-il appuyé. L’ancien ministre des Finances a fait une petite simulation : en 2009, sur chaque équivalent de baril exporté (moyenne pondérée entre le gaz et le pétrole), 28,5 dollars allaient vers le budget de fonctionnement, 38 dollars en 2010, 70 dollars en 2011.

«Cela veut dire que si le prix du baril baissait au-dessous de 70 dollars, on n’aurait plus un seul dinar pour le budget d’équipement. Donc, à côté de la défaillance de l’Etat et de la corruption généralisée, il y a aussi cette source qui va se réduire. Nous allons donc connaître une situation d’explosion si le système de gouvernance restait tel qu’il est, au plus tard vers 2018. Mais cela peut arriver à n’importe quel moment !», a-t-il prévenu. «Le pire qui pourrait nous arriver est que nous ayons un cumul de malédictions. Imaginez qu’il y ait une baisse du prix du pétrole, une explosion de la violence à l’intérieur du pays, de l’insécurité à l’extérieur… Dans quel état serait le pays ? J’ai l’impression qu’il y a un manque de responsabilité totale sur le devenir du pays», a relevé le futur candidat à l’élection présidentielle. Il a expliqué que les devises du pétrole exporté vont à la Banque d’Algérie.

«Malédiction»

La société qui exporte, Sonatrach, reçoit ses recettes en dinars. «Dans ces dinars, il y a de 75 à 85% de fiscalité pétrolière, payée sur la facture immédiatement. Il est vrai que pour les réserves de change, nous avons pour quatre années d’importations. Nous importons en valeur pour 50 milliards de dollars en marchandises et autour de 14 milliards de dollars en services. Le fond de régulation des recettes fonctionne en dinars. Il ne peut pas tenir plus de deux ans. Et c’est là qu’il y a problème, le gouvernement fonctionne avec le dinar pour la fiscalité pétrolière et non pas avec la devise», a souligné Ahmed Benbitour. Il a accusé le pouvoir de vouloir utiliser la rente pétrolière et gazière pour acheter qui il veut. «La situation en 2013 n’est pas celle des années 1970 ou 1980. Nous avons une baisse de la production d’hydrocarbures. Certains puits de pétrole ont plus de cinquante ans d’existence. Nous allons de plus en plus vers la dépendance des hydrocarbures. C’est ce qu’on appelle ‘‘la malédiction des ressources’’», a-t-il noté.

Ahmed Benbitour a cité quatre modèles d’utilisation des ressources. Le premier, idéal, selon lui, est celui de la Norvège. Un pays où la rente est épargnée pour les générations futures. Le deuxième est celui du Qatar. «Le Qatar utilise la rente pour vendre une image qui fait que le pays paraît plus puissant qu’il n’est réellement. Qatar Airways est la deuxième compagnie aérienne au monde. Le gouvernement paye des billets d’avion pour les conférences et les congrès qu’il organise. Le troisième modèle est celui de l’Algérie où la rente sert à acheter la paix sociale. Le quatrième modèle est celui de la RDC, République démocratique du Congo, où la rente finance la guerre. L’Algérie a aujourd’hui toutes les caractéristiques d’un Etat défaillant, avec des critères scientifiques. Si ça continue, on sera dans la situation de la RDC», a-t-il prévenu. «Le niveau de développement actuel n’est pas compatible avec les ressources naturelles et humaines du pays», a-t-il repris.

Absence de vision

Soufiane Djillali a plaidé, pour sa part, pour un véritable projet de société aux fins de mieux utiliser les avoirs du pays. «Gagner de l’argent nécessite de l’instruction, en dépenser nécessite une culture. Or, le problème est psychologique et mental avant d’être technique. Il n’y a pas de vision. Depuis plus de dix ans, les Algériens ont désappris à travailler. Nous n’intégrons plus les valeurs importantes, comme le sens de la responsabilité, de l’effort et du temps. On veut rapidement acheter une villa, une belle voiture, avoir de la devise et voyager. Qui en est responsable ? La société qui produit ces comportements ? Ou bien s’agit-il d’une politique générale menée depuis longtemps ? C’est là où le pétrole est devenu une malédiction», a relevé le leader de Jil El Jadid. Selon lui, les gouvernants ne savent pas où mener l’Algérie. «Ils n’ont pas d’idéal pour ce pays. Ils ont un idéal pour leur personne. Ils ont des rêves pour eux-mêmes, pas pour l’Algérie. Les Algériens ont besoin de dirigeants qui leur proposent un rêve collectif. Les années à venir seront difficiles. Il faut remettre tout le pays au travail. Les Algériens doivent s’impliquer collectivement pour s’en sortir individuellement. Or, le pouvoir a tout fait pour désarticuler la société et la diviser intérieurement», a-t-il soutenu. Selon lui, le pouvoir a désarmé la société et l’opposition pour éviter l’émergence d’une force qui se liguera contre lui. «Le pouvoir a empêché la formation de groupes de pression populaire, des syndicats, des associations. Il a joué de la corruption. La corruption est en bonne partie organisée. Le laxisme est complice», a-t-il soutenu.

Peur de l’information

Evoquant la question du chômage, Ahmed Benbitour a estimé nécessaire de réfléchir à l’avenir des 1,5 million d’étudiants. «Que va-t-on faire de ces étudiants, s’il n’y a pas un sérieux programme de relance économique basé sur le secteur productif compétitif. Aujourd’hui, nous n’avons presque plus d’investissements dans ce secteur, comment peut-on créer de l’emploi ? Nous faisons de l’importation d’infrastructures, ce n’est pas de l’investissement. Il s’agit d’un bâtiment qui fait travailler les autres, pas les nôtres. Nous n’avons pas de politique sérieuse de création d’emplois, a-t-il noté, dotée de tous les instruments.» Ahmed Benbitour propose de créer quinze grandes régions économiques avec un «programme de développement local et régional». Selon lui, il est important de promouvoir les compétences nationales et de maîtriser la numérisation. «On doit entrer dans ce domaine. Ce n’est pas difficile. Le Costa Rica, petit pays, est parmi les trente premiers pays exportateurs de high-tech au monde», a-t-il appuyé. Le leader de Jil El Jadid a, pour sa part, souligné que le pouvoir algérien a toujours eu peur de l’information.

«Le pouvoir a un logiciel formaté. Il était déjà difficile d’installer les antennes paraboliques dans les années 1980. Aujourd’hui, les Algériens ont accès à des centaines de chaînes de télévision et à internet. Que le pouvoir lance la 3G ou pas, l’accès est là. Il retarde pour embêter les gens ! Le développement du pays exige des efforts et du travail de la part des responsables. Or, nos responsables ne sont pas en situation de travailler. Ils ne veulent pas fournir d’efforts, travailler jusqu’à minuit, préparer les dossiers, connaître les chiffres, se battre pour avoir les meilleurs marchés…tout cela c’est trop d’efforts pour eux. Ils n’ont pas envie de cela», a observé Soufiane Djillali. Ahmed Benbitour s’est interrogé, de son côté, sur l’absence de réunions du Conseil des ministres. «Comment voulez-vous alors que les décisions soient prises ? Pour la 3G ou pour autre chose», s’est-il demandé avec ironie.

«Le FLN doit changer d’appellation» :

«Nous louons le FLN dans l’hymne national. Et sur le terrain, nous avons le FLN que vous connaissez. Il y a donc deux FLN. Il faut que le parti actuel change d’appellation», a plaidé Ahmed Benbitour. Pour Soufiane Djillali, le FLN d’avant 1962 appartient à tous les Algériens. «Le FLN d’après 1962 est une autre entité.

Durant la campagne pour les élections locales, M. Belkhadem avait dit que le FLN et lui-même héritaient du sang des chouhada. J’avais protesté en disant que les chouhada sont ceux de l’Algérie et pas ceux de M. Belkhadem. Pour éviter ce genre de dérapage, il est préférable que le sigle FLN soit protégé, non pas en le mettant dans un tiroir, mais pour qu’il fasse partie de la mémoire vivante du pays», a-t-il dit.

«La génération de l’indépendance a eu un rôle admirable. Personne ne peut dire qu’elle a échoué. Mais, après l’indépendance, il n’y a pas eu installation d’institutions, d’Etat de droit. C’est donc une réussite inachevée. Ils nous ont laissé sur le bas-côté de l’autoroute de l’histoire. Il faut savoir quitter la table lorsqu’elle est desservie (…) Nous sommes dans une psychologie du zaïm, lequel estime que l’Algérie est un bien personnel.

On ne peut donc rien faire tant qu’on ne sortira pas de cette psychologie et qu’on ne limite pas les mandats présidentiels», a soutenu Soufiane Djillali, dénonçant le règne gérontocratique en Algérie. «La génération de Novembre a créé un rêve collectif qui est l’indépendance.

Après cela, elle a oublié son idéal. Elle est incapable de le produire. Alors qu’il faut un véritable projet qui soit pris en charge par les jeunes du Sud, par la population, par les ouvriers, les militants associatifs… Ce n’est pas du populisme», a-t-il relevé. F. M.


 

«Bouteflika est responsable politiquementde la corruption» :

«Nous ne pouvons plus laisser les dossiers tels que ceux de Sonatrach ou de Khalifa. Il faut en finir avec cela. Ici, en Algérie, si nous n’avons pas de compétences, il faut recruter des experts. On ne va pas continuer à appeler à chaque fois les gens au tribunal et reporter les procès ensuite», a estimé Ahmed Benbitour. Il souhaite la mise en place d’un nouveau système de gestion des affaires publiques.

«On doit instaurer le système de l’Accountability. Chacun, quelle que soit sa mission, aura à rendre compte de l’exécution de sa mission et de l’utilisation de son autorité et des moyens mis à sa disposition», a-t-il noté. Pour Soufiane Djilali, le président Bouteflika est politiquement responsable de la corruption en Algérie. «Il est comptable devant la population. C’est lui qui a ramené Chakib Khelil. Il lui a confié les clefs du coffre-fort de l’Algérie. Il doit expliquer aux Algériens comment cet homme-là est sorti, au su et au vu de tout le monde, sans avoir à répondre de ses actes. Que Chakib Khelil nous explique s’il est innocent ou pas. S’il est coupable, il doit rendre des comptes», a déclaré Soufiane Djilali.

Le nom de l’ex-ministre de l’Energie et des Mines a été cité dans l’affaire de pots-de-vin et de malversations autour de Sonatrach pour l’octroi de marchés à des firmes étrangères. Le chef de l’Etat doit, selon Ahmed Benbitour, s’engager fortement dans la lutte contre la corruption. «Sinon, ça ne marchera pas», a-t-il dit. «La corruption est devenue un mode de gouvernance. Au lieu de construire des institutions fortes, on s’abrite derrière le copinage et les complicités. On n’est plus en situation d’arbitrer à travers la justice», a appuyé Soufiane Djilali. F. M.

Fayçal Métaoui


Ahmed Benbitour et Soufiane Djilali : Ce pouvoir autoritariste et paternaliste doit organiser son départ

El Watan, 10 avril 2013

Le pouvoir algérien a toutes les caractéristiques d’une République bananière : il est qualifié par l’ancien chef de gouvernement et candidat à la présidentielle, Ahmed Benbitour, d’être à la fois «autoritariste», «patrimonialiste» et «paternaliste».

Soufiane Djilali, président du parti Jil Jadid, appuie ces qualifications, peu flatteuses du régime algérien, par une description très incisive de la psychologie des tenants du pouvoir, en considérant, en substance, qu’il s’agit d’une «gérontocratie autiste dont les seuls intérêts résident dans la préservation de ses privilèges». Si la rupture entre le pouvoir et la société algérienne persiste, le pays ira fatalement, à en croire les invités des rencontres d’El Watan, vers la «déflagration». Le pouvoir algérien se caractériserait, d’après l’analyse d’Ahmed Benbitour, par trois facteurs : c’est d’abord un pouvoir autoritariste qui n’admet pas les avis contraires.

De ce fait, il n’est pas informé de la situation réelle du pays. C’est, ensuite, un pouvoir patrimonialiste inspiré du concept développé par le général Suharto en Indonésie (qui a quitté le pouvoir, après 32 ans de règne, suite à une grève des étudiants). La caractéristique de ce type de pouvoir réside dans le fait que le chef est entouré d’un cercle de courtisans rivalisant de zèle pour lui plaire et bénéficier ainsi de ses gratifications. Pour la caste du régime, la société est incapable de comprendre la chose politique. Le pouvoir algérien a, par ailleurs, des attributs paternalistes. Se considérant comme le père de la nation, le chef affaiblit toute institution intermédiaire (gouvernement et autres) qui gênerait sa relation avec le peuple. «Lorsqu’un pouvoir est non informé, sans appui d’institutions, il devient défaillant», résume l’invité des Rencontres d’El Watan.

«Evolution ou révolution»

Soufiane Djilali explique que l’Algérie est aujourd’hui à une phase charnière de son histoire. Il résume son appréhension pour l’avenir du pays par une formule aussi lapidaire qu’efficace : «Evolution ou révolution». Le fait est, d’après lui, qu’une mentalité nouvelle s’est installée dans la société algérienne, en complète inadéquation avec celle du pouvoir. «Il n’y a plus aujourd’hui, explique-il, de canaux, d’instruments de compréhension entre le pouvoir, ceux qui décident de l’avenir du pays, et le reste de la population. Il y a une rupture au niveau du langage. On ne se comprend plus, car on n’est plus en mesure de le faire. Le pouvoir a été construit sur une mentalité figée, qui pense que l’autorité doit s’établir à travers un rapport de force. C’est ainsi qu’ils ont conçu la direction d’une nation. La nouvelle génération ne peut plus admettre ce rapport de force, elle a besoin d’un rapport de raison.» La manière de gérer les affaires de l’Etat serait, à en croire Soufiane Djilali, pétrie d’orgueil et d’arrogance. «Le pouvoir algérien pense qu’il sait tout, qu’il est omnipotent et omniprésent», décrit Soufiane Djilali qui considère que les Algériens ont besoin d’avoir des dirigeants qui rêvent pour eux et qui leur proposent un «rêve collectif». «Les années à venir vont être difficiles, prédit-il, il faut un véritable projet de société dans lequel les Algériens, et essentiellement la nouvelle génération, puissent se retrouver.»

«Un idéal du pouvoir incarné par le zaïm»

Décortiquant la psychologie du régime algérien, le président de Jil Jadid estime qu’il y a chez nos gouvernants un idéal du pouvoir incarné par le zaïm. «Le chef estime que l’Algérie est un bien personnel et que le reste ne doit pas concerner les Algériens. Tant qu’on ne sort pas de cet état d’esprit, qu’on ne limite pas les mandats, qu’on ne fait pas un Etat de droit, qu’un président n’est pas justiciable devant ses concitoyens, qu’il n’a pas à rendre des comptes, qu’il utilise les avantages de sa responsabilité et qu’il n’assume aucun de ses inconvénients, qu’il nomme les ministres sans aucune balise, on ne peut pas espérer quelque chose de bon pour ce pays », estime Sofiane Djilali. Le problème est aussi, selon lui, d’ordre générationnel.

Il est impossible, à ses yeux, que des hommes, de l’ancienne génération, puissent apporter des solutions à l’Algérie d’aujourd’hui. «Un pays jeune, dynamique, qui explose de vitalité ; on ne peut lui imposer une chape de plomb d’une gérontocratie qui ne veut pas finir et qui ne comprend plus ce qui se passe», dit-il, en soulignant que cette génération a eu un rôle héroïque jusqu’en 1962. Mais elle a échoué à mettre en place un Etat de droit. «L’opposition doit aider le pouvoir à s’en aller», tranche Soufiane Djilali. Encore faut-il que l’opposition algérienne se manifeste. Les invités des Rencontres d’El Watan estime que le président Bouteflika a délibérément désarticulé la scène politique algérienne pour éviter l’émergence d’hommes politiques qui pourraient lui faire de l’ombre.

«Il l’a fait délibérément pour atteindre un objectif politique : désarmer la société et l’opposition et éviter ainsi qu’il y ait une force qui se ligue contre le pouvoir. Il a joué de la corruption, elle est en bonne partie organisée, il a désarticulé les partis politiques de l’opposition, il a empêché la formation de groupes de pression populaires tels que les syndicats, les associations», affirme Soufiane Djilali. A l’en croire, le président actuel a voulu faire le vide autour de lui et a dévitalisé les hommes de partis à l’image de Belkhadem et d’Ouyahia. «L’Algérie va le payer par un manque flagrant dans sa classe politique. Le vide effrayant actuel en est la manifestation», prévient Soufiane Djilali. Si l’on en croit les deux intervenants, un éventuel quatrième mandat mènerait le pays au chaos.

Et la révision de la Constitution aurait pour but la mise en place d’une nouvelle dynastie au pouvoir. «Ce qui a calmé les populations, en 2011, c’est la rente. Vingt-trois jours après avoir signé la loi de finances, ils ont débloqué plus de 30 milliards de dollars pour apaiser les troubles et les émeutes. Cet argent-là, ni Ben Ali, ni Moubarak n’en disposaient. Si le pouvoir veut aller vers un quatrième mandat, c’est pour aller de nouveau vers la fermeture parce qu’il prendra acte d’une pseudo ouverture démocratique. Il reviendra très vite à ses réflexes premiers», explique Soufiane Djilani. Ahmed Benbitour dénonce l’immobilisme de l’Etat algérien. «Comment voulez-vous, s’interroge-t-il, que ce pouvoir prenne des décisions si le Conseil du gouvernement et celui des ministres ne se réunissent plus.» Les deux invités des Rencontres d’El Watan plaident pour que le régime prenne enfin conscience de la gravité de la situation et qu’il prépare son retrait dans la tranquillité.

Ils ont dit :

– Notre appel a créé une onde de choc dans le pays

– La société algérienne est névrosée parce qu’elle a perdu le sens des choses

– Le pouvoir doit donner du sens à la vie de la nation

– Le chef de l’Etat doit parler avec le peuple et lui expliquer ce qui se passe

– Il n’y a pas de possibilité d’évolution si le pays n’a pas de projet de société

– Les Algériens doivent comprendre qu’ils sont actionnaires de leur pays.

– Il faut adapter un code d’honneur pour les prochaines élections présidentielles et prévenir les dérapages.

– Si Bouteflika veut changer la Constitution, ce n’est pas pour abandonner le pouvoir après.

– Bouteflika veut désigner un vice-président qui aura délégation de pouvoir et lui ne fera rien du tout.

– Bouteflika va préparer sa succession et créera une dynastie nouvelle en laissant à son successeur les clefs de la République.

– Lorsqu’on est président de la République, on est responsable de tout ce qui se passe et on doit assumer cette mission

– La banderole du MC Alger appelant Bouteflika à briguer un quatrième mandat et les confidences du conseiller anonyme à El Khabar font partie d’un plan de communication.

– L’Algérie évolue d’un Etat défaillant vers un Etat déliquescent.

– On est prêts à brûler toute l’Algérie pour que Bouteflika meure en président de la République.

«Mourad Medelci est le meilleur ministre pour incarner notre impuissance à l’étranger» :

L’immobilisme de la diplomatie algérienne semble irriter Soufiane Djilali, président de Jil Jadid, et Ahmed Benbitour, ancien chef de gouvernement et candidat à l’élection présidentielle de 2014.

«Il n’y a pas de vision politique, dénonce Sofiane Djilali. Nos dirigeants ne savent pas où ils doivent mener l’Algérie. Le développement interne ne doit pas se faire en autarcie, il doit se faire dans un cadre géostratégique. L’Algérie ne sait pas où elle doit poser les pieds. Elle ne sait pas si elle doit être une alliée des Etats-Unis, de l’Occident en général, au pôle russe ou chinois.

Elle ne sait pas si elle doit entrer à l’OMC ou sortir de l’accord avec l’Union européenne. L’Algérie est en attente.» Et de trancher : «Mourad Medelci est le meilleur ministre des Affaires étrangères pour incarner cette impuissance, cette incapacité à s’exprimer, cette incapacité à décider.» Ahmed Benbitour estime, pour sa part, que le monopole du chef de l’Etat pour tout ce qui concerne la politique étrangère entrave le travail des institutions chargées des affaires extérieures. Amel B.

Une société névrosée en mal de repères :

«Il n’y a jamais eu autant de violence dans la société algérienne que ces dernières années», fait remarquer Soufiane Djilali, et elle provient, en grande partie de leur vécu des années 1990. Il souligne que la société actuelle ne comprend plus le sens des choses. «Les Algériens ont désappris à travailler, les jeunes veulent rapidement acheter une voiture, une villa, avoir des devises, ils sont imprégnés par la psychologie du gain rapide.

Qui en est responsable ? Est-ce la société qui produit ce type de comportement ou bien c’est une politique générale menée depuis des décennies qui a, petit à petit, entraîné la population dans la dérive», s’interroge-t-il, estimant que c’est au pouvoir de donner du sens à la vie d’une nation. «On n’a pas un chef d’Etat qui parle à son peuple, qui lui explique ce qui se passe, qui l’oriente, parce qu’il a les données en main.

Tant que ce chef d’Etat n’a pas de compassion, qu’il ne s’adresse pas à son peuple, comment voulez-vous que les citoyens comprennent ce qui se passe dans ce pays», décortique-t-il, en précisant que c’est cette perte totale de références qui fait que les gens suivent n’importe quel petit gourou, n’importe quel petit guide.

Pour le président du parti Jil Jadid, la crise de violence, que nous vivons aujourd’hui, est l’expression de la rupture entre le pouvoir et la société. C’est, diagnostique-t-il, une violence multiforme qui émane d’une profonde frustration, non pas seulement matérielle, sociale ou économique, elle est ressentie comme une négation de son existence par le pouvoir. Amel B.

Amel Blidi