Effacement de la dette des agriculteurs de l’ordre de 41 milliards de Dinars

Effacement de la dette des agriculteurs de l’ordre de 41 milliards de Dinars

Bouteflika opte pour le pétrole vert

De l’aéroport Mohamed Khider de Biskra où son avion a atterri hier, vers 10h, le Président s’est directement rendu à Sidi Okba (à 20 km au sud-est du chef-lieu de wilaya) pour inaugurer le complexe islamique ayant coûté la bagatelle de 600 millions de dinars. Il a visité une exploitation agricole qui compte 1300 palmiers, 600 arbres fruitiers et un élevage de vaches laitières, avant de se diriger vers Biskra pour prendre un bain de foule sur la principale artère de la ville où s’était massée une foule importante. Après avoir inauguré plus de 6000 places pédagogiques des instituts d’architecture, de la faculté des sciences économiques et des lettres, Bouteflika s’est rendu au complexe sportif et culturel de l’université Mohamed Khider.

Biskra. De notre correspondant, El Watan, 1er mars 2009

Dans la salle omnisports, le chef de l’Etat a présidé la Conférence nationale sur le renouveau de l’économie agricole, où il a prononcé un important discours à l’adresse des fellahs et éleveurs et, à travers eux, l’Algérie profonde qui ne l’a jamais déçu et dont il escompte les voix. Il a déclaré sans sourciller : « Avant 1999, sur nos terres abandonnées, sur toutes nos terres ne poussaient que les figuiers de Barbarie. » En tribun confirmé, il a martelé : « Vous avez revivifié notre terre, vous avez redonné la vie au secteur agricole ! » Sous un tonnerre d’applaudissements et devant une salle debout, il a précisé : « C’est la raison pour laquelle l’Etat reconnaissant a décidé d’effacer vos dettes, toutes vos dettes et celles des éleveurs, qui s’élèvent à 41 milliards de dinars », rappelant que ce n’est pas la première fois que cela arrive. « Je vous ai déjà effacé 14 milliards de dinars, cette fois-ci j’ai inversé les chiffres seulement », a-t-il déclaré.

Le président Bouteflika a par ailleurs saisi cette occasion pour appeler les agriculteurs à consentir davantage d’efforts pour développer le secteur et assurer la sécurité alimentaire du pays. Le chef de l’Etat a indiqué qu’en 2003, la facture des importations de l’Algérie était de 3 milliards de dollars contre 8 milliards de dollars en 2008, d’où, a-t-il dit, il y a lieu de consentir plus d’efforts pour assurer la sécurité alimentaire du pays. Il a renouvelé la « disponibilité » de l’Etat à « aider financièrement » les agriculteurs dans divers domaines, réaffirmant que l’Etat algérien financera les projets agricoles dans les Hauts-Plateaux et dans le Sud. Le chef de l’Etat a aussi relevé que la production nationale doit couvrir les besoins du pays en produits agricoles, invitant les agriculteurs à « revigorer » la terre. Toutefois, il a déploré que des produits algériens, comme la datte, notamment deglet nour, soient exportés et commercialisés par des pays voisins vers l’Europe et la Californie. Le Président a signifié aux agriculteurs qu’ils peuvent exporter la datte vers les pays voisins dans le cadre des échanges maghrébins, mais qu’il est inadmissible, a-t-il dit, que ce produit soit vendu à l’étranger comme un produit tunisien ou marocain. A noter que le nouveau siège du Centre de recherches scientifiques et techniques des régions arides (CRSTRA), dont la réalisation a coûté plus de 190 millions de dinars et que vient d’inaugurer le chef de l’Etat à l’occasion de cette visite, portera désormais le nom de feu Omar El Bernaoui, le grand poète qui était un ami du Président.

Par Bachir Mebarek


« Les agriculteurs ont besoin d’aide, pas de prêts », selon Mesli

Le Trésor public va encore une fois devoir racheter les dettes des agriculteurs évaluées à 41 milliards de dinars.

Le président de la République l’a annoncé hier à partir de Biskra, où il a procédé à l’ouverture de la conférence nationale du renouveau agricole et rural. « Dans le but d’encourager le monde agricole à fournir l’effort intense attendu de lui pour moderniser l’activité et augmenter ses diverses productions, j’annonce que l’Etat a décidé d’effacer la totalité de la dette des agriculteurs et des éleveurs, qui s’élève actuellement à 41 milliards de dinars », a-t-il déclaré devant une assistance composée, entre autres, d’agriculteurs et de représentants d’organisations professionnelles. L’initiative est en soi louable, l’agriculture étant un secteur trop sensible pour ne pas lui prêter toute l’attention qu’il mérite. Il y va de la sécurité alimentaire de toute une nation. Il convient cependant de s’interroger sur l’efficacité d’une telle mesure. Une action similaire avait été entreprise en 2002, mais elle n’a pas solutionné le problème de l’endettement des agriculteurs, qui devient récurrent.

Pour Mohamed Elyes Mesli, ancien ministre de l’Agriculture, le mal ne se résume pas uniquement à cette question, mais est beaucoup plus profond. « C’est le résultat de nos différentes politiques et de la situation réelle du monde agricole. C’est toujours la même chose. On efface les dettes et dans quelques années, le Trésor public va encore une fois devoir racheter d’autres dettes. Cela ne va rien changer fondamentalement. Le problème est ailleurs que dans le financement », souligne-t-il d’emblée. Selon lui, la configuration du paysage agricole algérien fait que la plupart des agriculteurs ne sont pas éligibles aux crédits qu’ils ne sont pas en mesure de rembourser. « Plus de 170 000 exploitations font moins d’un hectare et 500 000 moins de cinq hectares. La plupart d’entre elles sont situées dans des zones montagneuses. Ce sont des petits paysans qui ne peuvent pas régler leurs dettes », fait-il valoir. « L’Etat a toujours remboursé les créances impayées, mais qu’en sera-t-il quand il n’aura plus les moyens de le faire ? », a-t-il poursuivi, en précisant que les agriculteurs bénéficient pratiquement de prêts ne présentant aucune garantie.

M. Mesli estime que les banques ne sont, dans ce contexte, pas à blâmer. « Il ne suffit pas de dire que c’est la faute à la Caisse nationale de mutualité agricole (CNMA) ou des banques. Il faut mettre en place des structures agraires adéquates. Les agriculteurs ont besoin d’aide, pas de prêts qu’ils ne peuvent pas rembourser », a-t-il noté. Il estime nécessaire de réfléchir à une politique d’accompagnement. Faute de quoi, on retombera dans les mêmes contraintes. « Il n’est pas possible de penser au développement du pays sans étendre le monde rural. Pourquoi a-t-on abandonné le projet de 1000 villages agricoles qui devaient assurer aux agriculteurs toutes les commodités ? », s’est interrogé encore notre interlocuteur. D’après lui, si on ne bâtit pas d’ici 15 à 20 ans une politique de développement agricole et rural, on assistera inexorablement au retour du phénomène de l’exode rural.

Par Nora Boudedja