Bouteflika au G8 : Encore un autre plaidoyer pour l’Afrique

Bouteflika au G8 : Encore un autre plaidoyer pour l’Afrique

El Watan, 25 juin 2010

Muskoka, petite ville de l’Ontario canadien, riche de 1600 lacs, se fera-t-elle connaître au monde autrement que par sa beauté naturelle ?

Muskoka, située au cœur du « Pays des chalets », abrite un sommet du G8. Faut-il s’attendre à des décisions spectaculaires qui propulseront Muskoka dans l’histoire ? Le G8 regroupe les huit pays les plus industrialisés : les Etats-Unis, le Japon, l’Allemagne, le Canada, la Grande-Bretagne, la Russie, la France et l’Italie. ? Cela fait presque 57% du PIB mondial. Sept pays africains sont invités à assister à des réunions parallèles du G8. Il s’agit des Etats initiateurs du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad), à savoir l’Algérie, l’Afrique du Sud et le Nigeria. Le Sénégal, qui a accepté de joindre son projet Omega au Nepad, sera également présent à Muskoka, aux côtés de l’Egypte, de l’Ethiopie et du Malawi. Les chefs d’Etat africains parleront au Canada de problèmes récurrents : la sécurité, la stabilité, la paix et la santé dans le continent. Cela fait dix ans que ces sujets reviennent sur la table du G8 comme les petits fours et les jus de fruits. Cela fait des années que les riches du G8 font des promesses aux Africains.
Le nepad, un projet flou

La présidence algérienne a, dans un communiqué répercuté hier par l’agence officielle APS, indiqué que le sommet de Muskoka fera une évaluation « de la mise en œuvre des engagements consignés dans les plateformes de partenariat adoptées à l’occasion des sommets successifs du G8 ». La critique est implicite dans ce texte, mais les pays africains, Algérie en tête, n’ont jamais élevé la voix pour rappeler les membres du G8 à respecter ce qu’ils annoncent devant les caméras. Déjà en 2002, au sommet de Kananaskis, une autre ville canadienne, 100 engagements avaient été faits pour bâtir un véritable partenariat avec l’Afrique.

Ce « plan pour l’Afrique » a retenu le principe d’affecter aux pays africains la moitié ou plus du total des engagements d’aide au développement officiel supplémentaire du G8, comme cela a été annoncé lors de la conférence internationale de l’ONU sur le financement du développement à Monterrey, au Mexique. « Ce montant, soit 60 milliards de dollars US sur dix ans à partir de 2006, s’ajoute aux programmes d’aide existants des pays du G8, qui représentent pratiquement les trois quarts de l’aide accordée à l’Afrique », est-il précisé dans le plan. En contrepartie, les pays africains devaient « améliorer la gouvernance économique et politique » et donner « la primauté au droit ». Il est difficile de trancher sur « l’amélioration de la gouvernance », huit ans après.

La plupart des pays africains ne sont un modèle ni en matière de démocratie, en matière de croissance économique, ni encore moins en matière de transparence. Le Nepad, malgré sa générosité et son importance stratégique, demeure un projet flou. En Algérie, ce Nepad fait souvent l’objet de discussions et de débats dans les salons feutrés de Djenane El Mithaq sur les hauteurs d’Alger sans que les animateurs du mouvement associatif, les partis ou les experts indépendants soient conviés à donner leurs points de vue. Le Nepad est une « affaire interne » au gouvernement. Le Nepad a-t-il réduit la pauvreté au Nigeria ? Le Nepad a-t-il limité le chômage en Algérie ? Non. Les aides promises par le G8 ne sont pas venues, ont tardé ou étaient simplement des « mensonges » diplomatiques.
Promesses non tenues

Cinq ans après le sommet de Kananaskis, le G8 de Heiligendamm en Allemagne a « repris » la même déclaration sur les fameux 60 milliards de dollars. « Ce montant n’est qu’une projection à partir des contributions actuelles des pays concernés et n’est pas assorti d’un échéancier contraignant », a déclaré un responsable du G8. 60, cela fait chiffre rond, beau et esthétique. Pire. Le G8 n’a pas tenu sa promesse de doubler son « aide » à l’Afrique. Pourtant, beaucoup de choses avaient été dites lors du fameux sommet de Gleneagles en Grande-Bretagne en 2005. Tony Blair, qui était Premier ministre à l’époque, avait parlé d’une aide supplémentaire au développement de 25 milliards de dollars. Des paroles en l’air !

« Des pays donateurs ont accru leur aide pour l’assistance humanitaire et la réduction de la dette ces quarante dernières années, mais cela ne s’est pas traduit par des ressources supplémentaires pour les pays africains afin de rebâtir leurs infrastructures, former des enseignants et combattre le sida et la malaria », a relevé, cité par la presse européenne, John Page, économiste à la Banque mondiale. L’aide publique au développement est en baisse constante depuis au moins cinq ans. Les nouvelles restrictions budgétaires liées aux effets de la crise économique mondiale ont aggravé la situation. Le programme antisida que le G8 devait soutenir n’a pas abouti. Le sida continue de faire des ravages en Afrique : plus de 23 millions de personnes sont atteintes par le VIH. Cela fait presque 70% de l’ensemble des malades du sida dans le monde. Plus de 85% des victimes du malaria au monde se trouvent en Afrique.

A la fin 2009, le nombre des analphabètes a dépassé 165 millions en Afrique sub-saharienne. Cette situation dramatique n’est pas forcément le résultat de l’absence de l’aide du G8. Elle est surtout liée à une gestion chaotique des affaires dans les Etats africains. Des Etats qui dépensent plus d’argent pour l’achat d’armement et de matériel de sécurité que pour améliorer la lutte contre les maladies ou contre la pauvreté. Peut-être que l’Afrique devrait s’en prendre d’abord à elle-même avant de faire des reproches aux autres.

Par Fayçal Métaoui