Bouteflika défend le droit à l’usage pacifique du nucléaire

Bouteflika défend le droit à l’usage pacifique du nucléaire

Le Quotidien d’Oran, 17 février 2005

Le président de la République a profité hier du congrès africain du pétrole pour aborder le dossier du nucléaire et le droit des pays du Sud à accéder à cette source d’énergie puis à la maîtriser, dans le respect de la légalité internationale et pour un usage scientifique et pacifique.

Le chef de l’Etat a déclaré ne pas comprendre les restrictions et les pressions que les puissances industrialisées exercent sur les pays en développement pour leur interdire l’usage de l’énergie nucléaire. «Pourquoi veulent-ils empêcher des pays d’accéder à cette source d’énergie ?», s’est-il interrogé avant de considérer que cette pratique ne constitue rien d’autre qu’une entorse au droit international.

Sa sortie impromptue sur un terrain aussi inattendu semble avoir été motivée par le contexte international actuel, marqué par la mise au ban de l’Iran, un pays soupçonné par les Occidentaux et les Etats-Unis en particulier, de développer des programmes nucléaires à usage militaire.

Et par le fait que l’Algérie, elle-même, subit de discrètes mais insistantes pressions américaines pour qu’elle accepte de recevoir les visites inopinées des inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) dans ses deux réacteurs «Nour» et «Salam» à Aïn Ouessara.

Cette lecture, que des observateurs ont faite après l’intervention de M. Bouteflika, semble être corroborée par le fait qu’une troïka du G8, composée des ambassadeurs américain M. Richard Erdman et britannique M. Brian Edward Stewart, ainsi que du chargé d’affaires de l’ambassade de France, M. Gilles Bonneaud, s’était entretenue, il y a plus d’un mois, avec le ministre algérien des Affaires étrangères, M. Abdelaziz Belkhadem.

Une lettre «encourageant» l’Algérie à signer le protocole additionnel au traité de non-prolifération nucléaire qu’elle a signé en 1995, avait été remise par l’ambassadeur des Etats-Unis à M. Belkhadem. Notre ministre des Affaires étrangères avait répondu en rappelant le «lien intime entre les trois volets qui concernent le TNP: d’abord le désarmement nucléaire doit concerner les pays qui sont dotés de l’arme nucléaire, ensuite la non-prolifération nucléaire et l’utilisation à des fins pacifiques de l’énergie atomique». Pourtant, cela ne semble pas avoir contribué à faire disparaître la suspicion contre l’Algérie, puisque d’autres observateurs affirment que presque tous les responsables américains qui ont fait le voyage récemment en Algérie, ont abordé le sujet du nucléaire avec les dirigeants algériens.

L’Algérie, nuancent les mêmes observateurs, n’est pas soupçonnée de vouloir se doter de l’arme atomique, mais les puissances occidentales du G8, en particulier les Etats-Unis, souhaiteraient voir notre pays s’ériger en modèle, d’autant qu’il a confirmé en 2004 son engagement à signer le protocole additionnel devant le Conseil des gouverneurs de l’AIEA. Toute la difficulté est que l’Algérie ne semble pas avoir la même lecture que ses partenaires du G8 du concept de «modèle».

Lorsqu’il avait répondu à la troïka, M. Belkhadem avait réaffirmé le droit de l’Algérie à poursuivre l’utilisation de l’énergie atomique dans les domaines de la recherche.

Un message politique qui avait la vertu de rappeler la politique des deux poids deux mesures poursuivie par les Occidentaux dans la gestion du dossier des armes à destruction massive – ces derniers n’évoquent jamais par exemple la menace de l’arsenal nucléaire d’Israël – et qui concerne aujourd’hui l’Iran, un pays soumis à une énorme pression des Etats-Unis depuis qu’il s’est lancé dans un programme nucléaire à «caractère scientifique», selon Téhéran.

A ce propos, M. Bouteflika a semblé, hier, s’être monté d’un cran dans son refus des puissances industrialisées à confondre l’usage civil et militaire de l’énergie atomique. Il a dit tout haut ce qu’il pensait ou faisait dire à d’autres représentants de l’Etat, à l’image du président de l’APN qui, en accueillant le président Khatami, début octobre 2004, avait poliment fustigé «ceux qui entravent le droit des pays en développement de faire de la recherche pour diversifier leurs ressources énergétiques».

Noureddine Azzouz