Lettre ouverte à monsieur Ksentini
Lettre ouverte à monsieur Ksentini
Habib Souaidia, Paris 26/03/2005
Rappel :
« Atrocités ou délits commis sur des personnes et des biens en violation des lois et usages de la guerre, y compris l’assassinat, les mauvais traitements ou la déportation, pour des travaux forcés ou pour tout autre but, des populations civiles dans les territoires occupés, l’assassinat ou les mauvais traitements des prisonniers de guerre ou des personnes en mer, l’exécution des otages, le pillage des biens publics ou privés, la destruction sans motif des villes et des villages ou la dévastation que ne justifie pas la nécessité militaire.»
Monsieur, je tiens à vous faire part de mon indignation suite à vos déclarations publiées dans La Tribune le 09 mars 2005 sous le titre « l’amnistie est la meilleure des solutions pour tourner la page ».
Tout est là Monsieur le défenseur des droits de l’homme! De quoi s’agit-il au juste ? Depuis l’indépendance on ne fait que tourner les pages mais en vain… les pages virevoltent mais les mœurs du pouvoir demeurent intactes. Ces propos irresponsables sont indignes d’un avocat et de surcroît d’un défenseur des droits de l’homme. Je considère que ces propos sont de nature criminelle et contribuent précisément à l’organisation de l’impunité et à renforcer l’état de non droit. Vous parlez de la notion de crime contre l’humanité qui n’existe pas en droit positif algérien. Merci pour l’information précieuse mais sachez que ce n’est pas parce qu’un Etat commet un crime contre l’humanité qu’il ignore forcement les lois internationales et les conventions signées par cet Etat, loin s’en faut. En vous mettant dans la peau d’un nettoyeur, vous vous imaginez déjà réconciliateur. Que faites vous ensuite aumônier des généraux ?
Je porte à votre connaissance que l’Etat de droit ne se reconstruit pas sur les mensonges et l’impunité.
Pour la concrétisation du discours officiel sur l’Etat de droit et les droits de l’homme, prononcé par les différents responsables politiques il est urgent et nécessaire d’adopter la loi portant la création d’une Cour pénale internationale pour juger les coupables de crimes contre l’humanité commis durant la décennie noire.
Monsieur, il est difficile, aujourd’hui, de rester les bras croisés devant les abus du pouvoir, devant les tortures morales, physiques, à moins d’être un criminel car c’est un crime contre l’humanité. Il est vraiment impossible, aujourd’hui, de se taire face aux génocides, à moins d’être un complice et un criminel car c’est un crime contre l’humanité. Il est inadmissible, aujourd’hui, de regarder et de ne pas voir les atrocités sur la personne humaine à moins d’être un associé et un criminel car c’est un crime contre l’humanité. Il est inconcevable, aujourd’hui, de rester sourd aux misères de son peuple à moins d’être un voleur et un criminel car c’est un crime contre l’humanité.
Monsieur, au delà des discours, les actes sont désormais nécessaires, ici et maintenant. Face à ces préoccupations et afin de faire sortir notre pays du cycle infernal de la répression par le biais d’une réconciliation fantoche fabriquée dans les officines du cabinet noir, je vous conseille encore et toujours de recourir à un outil dissuasif, persuasif et préventif pour poursuivre les coupables de tout bord responsables de crime contre l’humanité. Organiser une Cour pénale nationale est une chose qui peut tourner la page sans peur d’un avenir incertain et congénère, elle sera aussi une garantie pour les générations futures afin de renforcer l’Etat de droit et donner une philosophie aux droits de l’homme en Algérie.
Il est de mon devoir d’Algérien de vous rappeler votre devoir envers votre patrie, je vous demande de garder la raison et la tête froide devant la réalité amère que vit notre peuple victime de tous les abus. Encore une fois de plus je réfute les arguments farfelus des politiques et intellectuels pour tenter de justifier l’organisation de l’impunité injustifiable aux yeux du droit international.
Ces généraux et a leur tête le général Larbi Belkheir empereur de l’Algérie, méritent d’être relégués au musée des horreurs « derrière les barreaux ». Ils sont les pires ennemis du genre humain. Ils ont répandu le feu, le sang et la haine dans toute l’Algérie. Ils sont sans contester les plus grands tyrans de l’Algérie poste coloniale. Ils sont brutaux et dénués de scrupule. Ils pensent qu’une bonne réconciliation devait être forcément obscure pour revenir à la charge le temps voulu. Ils utilisent volontiers la répression : villages pillés et brûlés, exécutions sommaires. Les manipulations en tout genre, les complots les plus diaboliques sont courants. Cela se termine généralement par des massacres, des exils, ou des disparitions forcées selon l’humeur des décideurs. Le DRS est l’enfant de ces polices totalitaires qui fleurirent en ex URSS et en Roumanie. Le DRS emploie la torture matrice des disparitions (par exemple dans la division Blanche (DB) confiée au colonel Tartag à Ben Aknoun). La population est châtiée à chaque occasion par un des escadrons de la mort, des provocations policières sont organisées pour permettre d’éliminer des opposants. Les libertés sont bafouées et la justice est répressive. Les supplices existent : marquage au fer rouge, amputation, le fouet, la bastonnade, etc.
C’est pour ces raisons que je vous interpelle, parce que sans justice il y a risque de récidive.