Dr Mokhbi Abdelouahab: La réconciliation sans tabous

La réconciliation sans tabous

(1re partie)

Dr Mokhbi Abdelouahab, El Watan, 14, 15 et 16 décembre 2004

En affirmant son attachement à une réconciliation nationale globale, le Président ne surprend personne. Se faisant, il donne un sens à son deuxième mandat. Son action gagne en cohérence. Cependant, la réconciliation nationale soulève une multitude de questions dispersées dans différents fichiers. Nous les survolerons ici.

Les traiter plus méthodiquement dans la sérénité nous fera accomplir une authentique révolution culturelle tranquille en nous offrant l’opportunité d’esquisser notre futur. Pour cela, deux conditions sont à satisfaire par l’initiateur. La première commande que le caractère éminemment politique que revêt la réconciliation soit assumé. La seconde est relative à l’aptitude dont fera preuve le pouvoir politique à se débarrasser de cette fâcheuse propension de nos gouvernants qui consiste à faire le dos rond aux critiques en prônant des discours qui ne convainquent même pas ceux qui les lisent. Le déficit de dialogue et d’écoute entre les divers courants politiques qui traversent la société est tel qu’il y a urgence d’ouvrir le débat. Si l’amnistie générale est, comme le rappelait tout récemment Abdelhamid Mehri, l’aboutissement de la réconciliation, celle-ci requiert préalablement une confrontation sans haine, mais aussi sans concessions, des analyses et des idées sur les causes profondes de la tourmente. La décantation des enseignements qui seront alors tirés de notre crise multidimensionnelle par chacun donnera une ampleur historique à un éventuel référendum. On assisterait alors à une réelle fondation d’une république nouvelle, une réécriture souhaitable de la Constitution scellerait ce renouveau. Une Constitution non pas conçue sur mesure pour chaque président qui s’installe dans les meubles de la République, comme ce fut le cas jusqu’à présent, mais une Constitution écrite pour la République par un président qui refuserait d’occuper un strapontin dans l’histoire. Sur la nature de la crise nationale, Tahar Ouattar a développé, par bribes, une thèse à laquelle j’adhère personnellement. Il soutient qu’elle pose des questions essentielles, identitaires, voire existentielles à l’homme algérien. Une crise, affirme-t-il, au journal El-Ahram du 4 mai 1996, de civilisation avant d’être politique. L’amnistie me paraît naturellement indispensable. Déjà, en mai 1996(1), j’écrivais dans une longue une « opinion », plus ésotérique que politique, publiée dans El Watan, que « la virilité authentique sera du côté des hommes qui sauront arrêter un mauvais combat ». Et j’invitais : « Achetons la paix de tous avec l’amnistie de quelques-uns. » A cette période, le mot était prohibé. Les voix qui prônaient une solution militaire de la crise et approuvaient allègrement les exactions et autres bavures commises à l’encontre de citoyens ou de leurs familles qui ont eu la mauvaise idée de s’être laissés séduire par un parti légal, constituaient l’essentiel du discours politique. On se souvient encore du mot d’ordre, sans équivoque, de Redha Malek : « La peur doit changer de camp. » De Mohamed Boudiaf à Abdelaziz Bouteflika en passant par les signataires du contrat de Rome, de larges courants politiques et beaucoup de personnalités ont toujours été favorables à la réconciliation. Chacun ayant évidemment sa vision et ses arrière-pensées propres. Boudiaf déclarait dans l’avion qui le ramenait sur Alger : « A tous, sans exception, je tends la main avec confiance et espoir et renouvelle mon serment pour la réconciliation. » Cependant, ce sont les tenants de l’éradication à tous crins qui, par leur impuissance à ramener paix et sécurité sous le ciel de l’Algérie, ont rendu, aujourd’hui, la réconciliation nationale inéluctable pour soustraire le pays à cette dynamique destructrice de violence et d’intolérance. L’essoufflement de la spirale infernale, qui conforte dans leur entêtement les adeptes d’une solution finale, est un leurre. La diminution de l’intensité de l’activité terroriste n’est pas suffisante pour favoriser l’impulsion d’un développement économique basé sur un investissement public efficient à long terme encore moins pour séduire et attirer les investissements directs étrangers. Si la léthargie actuelle qui imprègne le fonctionnement des institutions du pays, y compris les partis politiques, perdure, le paradoxe d’une Algérie riche, dont la population se paupérise inexorablement, ne fera que se renforcer. Avant le retour définitif de la paix et de la confiance dans l’avenir, nos chances de résorber le temps perdu s’amenuisent chaque jour davantage. Une douzaine d’années de tergiversations et d’errements, sur les plans politique et économique, nous ont conduits à une impasse. Pour reprendre l’expression de Abelhamid Mehri : jusqu’à quand s’obstinerions-nous à ruser avec les impasses ? Un temps précieux durant lequel les décideurs n’ont pas cessé d’imposer au pays, dans l’improvisation la plus totale, toutes les fausses solutions de sortie de crise. Le peuple, jugé immature et surtout coupable d’un mauvais usage de la démocratie, est infantilisé en permanence. Il est maintenu dans une sorte de liberté fermement contrôlée et assistée par les institutions. Les intellectuels, c’est-à-dire l’élite du pays qui produit des idées, sont assassinés par les uns ou bâillonnés par les autres quand ils n’ont pas choisi de se taire en exil. La pensée unique, quotidiennement dictée aux citoyens, a atteint des pics d’indigence inégalés. Elle a remplacé le parti unique. Du dialogue sans exclusive auquel il fut mis fin sous le fallacieux prétexte que l’interlocuteur reste « attaché à l’Islam » (sic), au stérile parachèvement de l’édifice institutionnel en passant par le rejet brusque dans le fond et la forme d’un consensus politique élaboré à Rome entre des tendances représentatives de la société, les Algériens sont épuisés de compter les occasions ratées pour un retour à la paix. Ni le pathétique « laqad najahna » de Mokdad Sifi ni l’annonce prématurée sur le « terrorisme résiduel » d’Ahmed Ouyahia n’ont suscité un quelconque enthousiasme dans le pays. Quant à la loi sur la Rahma, version d’une amnistie sans réconciliation, elle a avorté, car elle était sans envergure et trop timorée. Elle reflétait probablement la sincérité de ses instigateurs, mais certainement aussi leur incompétence pour sortir le pays de la zone de tempête. Evidemment, le terrorisme n’a pas la capacité de vaincre ni par les armes ni encore moins politiquement. En revanche, sa capacité de nuisance est sournoise. Elle tient justement au fait qu’il n’a pas de combat à mener. Sa violence aveugle a déferlé sur le pays indifférente à l’innocence des victimes et à l’incommensurable préjudice fait à la nation. La boîte de Pandore a tout de même été ouverte par ceux dont l’inculture ne leur a pas donné l’opportunité de méditer ces vers cueillis dans le jardin des roses du perse Saadi : O sage ! Crains celui qui te craint, l’aurais-tu emporté sur cent pareils à lui. Par peur qu’on ne l’écrase le serpent mord le pied du berger qu’il redoute et le chat, sans espoir, se jette aux yeux du tigre. Le bilan est douloureux. Une Algérie exsangue. Outre un nombre de victimes inacceptable générant une douleur insoutenable et plongeant l’Algérie des mères dans un désespoir indicible. Le rythme effréné avec lequel le pays se vide de ses compétences chevronnées et de haut élevées, depuis plus d’une décennie, est ahurissant. En plus de constituer un transfert d’une ressource précieuse vers l’Occident, il correspond à une dilapidation de nos chances d’émerger politiquement et économiquement sur le continent africain et dans le monde arabe pour y jouer le rôle qui est légitimement le nôtre. Pas moins de 3000 diplômés de l’enseignement supérieur, parmi lesquels 400 à 450 universitaires de haut rang, rejoignent chaque année les 80 000 cadres qui ont quitté le pays depuis la fin des années 1970 vers les pays nantis (2). Une économie incapable de profiter de la manne pétrolière dans une conjoncture des plus favorables. Un Algérien sur quatre languit sans travail. L’insécurité inhérente à la délinquance a augmenté de manière exponentielle. Aujourd’hui, on tue pour rien et pour n’importe quoi. La criminalité liée au grand banditisme a presque supplanté par son ampleur celle du terrorisme. Imperceptiblement, derrière l’écran de fumée du terrorisme, une bourgeoisie compradore, corruptrice et antinationale a développé de puissantes racines insatiables. « Le travail aux travailleurs, le profit aux profiteurs » est un slogan qui lui irait comme un gant. La corruption, ce mal absolu, a gangrené les rouages du fonctionnement de l’Etat à tous les niveaux. La tchipa est presque démocratisée puisqu’elle est distribuée à tous les niveaux. Elle a annihilé, dans la sphère économique, tout esprit d’émulation et de compétition loyale tout en marginalisant les compétences les plus patriotiques. Tout cela est la conséquence bien sûr d’une certaine irresponsabilité et d’un manque de prospective de ceux qui ont jugé opportun d’interrompre brusquement le processus électoral en janvier 1992. N’ont-ils pas eux-mêmes débarqué le gouvernement Hamrouche et permis que des élections « propres et honnêtes » se tiennent alors que le vainqueur, ses biscoteaux outrageusement arborés, était annoncé ? Le gel des libertés individuelles et l’arrêt brutal du fonctionnement de l’Etat, un brin démocratique, ont réveillé la bête immonde. C’est, je le crois, dans ce sens que Djamel Zenati du FSS avait exprimé, dans une interview au journal El Watan, une opinion plutôt courageuse et lucide. Il disait en substance que si l’objectif avait été de provoquer la création d’un maquis terroriste, les décideurs n’auraient pas agi autrement. Il me semble aussi que Bouteflika, en affirmant, plus tard, que « la première violence fut celle de l’Etat » n’énonce pas autre chose. Beaucoup de pays, notamment occidentaux, font face à des extrémismes de tous bords qu’ils gèrent avec doigté et discernement dans un cadre démocratique pour éviter de mettre en péril leur nation. En janvier 1992, les puissantes interférences des militaires sur la gestion politique du pays ont quasi-naturellement décidé d’une solution brutale. L’option choisie était viciée par l’amalgame fait entre la fermeté et l’arbitraire. Le professeur de droit Bencheikh-Lefgoun, aujourd’hui expatrié, avait développé, juste après l’événement, une analyse dans El Watan dans laquelle il retenait qu’en dépit du vide juridique sciemment créé, la lettre et l’esprit de la loi conféraient à la « démission » du président Chadli Bendjedid tous les attributs d’un coup d’Etat. En janvier 1992, c’est donc de deux types de « sauveurs » auto-investis et mus par une même logique excluant tout nuance. Le choc a failli mettre le pays à la merci de graves dérives en faisant longtemps planer sur l’Etat le risque d’effondrement. L’éphémère « houkoumet ellil » avait vu le jour ! Malgré leur rejet viscéral de toute ingérence étrangère, les Algériens furent bel et bien contraints de souffrir la visite de différentes commissions européennes et internationales. Une cohorte de vedettes a déferlé sur la capitale. On peut citer Simone Veil, Jack Lang, Bernard-Henri Lévy, André Glucksmann et le sémillant Daniel Cohn-Bendit qui a eu tout de même le bon goût de s’émerveiller sur Alger en lui décernant le titre de la plus belle ville du monde. Il y a des moments où, loin de tout fatalisme, les choix qui s’offrent à nous pour éviter le pire et préserver les intérêts des jeunes générations sont limités. Des maux, il faudra bien choisir le moindre. Les circonstances nous dictent de s’en remettre à Dieu puis de confier à la justice immanente les crimes des uns et les bavures des autres. Tripatouiller les plaies ne fera que les garder béantes. Une repentance exprimée et un pardon donné sont un prix à consentir pour la renaissance de l’Algérie. Le véritable courage politique consiste bien à impulser un sursaut novembriste dans la société, que toute la nation appelle de tous ses voux en ces moments de commémoration de la glorieuse révolution de libération nationale. Le cas échéant, les « vainqueurs » n’auront que leur vanité pour contempler le désastre. Ce n’est qu’une fois la sérénité retrouvée que l’on pourra s’atteler calmement à construire une société juste et un Etat équitable. Une société juste en se dotant de lois qui refléteront fidèlement les aspirations de la majorité et auxquelles tous doivent adhérer. Un Etat mis hors de portée de tout despotisme et autre autoritarisme, fussent-ils éclairés et qui appliquerait fermement la loi. L’équité qui imprégnerait le fonctionnement d’un tel Etat sans passe-droits éradiquera toutes les rancours et amertumes que les Algériens nourrissent contre leur propre pays. On peut sagement et raisonnablement faire confiance à ce principe philosophique de base qu’en supprimant la cause, on fera disparaître l’effet. Le candidat Bouteflika du 8 avril semble avoir de la suite dans les idées. Son engagement électoral : « Je n’éradiquerai aucune personne, aucune pensée, mais le terrorisme sera éradiqué et anéanti », se confirme. Est-ce lui faire béatement allégeance que de constater que s’agissant des droits de l’homme, les choses connurent une évolution positive, plutôt après lui qu’avant lui ? En guise d’encouragement pour exorciser son éventuelle peur d’entrer dans l’Histoire, nous lui dédions un modeste brin de sagesse glané dans le livre, intitulé Renouvelle ta vie (ou Ressource-toi), de l’imam Mohamed Ghazali que nous nous honorons d’aimer :

Quelques éléments du débat

D’emblée, relevons quelques attitudes et approches qui, à notre sens, méritent d’être correctement discutées. Lors de la réunion à l’hôtel Aurassi scellant l’alliance entre la troïka soutenant la réélection du candidat Bouteflika, Abdelaziz Belkhadem affirma aux journalistes qu’« il ne s’agissait pas d’une réhabilitation du FIS, mais qu’il s’agit de la réconciliation des Algériens avec eux-mêmes ». C’est de la phraséologie génératrice d’ambiguïtés. Les partisans du FIS, eux-mêmes, souhaitent-ils une réhabilitation de leur parti, version 1991 ? N’ont-ils pas, eux aussi, des leçons à tirer de cette tornade dévastatrice ? La réflexion qu’eux-mêmes font sur la folie qui s’est emparée de leur mouvance intéresse la société tout entière. La réconciliation nationale ne peut pas ignorer l’acteur principal de la crise. A moins que derrière le préalable de la non-réhabilitation du FIS ne se profile le spectre de l’excommunication de leur algérianité ses partisans résiduels. Quant à se réconcilier avec soi-même, l’expression est vague, presque vide de contenu. Je peux l’assurer quant à moi, que l’écrasante majorité des Algériens s’entend merveilleusement bien avec son ego. Peut-être même un peu trop ! Leur problème est qu’ils subissent les conséquences d’événements qui échappent à leur contrôle direct. L’amnistie a pour corollaire l’obligation pour chacun d’assumer les responsabilités qui furent les siennes dans les malheurs subis par le pays et l’effusion du sang des Algériens. Les causes ayant rendu certains dérapages criminels possibles (tortures, disparitions et exécutions extrajudiciaires) doivent être précisément stigmatisées et extirpées. Un tel travail assainirait en profondeur un Etat qui chercherait à se réformer afin que les dysfonctionnements constatés ne se répètent plus jamais. Aucune institution, aucun fonctionnaire, ni aucun citoyen ne peuvent se prévaloir du droit à une quelconque amnistie si leurs délits ou crimes ne sont pas confessés. La république, aussi magnanime soit-elle, peut pardonner, mais ne doit pas se voiler la face. Ce serait conjuguer amnistie avec impunité. Se doterions-nous d’une lessiveuse pour continuer à cacher le linge sale au fond du jardin ? La nation entière doit saisir ce moment privilégié comme une véritable psychothérapie de groupe pour faire preuve d’une compassion égale envers toutes les victimes innocentes. La douleur d’une mère est aussi inconsolable que son fils ait été assassiné par un terroriste sanguinaire ou un fonctionnaire zélé, le cour rempli de vengeance et vide de toute humanité. L’amnistie pour générale qu’elle soit n’est pas une absolution, chacun restera comptable devant son Créateur de ses turpitudes .(A suivre)

1. Mokhbi Abdelouahab, « Appel aux déserteurs », rubrique Opinions , El Watan des 15, 16, 18 et 19 mai 1996

2. Nordine Grim, « Immigration ! Ressources humaines », El Watan du 20 janvier 2004

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La réconciliation sans tabous

(2e partie)

Au fond, la réconciliation nationale se doit de se cristalliser autour d’une devise forte et simple : nous aimer davantage et suffisamment pour vivre ensemble fraternellement et solidairement. Nous concrétiserions ainsi à l’échelle de la société le Hadith du prophète nous ordonnant d’aimer pour l’autre que ce nous aimons pour nous-mêmes. La tolérance, le pardon et l’amour de l’autre sont les facettes d’une même devise présente au cour du message coranique et orne le fronton de l’enseignement du Prophète. L’esprit ainsi débarrassé des mors qui le brident peut tout entier se tendre pour se consacrer au bien (el maârouf). Un amour créatif, celui-là même qui inspira, dans un autre registre, Martin Luther King quand il déclare : « We must meet hate with a créative love. » La mise en ouvre de cette injonction dans l’Islam d’aimer les hommes pour l’amour de Dieu nécessite l’adhésion à des principes que je formulerai aussi simplement que possible : Primo : Les limites de la liberté de chacun se confondent avec les seules lignes de démarcation de la liberté des autres concitoyens. Chacun est libre de penser, de s’exprimer et d’entreprendre. Lorsque nous sommes plusieurs à prendre ces libertés, une certaine discipline et une procédure s’imposent à nous : c’est la choura, c’est la démocratie. Deusio : la diversité de notre paysage politique assure la pérennité de la nation. A l’image de la diversité génétique qui confère suffisamment de souplesse aux espèces pour survivre aux conditions les plus périlleuses. Dans notre catéchisme, n’apprenons-nous pas que les divergences entre les savants sont une miséricorde divine pour les hommes ? Pourquoi nous interdirions-nous d’étendre cette jurisprudence aux hommes politiques qui assument un rôle utile et indispensable pour la société ? Tertio : l’Islam, l’arabité et l’amazighité, ces composantes de la nation si elles ne sont la propriété de personne, doivent néanmoins être respectées par tous. Une réconciliation nationale réussie instaurerait une culture du consensus. C’est cette prédisposition à la production du consensus, cher à Ahmed Benbitour, qui catalyse le progrès et le développement dans les sociétés avancées. Pour être féconde et porteuse d’une espérance, la réconciliation nationale doit tordre le cou à quelques inepties qui de manière sournoise se sont érigées en une doctrine locale sur la démocratie. « L’annulation de la procédure électorale nationale n’implique pas 1’arrêt du processus de démocratisation. » C’est ce que nous avions entendu dire en janvier 1992. En vérité, il ne peut y avoir de démocratie en dehors de la volonté populaire. Et jusqu’à la dernière élection présidentielle, la démocratie chez nous ressemblait plutôt à une mascarade orchestrée par des décideurs occultes. Ce fut une période où la voracité et la cupidité d’opportunistes sans vergogne se sont déchaînées. Une des justifications les plus scabreuses pour invalider des élections consistait à mettre en exergue le fait que la majorité des votants pour le FIS ne couvre pas la majorité de l’électorat. Ce type d’argument doit être dénoncé pour ne plus se perdre dans les méandres d’une conception spécifiquement algérienne de la démocratie. Sinon, nous persisterons à donner aux abstentionnistes, se vautrant dans leur lit douillet le vendredi matin, la primauté sur les votants accomplissant leur devoir citoyen. Quant à l’accusation de fraude électorale du gouvernement en charge de la consultation de décembre 1991 au FIS, parti d’opposition, elle était si inédite qu’elle désespérait les plus crédules. Enfin, m’interdisant de faire de la politique-fiction, j’ignore de quoi l’Algérie a été sauvée en 1992. En revanche, je constate dans quel enchevêtrement quasi inextricable de problèmes que l’intrusion intempestive des militaires dans la gestion politique du pays nous a placés. Abdelhamid Mehri avait déploré en son temps qu’on mobilise l’armée contre le peuple. Hocine Aït Ahmed avait, lui aussi, très tôt souligné l’inadéquation entre la nature de la crise politique et la méthode policière retenue pour la résoudre.

Islam et laïcité

Un débat salvateur sur la réconciliation n’autorise pas de louvoyer autour de certains tabous. La place de l’Islam dans la société et son importance dans le fonctionnement de l’Etat constituent des points inévitables. Une réflexion profonde et à voix haute doit se déployer autour du concept de la religion d’Etat et de la laïcité. Il existe un tel amalgame dans les esprits entre laïcité et modernité, d’une part, et entre modernité et modèle occidental de société, d’autre part, que nous avons vraiment besoin de débroussailler les chemins que nous voulons emprunter. Notre entendement de musulmans est imperméable à la notion de laïcité. En effet, si les citoyens sont ces entités physiques, produits d’une civilisation, porteurs d’une culture et mus par une foi et des sentiments, sur la base de quel principe démocratique peut-on exiger de leur écrasante majorité qu’elle se déleste de sa spiritualité dans les vestiaires de la République. Inversement, il n’est pas concevable que cette même république puisse exclure des citoyens dont la spiritualité n’est pas teintée de vert. Pour la clarté du débat, les militants forcenés de l’intrusion de la laïcité dans notre univers seraient assez bien inspirés de nous définir quel type de laïcité entendent-ils faire revêtir à la République algérienne. D’où devrions-nous l’importer ? Des Etats-Unis où les partis religieux ont joué un rôle prépondérant dans la création de l’Etat fédéral et dont le président, aujourd’hui réélu, se déclare sans ambages être investi d’une mission divine ? De France, fille aînée de l’Eglise. Eglise qui s’est confortablement installée dans l’antichambre de la République par crainte d’être violemment emportée par l’impétueuse révolution française ? Aujourd’hui, l’Etat français, s’il exclut l’enseignement catholique de l’école publique, le finance dans le secteur dit privé. On sait ce qui est advenu des tentatives de réforme d’Alain Savary en 1984. La France qui mobilise toutes ses énergies pour empêcher quelques jeunes lycéennes de se conformer aux préceptes de leur religion malgré un avis du Conseil d’Etat saisi par Jospin. Un pays où, semble-t-il, il n’existe aucun principe juridique qui puisse dissuader les entreprises de contrarier le jeûne des travailleurs en leur refusant tout aménagement raisonnable des horaires de travail pendant le mois sacré du Ramadhan. Un pays où toute une communauté est cantonnée à faire ses prières dans « des catacombes et des garages, à l’image des premiers chrétiens persécutés », faisait remarquer récemment Noël Mamère, le leader des Verts, sur I. Télé. De la vieille Angleterre, plus libérale, mais où la reine est aussi chef de l’Eglise anglicane ? D’Italie où la République se mire en permanence dans les yeux du Vatican pour vérifier si elle est sortable ? De la Sainte Russie, aujourd’hui revigorée et observant consentante les massacres impitoyablement sanguinaires de Poutine envers les Tchétchènes. De la très catholique Pologne ? Autre solution, autre modèle, celui de l’armée turque, chargée de veiller à la stricte observance de cette laïcité qui apparaît, à plus d’un égard, comme une religion nouvelle. C’est alors à une sorte de haut comité de sécurité où les généraux prédominent que l’on confierait l’exercice de la démocratie. En réalité, la laïcité n’est pas une dimension absolument nécessaire à l’exercice de la démocratie ni une condition sine qua non pour garantir les libertés individuelles. La laïcité que l’on cherche à prescrire aux sociétés musulmanes ressemble, à plus d’un titre, au bon vieil anticléricalisme des révolutionnaires français. Beaucoup de pseudo-intellectuels sous-traitent dans leurs discours des vocables qu’ils n’ont eux-mêmes pas digérés. Fondamentalisme, intégrisme, islamisme, laïcité sont allègrement utilisés à toutes les sauces en dehors de toute pensée philosophique et politique harmonieuse. Ces concepts sont, sans exception, forgés dans des creusets culturels et idéologiques identifiables. Leurs concepteurs se particularisent par leur aversion et leur arrogance parfois déclarées vis-à-vis des valeurs arabo-musulmanes. Dans une diatribe publiée dans El Watan pour tancer les intellectuels marocains qui auraient commis un crime de lèse-je-sais-qui en s’immisçant dans le fameux débat du « qui tue qui », notre général national Nezzar soulignait son respect et son amitié pour faux philosophes que sont Bernard-Henri et Levy et Glusckman en leur reconnaissant une sorte de droit d’ingérence. Le général exhibait là un intellectualisme bon chic bon genre. Maurice Clavel (3), leur autre compère ethnocentrique, écrivait : « Le christianisme, le judéo-christianisme, est la seule religion humaine, à la fois révélée et historique, la seule histoire absolue. » Voilà où va l’admiration de notre général ! Voilà où il s’approvisionne, dans un supermarché de doctrines clés en main où on confond pensées philosophiques et marketing pour des idées encore plus éculées que l’anti-marxisme primaire qui les a fait connaître. Qu’Alain Finkielkraut se promet de « carboniser » Tariq Ramadan, accusé d’antisémitisme pour avoir critiqué les « nouveaux intellectuels communautaires » ne soulève pas d’indignation particulière.

La vague anti-intégriste

Envisagerait-il de remettre en service les fours crématoires nazis de triste mémoire ? Claude Imbert du point revendiquant sur LCI son islamophobie n’a pas scandalisé outre mesure nos laïcs. Et que dire de Rachid Mimouni, répondant à Patrick Poivre d’Arvor (TF 1) sur son plateau du 20 h ? Eludant la question posée par le journaliste sur le fait de savoir s’il figurait ou pas sur une liste répertoriant les personnalités ciblées par des assassinats, découverte par les services de sécurité, Mimouni affirma : « De toute façon, vous savez chaque mosquée a sa propre liste. » Insistant sur le traitement politique de la crise algérienne, PPDA se demande si « le dialogue est tout de même possible avec des islam istes modérés ». Et voilà qu’offusqué, la réponse péremptoire de Mimouni jaillit spontanément : « Dire qu’il existe des islamistes modérés, c’est admettre qu’il existe aussi des nazis qui puissent l’être. » Mimouni qui fut qualifié par Boudjedra, sur la télévision algérienne, d’écriveur de discours en 1989, couvre les mosquées d’Algérie d’opprobre et fait l’affront à des millions de musulmans sans faire de vagues dans les obscurs salons du terrorisme intellectuel. Seul Tahar Ouattar, à ma connaissance, avait réagi contre cette incroyable insolence de blesser indûment la sensibilité de millions de musulmans. Les positions courageuses de ce dernier ont fini par lui coûter la parole dans les médias algériens. Malheureusement, hormis le monologue stérile des intellectuels qui ont fait le choix de surfer sur la vague anti-intégriste, il n’y a jamais eu de débat libre qui aurait fait affronter des intelligences antagonistes mais pas forcément ennemies pour éveiller les esprits à des solutions opérationnelles et permettre la maturation des choix éclairés chez les citoyens.

Réconciliation nationale, seulement ?

Au-delà de la problématique nationale, l’Algérie est tout à fait apte à jouer un rôle moteur pour réconcilier les musulmans avec la démocratie. Pour peu que l’exercice du pouvoir qu’elle adopterait mette en exergue l’absence d’incompatibilités entre l’Islam et le fonctionnement démocratique de la société. Plus que ça, la démocratie est susceptible d’être revendiquée comme une valeur islamique. Le Prophète Mohamed, que la Grâce et le Salut de Dieu soient sur lui, n’a-t-il pas été envoyé pour parfaire les valeurs les plus nobles de l’humanité ? Pourquoi rejetterions-nous une pratique sous prétexte qu’elle est entachée d’hellénisme d’autant qu’elle a été magistralement fixée dans la loi fondamentale du gouvernement de Médine ? Première Constitution écrite au monde, elle le fut sous l’autorité directe du Prophète. L’antinomie entre Islam et démocratie est une idée-clé du Choc des civilisations de Samuel P. Huntington « où le fondamentalisme protestant est à l’ouvre ; il n’y a de bonnes lectures que celles de la Bible, l’Occident doit se défendre contre toutes les autres cultures, les Etats-Unis ont une mission rédemptrice », écrit Pierre Morville, dans le Quotidien d’Oran du 20 février 2004. Cette mission consiste notamment à la création du Grand Moyen-Orient, c’est-à-dire une entité géographique expurgée de l’Islam. La religion de la quasi-totalité des populations serait marginalisée par les forces « démocratiques » que Bush installerait, à coup de missiles Tomahawk et de bombes à fragmentation pour mettre au pas les plus récalcitrants et inciter les indécis à bien choisir. Paul Bremer, dans ces conditions et sous la protection de l’armada américaine, peut dicter aux Irakiens leur Constitution. Assurément, G.W. Bush, en criant sur tous les toits sa volonté d’incarner le bien pour mener sa guerre sainte contre le mal, est plus qu’un « mauvais élève ! ». Est-ce trop lui demander de cogiter cette prédiction de Goethe (4) : « Tôt ou tard, nous devrons professer un Islam raisonnable. » La fatuité berlusconienne qui s’est exprimée sur la supériorité de sa civilisation n’a davantage pas déchaîné de réactions politiques significatives. Une réplique saine serait de dire à Bush et à ses apôtres : « Bas les armes ! Et discutons calmement pour voir où se trouve le mal absolu et qui est porteur de valeurs capables de l’endiguer. » Chiche ! On verrait alors qui sont ces chantres des « idéologies meurtrières » dont parle Bush. On peut commencer à verser dans le dossier le sondage réalisé pour le compte de la Commission européenne faisant ressortir que 59% des Européens désignent Israël comme la première menace pour la paix dans le monde. Berlusconi a d’ailleurs exprimé à Sharon sa compassion en lui disant son indignation qu’une large majorité d’Européens pense ainsi. Une seconde pièce intéressante est constituée par l’avis, très autorisé, que Bill Clinton avait développé dans un article dans le journal français Libération (5). Il dit : « L’armée américaine est la seule superpuissance militaire au monde. Nous sommes à même de remporter n’importe quel conflit militaire par nos propres moyens. En revanche, nous ne sommes pas capables de (re)construire la paix sans appui extérieur. » L’inaptitude à la paix est sans doute le signe précurseur de l’écroulement aussi imperceptible qu’inéluctable des empires pharaoniques. C’est ce qu’on pourrait proposer comme réponse à BilI Clinton qui s’interroge dans cet article sur les leçons à tirer du constat qu’il fait. Le rapport d’Amnesty International 2004 est encore plus criant d’éloquence. On y lit que « Washington porte atteinte à la justice et à la liberté et rend le monde moins sûr ». Les visées sécuritaires des Etats-Unis se « révèlent, selon A. I., dépourvues de principes et de clairvoyance ». Qu’il s’agisse des droits de l’homme ou du citoyen, l’Islam est le premier à favoriser leur promotion. Choura ou démocratie ? La polémique née autour de la sémantique relative à ce type de fonctionnement est stérile. La controverse idiote est née, chez nous, d’un prêche célèbre de Ali Benhadj, décrétant que la démocratie est illicite. Il est vrai qu’il existe une perception nuancée de la notion de démocratie en fonction de la foi et de la culture de chacun. Cependant, si effectivement la souveraineté absolue est divine, en quoi ce credo me dicte de rejeter le suffrage universel et de placer ma confiance en un seul homme, irascible et écervelé de surcroît comme l’est Benhadj ? Les peuples musulmans ont les mêmes aspirations de liberté et de démocratie que l’ensemble des autres peuples de la planète. Depuis Omar Ibn El Khattab, que Dieu l’agrée dans Son Vaste Paradis, l’on sait que tous les hommes naissent libres du ventre de leur mère. Cette sentence n’a-t-elle pas valeur de première déclaration des droits de l’homme ? Une catégorie de bien-pensants s’évertue à proscrire toute référence à l’Islam dans l’action politique. Elles jette l’anathème sur toute vision un tantinet inspirée par la religion. La politique dans nos sociétés fortement imprégnées de religiosité ne peut se prévaloir, à leurs yeux, de soubassements spirituels. Ils n’ont qu’un mot à la bouche : laïcité oblige, la yadjouz ! Ces courants – j’ai failli écrire de pensée, ils n’en ont pas – se distinguent par une négation des idéologies. Ce qui frise souvent la stupidité. En fait, ils sont la voix de leurs maîtres. Dans sa chronique au journal El Khabar (n°6), M’hammed Yazid, grand combattant pour la liberté et pour la démocratie en Algérie, vilipende ces démocrates autoproclamés et dont l’attachement aux principes et à l’éthique de la démocratie n’a jamais été démontré. Ils dépècent leurs adversaires en lots de conservateurs, nationalistes, fondamentalistes et baâthistes. Puis tirent sur ceux qui pensent différemment. « Le concept pardon, s’excuse-t-il, le mot démocrate a été tellement galvaudé qu’il a été vidé de son sens. Plus que cela, l’épée démocratique est brandie contre quiconque oserait parler d’Islam, de paix ou de réconciliation. » (A suivre)

Notes : 3- Roger Garaudy, Biographie du XXe siècle, Edition El Borhane, 1992.

4- R. Garaudy, L’Islam vivant, Maison des Livres, Alger, 1986.

5- Article repris par le Quotidien d’Oran du 11 décembre 2003.

6- Journal EI Khabar du 7 mars 1999.

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(3e partie et fin)

Le recours à la violence aveugle contre son propre pays est injustifiable et donc intolérable. Cependant, est-ce nécessaire pour combattre l’imbécillité de descendre à son niveau. Vouloir agir sur la réalité nationale avec des idées simplistes, c’est refuser sa complexité. Ce qui a pour effet immédiat de la compliquer. La crise algérienne est un écheveau qui nécessite pour être démêlé tact, patience mais aussi une démarche élaborée et surtout une pensée politique plus sophistiquée. Les Algériens se laissent volontiers menés par le bout du cour. Ils se laissent ainsi enrégimentés sous des slogans contre-productifs même s’ils apparaissent en première lecture comme des condensés de patriotisme d’autant qu’ils sont énoncés par des hommes intègres de la stature de Mohamed Boudiaf ou de Slimane Amirat. « L’Algérie d’abord et avant tout », cette affirmation de Boudiaf, certes sincère, est très discutable. Elle ne correspond malheureusement pas à une réponse de rupture avec le passé ni à la volonté déclarée pour une renaissance de la société algérienne. Voilà ce que j’en pensais en 1996 (1) « Il (le slogan) recèle plus d’émotion que de raison. Quel est ce messie aux mains de qui nous déposerions le droit de définir, pour nous, les frontières entre l’essentiel et l’accessoire ? Décidément, c’est un slogan creux, il fait plus de vacarmes qu’il ne rassemble et ne résolve de problèmes. L’Algérie au cour, voilà le maître-mot. » Personne n’a le droit de se prévaloir d’être le dépositaire exclusif du label « Algérie », fut-il Mohamed Boudiaf. Opposer à son contradicteur « ya khouya ! L’Algérie avant tout ! » est un sport national. On frappe d’ostracisme l’autre à moindres frais. Nezzar, lui-même, qualifie le slogan de Boudiaf de « passé-outre péremptoire ». Ce n’est pas ainsi que nous sortirons manifestement de cet état de crise, aujourd’hui larvée car diluée dans une réserve de change de quelques dizaines milliards de dollars. La facilité déconcertante avec laquelle Slimane Amirat, le défunt et très respectable président du Mouvement démocratique du renouveau algerien, semble avoir résolu un dilemme cornélien : « Entre l’Algérie et la démocratie, je choisis l’Algérie » est déconcertante. Une fois que la charge affective de cette sentencieuse déclaration est évacuée, la porte de la fitna est ouverte ! Il est plus raisonnable d’écouter le vieux sage Hocine Aït Ahmed répondant à un de ces jeunes détracteurs et rival politique : « La seule manière d’être patriote aujourd’hui est d’être démocrate. » Les circonstances ayant présidé à la désignation de Belaïd Abdesselem au poste de chef du gouvernement sont révélatrices du simplisme avec lequel les affaires publiques ont pu être abordées. Nezzar explique qu’au cours d’une discussion autour d’un noir, en compagnie de Ali Kafi, Belaïd Abdesselem utilise la formule de « l’économie de guerre ». Les deux hommes sont séduits et lui proposent le gouvernement. Emballé, c’est pesé ! Belaïd Abdesselem est Premier ministre. Nezzar dira plus tard que, nonobstant la bonne volonté et la sincérité de ce grand commis de l’Etat, il n’avait pas plus que ce concept dans le ventre. Mais, que peut-on avoir dans la tête quand on engage le gouvernement de l’Algérie sur une lapalissade. Si après çà, on s’interroge encore à quoi peut ressembler un canasson, c’est qu’on est soi-même un cas difficile. D’un général sans étoiles les évènements de 1992 ont fait une star ! Nous vivons une ère où les nouvelles technologies de l’information sont d’une grande efficacité pour la communication mais aussi pour sa face cachée, la désinformation et la manipulation. Les vérités sont travesties et le virtuel prend la place du réel pour installer des systèmes où le faux peut prendre la valeur du vrai. La fin étant d’asseoir sa suprématie sur le monde des idées pour régner sur la planète. Nous n’exhumerons pas toutes les querelles que beaucoup d’ignares d’ici et d’ailleurs font injustement à l’Islam. Il est loisible à tout un chacun, cherchant sincèrement la vérité, de constater que ce sont les fondements immuables de l’Islam qui lui confèrent une universalité certaine, à commencer par l’affirmation de l’unicité d’un Dieu unique. Contrairement aux contrevérités avec lesquelles on s’acharne à nous saturer les neurones, le message universel du Coran porte en lui la quintessence même de la modernité. « Un retour aux sources n’implique pas du tout pour les musulmans qu’ils doivent avancer vers leur avenir à reculons. »(4) La réconciliation nationale, en impulsant une culture citoyenne de la tolérance pour qu’elle imprègne l’éducation des générations montantes, nous immunisera contre tous les syndromes suicidaires. La décennie du malheur nous apparaîtra alors comme ayant été un mal pour un bien. Chacun reconnaîtra dans la différence de l’autre une déclinaison intéressante et enviable de l’amour pour l’Algérie commune. Une Algérie emmenée vers une certaine idée du bonheur par des hommes et des femmes affermis par la liberté qu’ont eu leurs citoyens à les choisir. Cette Algérie, c’est pour demain. Elle possède tant d’atouts que la mayonnaise a beau être récalcitrante, elle finira par monter. L’astuce est de commencer à en rêver tout de suite !

Notes :

1- Mokhbi Abdelouahab, « Appel aux déserteurs », rubrique Opinions, El Watan des 15, 16, 18 et 19 mai 1996.

4- R. Garaudy, L’Islam vivant, Maison des Livres, Alger, 1986.