Ksentini, l’éternel «sondeur» !
Le Soir d’Algérie, 5 septembre 2009
Farouk Ksentini récidive. Il vient de lancer un énième ballon-sonde. Le président de la Commission consultative de promotion et de protection des droits de l’homme (CCPPDH) évoque l’amnistie générale comme s’il s’agissait d’un projet déjà ficelé en haut lieu. Très proche des cercles de décision, il a déjà eu à anticiper sur des dossiers aussi lourds.
Nawal Imès – Alger (Le Soir) – Assumant pleinement la double casquette de président d’une commission censée être indépendante et celle de porte-voix des officiels, Ksentini a évoqué la question de l’amnistie avec force détails, ce qui laisse supposer que la question taraude le président de la République et qu’au niveau des sphères de décision, il existe une volonté de sonder l’opinion publique à ce sujet. Se défendant de présenter un projet déjà ficelé, Ksentini précisait jeudi dans les colonnes d’un confrère : «Ma conviction est d’inspiration personnelle. Vous savez, les grandes décisions comme celle-ci se prennent au début et non à la fin du mandat présidentiel. Le temps raisonnable est venu pour en finir avec la réconciliation nationale à laquelle on peut rattacher l’amnistie.» Précisant les contours de ce qui risque visiblement d’arriver dans les prochains mois, le président de la CCPPDH a indiqué que «le référendum est sans doute le meilleur moyen pour que le peuple donne son avis sur un dossier aussi sensible. Je pense que cela sera le cas. Le président de la République en a déjà parlé. C’est un moyen démocratique. Le président a toujours suivi une démarche démocratique. C’est un homme ouvert au dialogue. Il consultera certainement les partenaires sociaux et politiques. Il ne va pas agir isolément. Cette amnistie, personnellement, je l’ai souhaitée et je soutiens le président à fond sur cette question. La réconciliation nationale s’est achevée, il faut la clôturer par l’amnistie pour que le pays tourne une page agitée de son histoire. » Pressentant les résistances que pourraient susciter une telle initiative, Farouk Ksentini a tenu à ajouter qu’«il y a un préalable, c’est la reddition de tous les terroristes. Qu’ils se rendent d’abord, ensuite ils seront amnistiés. Il suffit de poser le problème et subordonner l’amnistie à la reddition des terroristes. Soit ils acceptent, soit ils seront exterminés. L’amnistie générale ne veut pas dire que les forces de l’ordre vont cesser de combattre le terrorisme. Ils seront toujours combattus s’ils refusent de se rendre». Ce n’est pas la première fois que Ksentini joue à l’éclaireur. Il s’était déjà occupé du dossier des personnes disparues. Il avait fait un véritable forcing pour convaincre l’opinion publique que le dossier devait être clos au plus vite. Expliquant que la fermeture de ce dossier ne devait pas être utilisée comme un élément de pression sur les autorités algériennes, il avait repris la thèse officielle selon laquelle l’Etat était responsable mais pas coupable, et fait du lobbying afin que les familles des personnes ayant disparu durant les années 1990 acceptent l’indemnisation sans exiger de connaître la vérité. Ksentini avait réussi ce coup de force en imposant cette option aux familles qui ne cessent aujourd’hui encore de réclamer la vérité sur ce qui s’est réellement arrivé. Pendant et après le procès Khalifa, il était sur tous les fronts, multipliant les déclarations au sujet d’une extradition supposée de Abdelmoumène Khalifa. Même cas de figure au sujet des Algériens détenus en Libye. Eclipsant voire se substituant à la diplomatie algérienne, il a multiplié les déclarations confirmant, une fois de plus, la thèse selon laquelle, Ksentini fait dans le mélange des genres.
N. I.