Charte pour la paix et la réconciliation : Ksentini défend le bilan
El Watan, 30 septembre 2011
A l’occasion du 6e anniversaire du référendum portant adoption de la charte pour la paix et la réconciliation, Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative pour la promotion et la défense des droits de l’homme (CNCPPDH, officielle), et l’avocat Marouane Azzi, responsable de la cellule d’assistance judiciaire pour l’application de la charte, ont été les hôtes, hier, du Forum d’El Moudjahid.
Venus défendre le bilan de la charte, Ksentini et Azzi ont d’abord tenu à apporter quelques précisions. Farouk Ksentini a démenti avoir annoncé la prochaine promulgation d’une amnistie générale chez un confrère avant-hier. «Je n’ai jamais dit cela, c’est le président (de la République) qui en décide. J’ai juste dit que c’était souhaitable», a-t-il indiqué. Au général à la retraite Abderrazak Maïza, ancien chef d’état-major de la 1re Région militaire qui, dans El Watan, citait «l’amnistie au profit des terroristes» comme l’une des causes de la recrudescence du terrorisme depuis 2006, l’avocat Azzi avance des chiffres : depuis la publication des textes d’application de la charte en février 2006, 7547 terroristes ont bénéficié des mesures de cette charte, alors que 1257 terroristes ont été tués par les services de sécurité.
«Non seulement la lutte continue, mais en plus elle enregistre des chiffres ascendants», a-t-il soutenu. Plus nuancé, le président de la CNCPPDH avance qu’«il est normal qu’après tant d’années de lutte, l’intensité peut s’atténuer et la vigilance peut diminuer». Indiquant que la charte a concerné 7544 repentis – dont 2226 dans la période février à août 2006 – et que 11 200 familles de terroristes ont été indemnisées, ainsi que 6520 proches de disparus, Me Azzi a plaidé pour «la promotion» des procédures de la charte pour englober d’autres catégories, tels les anciens détenus du Sud, les victimes de dégâts économiques, les enfants nés aux maquis (ils seraient 500), les femmes violées, etc.
«La charte est un mécanisme qui a épuisé tous ses outils. Les autorités ont donné ordre de suspendre la délivrance de PV. Il nous faut, en urgence, lancer des mesures complémentaires, comme le prévoit d’ailleurs l’article 47 de la charte», explique l’avocat Azzi. L’article en question stipule que «le président de la République peut, à tout moment, prendre toutes les autres mesures nécessaires pour l’application de la charte pour la paix et la réconciliation nationale». Quinze propositions ont été en ce sens, selon Me Azzi, communiquées en mai dernier à la présidence de la République.
Evoquant l’épineux dossier des disparus, l’avocat a déclaré que 6543 cas ont été officiellement recensés, dont 6520 ont accepté les indemnisations (entre 170 et 190 millions de centimes), tout en doutant de la représentativité de «certaines organisations de familles de disparus», citant nommément Nacéra Dutour, porte-parole de SOS Disparus. En tout, 35 000 dossiers ont été réceptionnés par les commissions de wilaya, toutes catégories confondues, dans le cadre de l’application de la charte.
Les proches des disparus manifestent à Constantine
«Le Collectif des familles de disparus en Algérie (CFDA) apporte tout son soutien à la manifestation des familles de disparus, à l’appel de l’Association des familles de disparus de la wilaya de Constantine (AFDC), de ce 29 septembre 2011, date anniversaire de l’adoption de la charte pour la paix et la réconciliation nationale», lit-on dans un communiqué rendu public hier.
«Les familles de disparus en Algérie dénoncent, depuis son adoption en 2005, la charte dite ‘‘pour la paix et la réconciliation nationale’’ qui impose l’impunité des agents de l’Etat ayant commis des crimes et des disparitions forcées dans les années 1990», a indiqué l’ONG. Et d’expliquer : «Selon les textes de cette charte, les familles de disparus n’ont plus le droit de déposer une plainte contre des agents de l’Etat et voient par conséquent toute demande de vérité sur le sort de leurs proches rejetée par les tribunaux.»
«Les familles sont, par ailleurs, sans cesse harcelées par les autorités policières et judiciaires qui tentent de les contraindre à établir un jugement de décès et à engager la procédure d’indemnisation afin de déclarer le dossier de leur disparu clos», dénonce le CFDA.
Adlène Meddi