Groupes armés du Sud: Vers une amnistie générale

Groupes armés du Sud

Vers une amnistie générale

El Watan, 6 juillet 2014

Un décret présidentiel portant amnistie générale au profit des membres du Mouvement des enfants du Sahara pour la justice (MESJ) et des éléments du groupe de Abou Zeid et Mokhtar Belmokhtar serait prévu.

Menées par des notables des régions d’Illizi, Djanet et Ouargla, sous la supervision d’un haut gradé conseiller à la Présidence, les négociations autour de cette mesure auraient duré plusieurs semaines.
Dans les couloirs de la Cour d’Alger, tout le monde sait que le renvoi à la prochaine session des procès liés aux groupes armés activant dans le sud du pays est lié aux négociations entre les membres de ces organisations et les autorités pour une éventuelle amnistie.
Durant les deux dernières semaines, il y a eu le renvoi d’au moins trois importantes affaires concernant la famille de Abou Zeid et les éléments du MESJ à la session criminelle prochaine, alors que toutes les conditions étaient réunies pour qu’elles soient jugées le jour de leur programmation.

Les nombreux avocats présents n’étaient pas du tout surpris par une telle décision. «Des négociations pour une éventuelle amnistie sont sur le point de prendre fin. Il n’est donc par exclu que tous ceux qui sont aujourd’hui au box des accusés se retrouvent en liberté. Raison pour laquelle le renvoi de ces affaires a été décidé», explique un ancien bâtonnier, constitué pour défendre un des membres du MESJ. Il y a quelques jours, un autre round des discussions, probablement le dernier, a eu lieu entre les émissaires de la Présidence et des représentants de ce mouvement, créé en 2007 et qui compterait une centaine d’éléments armés, actuellement en stand-by dans les montagnes du Tassili n’Ajjer, à Djanet. Du côté de cette organisation que dirige Abdeslam Termoune, il est question d’obtenir la concrétisation des revendications de 2004, axées sur la justice sociale et l’amnistie générale.

En contrepartie, les autorités attendent la dissolution du mouvement et la récupération des armes en sa possession. Pour nombre de nos interlocuteurs, ces négociations ne sont plus du ressort du DRS, comme c’était le cas en 2008, mais de la Présidence, par l’intermédiaire d’un haut gradé conseiller au cabinet d’El Mouradia, et des notables d’Illizi et de Djanet, pour faire descendre les jeunes du maquis du Tassili.

En 2004, des membres de ce mouvement, à leur tête Abdeslam Termoune, avaient été arrêtés puis condamnés à une peine de 8 mois de prison, qui avait couvert la période de leur détention provisoire. Une fois en liberté, le mouvement a vu certains de ses éléments rallier les groupes terroristes de Abou Zeid et de Mokhtar Belmokhtar, alors que Termoune est resté fidèle à ses revendications jusqu’en 2007, où il a décidé de reprendre les armes et de participer à l’attaque qui a visé un avion militaire sur le tarmac de l’aéroport de Djanet.

Retranché avec son groupe dans les montagnes du Tassili n’Ajjer, il garde cependant contact avec les notables qui le convainquent de se rendre. Il négocie une «sortie sécurisée» pour la cinquantaine de jeunes qui sont à ses côtés en contrepartie de la remise de l’arsenal d’armement qu’il a en sa possession aux services de sécurité. Dans l’accord, ces derniers devaient aussi remettre une somme d’argent équivalente au montant déboursé pour l’acquisition des armes. Une clause qui n’a pas été respectée.

Désabusé mais infatigable, Termoune se perd dans la nature, mais après l’attentat kamikaze contre le siège du groupement de la Gendarmerie nationale de Ouargla, en 2012, et les allées et venues des forces de sécurité à son domicile, il décide de se réfugier dans les grottes du Tassili. Il est rejoint par de nombreux jeunes de la région qui vont s’armer, mais sans pour autant passer à l’action. Entretemps, un de ses proches compagnons, Lamine Bencheneb, crée un nouveau groupe armé, le Mouvement des enfants du Sahara pour la justice islamique, et rejoint Mokhtar Belmokhtar avant d’être abattu lors de l’attaque contre le site gazier de Tiguentourine, en janvier 2013. Quelques mois plus tard, les premiers contacts avec les éléments du mouvement de Termoune, de Bencheneb et des groupes de Belmokhtar et Abou Zeid sont entrepris.

De nombreux notables vont peser de leurs poids pour faire aboutir les négociations, une année plus tard. Principales revendications : l’amnistie générale et une justice sociale pour les enfants du Sud. Le décret consacrant cette amnistie devrait être promulgué à l’occasion du 5 Juillet, fête de l’indépendance du pays. Reste à savoir si ce texte touchera uniquement ceux qui sont en situation de stand-by, ou s’il concernera aussi les terroristes qui sont toujours en activité.

Salima Tlemçani