Communiqué de Mourad Dhina
Hier, j’ai été convié par les autorités algériennes à une rencontre avec un ministre mandaté par le président Abdelaziz Bouteflika en vue d’engager un « dialogue sur le projet de réconciliation et de paix soumis par le président Bouteflika », selon les dires du contact. Après avoir examiné la question, tenant compte du fait qu’en principe la porte du débat et de la discussion doit rester ouverte et sachant que jusqu’au jour d’aujourd’hui je n’ai entrepris aucun contact avec une quelconque autorité officielle du pouvoir algérien depuis le coup d’Etat de janvier 1992, j’ai pris la décision de décliner la rencontre, et ce pour les raisons suivantes :
· Si le but de cette rencontre est l’échange des points de vue sur la charte de M. Bouteflika, je ne vois pas l’utilité d’un tel échange vu que cette charte n’est pas soumise au débat et est non modifiable. J’estime par ailleurs que cette charte constitue un projet dangereux pour l’avenir de l’Algérie car elle falsifie la vérité, et innocente, voire glorifie, des parties notoirement connues pour avoir commis des crimes monstrueux contre le peuple algérien. En outre, ce projet de charte, qui ne traite ni des causes de la crise ni de ses conséquences, consacre l’atteinte aux libertés et la violation de droits fondamentaux du citoyen algérien. Enfin, cette charte a été unanimement rejetée par les organisations internationales des droits de l’homme.
· Je ne peux m’associer qu’à un dialogue sérieux qui examine objectivement et en toute transparence les différents aspects de la crise algérienne dont la nature est essentiellement politique. Observant que certaines parties du pouvoir tentent d’attirer autant d’opposants que possible pour donner l’impression que tout le monde soutient la charte de Bouteflika, comme aime à le répéter par exemple le ministre Abdelaziz Belkhadem, je n’accepterai pas d’être utilisé comme une carte, quelle que soit son importance, dans la propagande menée pour faire croire à l’adhésion de tous à cette charte.
· J’ai informé le ministre mandaté que je restais prêt à œuvrer pour la paix, la sécurité, la résolution du conflit et la véritable réconciliation dans notre pays déchiré, mais que j’estimais qu’aujourd’hui le climat n’était malheureusement pas propice à une telle rencontre, du fait du pouvoir qui veut imposer son point de vue et continue dans sa politique d’exclusion et de répression qui touche les opposants, comme c’est le cas de M. Ali Benhadj qui a été remis en détention pour le seul crime d’avoir accordé une interview à un média étranger. Je considère que sa libération, la levée des nombreuses injustices qui touchent d’autres citoyens, politiques, journalistes et autres, et la levée de l’état d’urgence, constituent un premier pas indispensable pour l’ouverture d’un vrai dialogue désiré par tous les citoyens.
Concernant le référendum du 29 septembre 2005, je dirai que :
· Ce projet a été établi sans consultation de la classe politique (ni la coalition, ni l’opposition) ; il ignore la nature politique de la crise algérienne. Il n’engage ainsi que celui qui l’a rédigé et je ne vois donc aucun sens au référendum.
· Le suffrage ne peut être libre car il a lieu dans un climat d’encerclement et de tension sécuritaire dû à l’état d’urgence que le pouvoir refuse de lever. L’avis contraire n’a aucune chance de s’exprimer dans le cadre d’une campagne à sens unique qui nous rappelle les pratiques des régimes totalitaires et répressifs. Même la presse est menacée de lourdes sanctions et n’ose même pas publier les opinions qui ne font pas l’éloge du discours officiel.
Ce qui se déroule aujourd’hui en Algérie ne peut prétendre être au niveau des aspirations du peuple pour une solution définitive et juste à la crise politique. Le pouvoir algérien doit retrouver la raison. Le peuple algérien recouvrera ses pleins droits avec la volonté de Dieu, car nul droit ne se perd s’il a un revendicateur. Et certes, Dieu apportera après la difficulté, l’aisance.
Dr Mourad Dhina
20 Chaabane 1426 – 24 septembre 2005