Noureddine Benissad: «Nous ne pouvons pas faire l’impasse sur la vérité»

NOUREDDINE BENISSAD RÉPOND À FAROUK KSENTINI

«Nous ne pouvons pas faire l’impasse sur la vérité»

Le Soir d’Algérie, 25 avril 2012

Le tout nouveau président de la LADDH, maître Noureddine Benissad, s’inscrit en faux contre les déclarations du président de la CNCPPDH, maître Farouk Ksentini, qui prône l’amnistie générale. Pour lui, il n’est pas possible de fermer les dossiers du passé.

Mehdi Mehenni – Alger (Le Soir) – S’exprimant hier, au cours d’une conférence de presse, Noureddine Benissad qui vient de remplacer Mustapha Bouchachi, à la tête de la Ligue algérienne des droits de l’homme, a répliqué aux déclarations du président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme, Farouk Ksentini. Ce dernier, a en effet, prôné dans un entretien publié dans l’édition d’hier au Quotidien d’Oran, une «amnistie générale sans tabous ». Une vision que N. Benissad est loin de partager. Il s’explique : «Nous ne pouvons pas faire l’impasse sur la vérité et la justice. Le pays ne pourra pas avancer si nous n’éclairons pas le passé. Je dis bien qu’il ne s’agit pas de regarder dans le rétroviseur, mais de connaître la vérité. Les Algériens sont, aujourd’hui, assez matures pour comprendre. Il faut absolument savoir les causes qui nous ont emmenés à ce que nous sommes aujourd’hui, pour mieux appréhender l’avenir.» Toutefois, le président de la LADDH affirme être d’accord avec le président de la CNCPPDH sur un principe : «Il n’y a pas de sujets tabous.» Raison de plus pour N. Benissad de «ne pas fermer les dossiers du passé». Chose que, de toute manière, il considère «impossible à entreprendre et contre l’intérêt de l’Algérie».

«Discours virtuels et absence de débat»

Plus d’une année après la levée de l’état d’urgence, le président de la LADDH, estime qu’il n’y a aucune avancée en matière de droits de l’homme. Au contraire, il pense que sur plusieurs chapitres, il y a régression. Il cite en guise d’exemple, la loi sur les associations qu’il qualifie de similaire à celle de l’ère du parti unique. «La précédente loi de 1990 sur les associations est encore meilleure. Elle permettait au moins d’exercer avec le dépôt du récépissé. Aujourd’hui, nous sommes contraints d’attendre la délivrance de l’agrément. Il y a comme une volonté de restreindre la société civile, ce contrepouvoir qui, pourtant, représente l’avenir du pays». N. Benissad, qui a également dénoncé la répression des manifestations publiques et la récente arrestation d’un de leurs éléments par la police alors qu’il s’enquérait d’un rassemblement des greffiers de la justice, ajoute à ce propos : «Face à tout cela, nous constatons un discours virtuel des pouvoirs publics et qui s’inscrit en parfaite contradiction avec la réalité du terrain. Il nous semble qu’ils (responsables politiques algériens ndlr), ne vivent pas en Algérie.» Abordant la question des élections législatives, Noureddine Benissad déplore l’absence de débat et surtout de thèmes intéressant le citoyen. Certainement pas, souligne-t-il, sur les différentes questions des droits de l’homme, allant de la liberté d’opinion, d’expression, de manifestation, ainsi que la répartition des richesses et autres. Mais ce que le président de la LADDH regrette le plus, c’est la fermeture des médias lourds au débat contradictoire. «les Algériens ont besoin de voir sur les plateaux des avis différents, même ceux qui prônent l’abstention, lors des prochaines élections législatives», a-t-il conclu.
M. M.