Développement ou démocratie pour l’Afrique ?

Développement ou démocratie pour l’Afrique ?

Par Chafaa Bouaiche, La Tribune, 10 Décembre 2007

Le continent africain est célèbre pour la famine qui ravage ses peuples, les épidémies, les maladies, le sida, la misère, les coups d’Etat permanents, l’instabilité des régimes politiques, la dictature des dirigeants, la violation des droits de la personne humaine, le verrouillage de la vie politique et, enfin, la dépendance, voire la soumission à l’Occident, fruit d’un sous-développement chronique.

Les raisons des catastrophes qui frappent le continent africain sont diverses et complexes. Il y a d’abord la responsabilité des dirigeants des pays d’Afrique qu’il faut mettre en évidence. En effet, les dérives autoritaristes et les velléités d’une gestion souvent monopolistique des affaires publiques sont à relever avec force. Mais le désastre économique, l’instabilité politique et la situation peu reluisante des droits de la personne humaine en Afrique ne relèvent pas de la seule responsabilité des dirigeants. Nul ne peut ignorer la responsabilité plus que directe de l’Occident dans les malheurs qui frappent le continent africain. Doit-on rappeler que les pays africains ont été colonisés des siècles durant par la puissante Europe ? Faut-il souligner que les richesses de l’Afrique ont été spoliées par les puissances coloniales, les populations assassinées, des tribus et villages entièrement massacrés, les peuples réduits à l’état d’esclavage. Seules l’ignorance, la misère et la famine ont été démocratisées par les puissances coloniales. A leur indépendance, les pays africains étaient livrés à eux-mêmes sans outils de production et sans moyens de développement. L’Europe a «abandonné» des pays en ruine après les avoir spoliés de leurs biens. Le tribalisme, la guerre entre les ethnies et autres conflits de bas étage ont été entretenus durant des siècles. Tout cela au nom de la célèbre devise : diviser pour régner !

L’Afrique demeure-t-elle encore victime des anciennes puissances coloniales ? Les nostalgiques de l’Afrique colonisée refusent de croire en la capacité des Africains à prendre en charge leur destinée. Ils continuent à traiter les Africains en indigènes qui ne peuvent vivre sans tutelle étrangère, voire occidentale plus éclairée, moderne et civilisée !

«L’Afrique des pauvres, l’Afrique des despotes, a besoin plus que jamais de démocratie pour se relever.» Le message nous vient de l’Europe. Il est vrai que la démocratie est l’une des conditions pour un développement humain et durable pas seulement pour l’Afrique. Il est vrai aussi que la démocratie ne s’impose pas, mais se construit dans la pratique de tous les jours. Les dirigeants européens, tout comme les Américains d’ailleurs, n’utilisent l’arme de la démocratie que pour contraindre les pays africains à garantir leurs intérêts économiques. Le sommet Afrique-Union européenne qui se tient à Lisbonne doit s’imposer la règle de travail d’égal à égal. L’esprit de domination sur l’Afrique doit être banni à jamais. L’Europe a le devoir d’aider les pays africains «à surmonter les problèmes liés à son développement», comme l’a déclaré le commissaire européen chargé du développement et de l’aide humanitaire, Louis Michel. Les dirigeants africains ont également le devoir d’œuvrer au développement de leurs pays et d’assurer la paix et la sécurité à leurs peuples. L’institution d’un comité des sages de l’Union africaine (UA) qui sera installé officiellement le 18 décembre et qui s’inscrit dans le cadre de l’engagement de l’Union africaine à prendre en charge elle-même la résolution de ses conflits, avec l’aide logistique et financière de l’UE, servira-t-elle à libérer l’Afrique de l’emprise de l’Occident ou sera-t-elle une institution de plus, voire de trop ? La démocratie et le développement sont intimement liés. Le développement renforce la démocratie tout comme la démocratie renforce le développement. Deux conditions pour se libérer des menaces de l’Europe qui, à son tour, doit reconnaître sa responsabilité historique dans le sous-développement de l’Afrique.
C. B.