Le gouvernement Sellal se cherche une visibilité
Les rumeurs d’un remaniement se font insistantes
Le gouvernement Sellal se cherche une visibilité
El Watan, 11 août 2014
Par calcul politicien ou par défaut de consensus politique, le président Abdelaziz Bouteflika a préféré nommer un gouvernement composé essentiellement de technocrates au lendemain de l’élection présidentielle.
Sorties médiatiques hasardeuses, déclarations intempestives et promesses impossibles. Quelques mois après sa nomination, le gouvernement que dirige Abdelmalek Sellal bat de l’aile. Et en l’absence d’un chef d’Etat qui dirige le pays par procuration, la cohésion gouvernementale devient une chimère.
Alors que les ministres sont majoritairement en congé depuis le début du mois d’août, les rumeurs d’un remaniement gouvernemental courent dans les salons algérois. Dans un pays où l’information se confond toujours avec la rumeur, il est difficile de vérifier la véracité d’une annonce. Une difficulté aggravée par les contradictions qui minent les institutions de l’Etat. Ces contradictions remontent à la constitution de l’actuelle équipe gouvernementale.
Par calcul politicien ou par défaut de consensus politique, Abdelaziz Bouteflika a préféré nommer un gouvernement composé essentiellement de technocrates au lendemain de l’élection présidentielle. Le choix n’a jamais été justifié. Et Bouteflika, sûr d’une légitimité pourtant largement contestée, n’a jamais senti le besoin d’expliquer ses choix. Mais son entourage, qui se charge souvent de vendre jusqu’aux choix les plus contestables, s’est chargé de distiller des informations qui convergent vers un choix «conjoncturel».
Autrement dit : le gouvernement est chargé de gérer les affaires courantes en attendant un changement plus profond et «plus politique» à la rentrée. C’est cette thèse qui est en train d’être vendue aujourd’hui avec, en plus, l’assurance de voir pointer à l’horizon un «gouvernement politique» qui pourra suppléer l’absence, du moins physique, d’un chef d’Etat qui n’apparaît même plus dans les salons de la résidence présidentielle de Zéralda.
Cacophonie
Ces rumeurs, qui peuvent avoir les relents de propagande, visent visiblement à cacher une réalité : le pays donne l’impression de ne pas être géré. La preuve est donnée par la gestion catastrophique des deux plus graves crises qui ont secoué le pays cet été, à savoir le crash de l’avion d’Air Algérie et l’épidémie de la fièvre aphteuse. Rien que pour ces deux crises, la prestation du gouvernement, un temps épargné par la trêve de Ramadhan et la Coupe du monde de football, a été pathétique.
Et l’image d’un Amar Ghoul montrant devant la presse ce qu’il a voulu présenter comme «les boîtes noires» de l’avion écrasé au nord du Mali a dévoilé les limites d’un gouvernement qui n’a pas trouvé ses marques. Pis, dans la même affaire, deux membres du gouvernement, à savoir Ramtane Lamamra et Amar Ghoul, ont tenu, en même temps, deux discours contradictoires lorsqu’ils étaient appelés à communiquer sur le sort de l’avion perdu par les radars.
Le ministre de l’Agriculture, Abdelouahab Nouri, confronté à une montée en puissance de la fièvre aphteuse qui décime le cheptel bovin dans plusieurs régions du pays, a péché par une communication hasardeuse et une gestion catastrophique de la crise. L’ancien wali de Tlemcen a même brillé par son absence, laissant le soin à un fonctionnaire de son département d’affronter les journalistes et expliquer aux Algériens les recettes du gouvernement.
Abdemalek Sellal, qui fait office de chef d’Etat en l’absence de Abdelaziz Bouteflika, semble dépassé. Etant lui-même technocrate, le Premier ministre n’a même pas suffisamment d’autorité sur certains ministres, qui n’assistent même pas aux réunions du gouvernement. Pour tenter de mettre fin à ces couacs répétitifs, les décideurs vont abattre une dernière carte : ramener des ministres plus politiques pour gagner davantage de temps et faire face à d’éventuels troubles sociaux qui risquent d’éclater, une fois que les moyens de financer la paix sociale auront diminué.
Ali Boukhlef