Cette philosophie du silence

Cette philosophie du silence

par Moncef Wafi, Le Quotidien d’Oran, 30 septembre 2013

L’absence de communication officielle érigée comme un fondamental de gouvernance est en train de dépeindre sur tous les aspects de la gestion de la vie à l’algérienne. Si le mutisme est de rigueur, s’agissant des affaires dites de politique extérieure ou frappée du sceau d’atteinte à la sûreté de l’Etat, selon la version officielle de la chose, il n’en demeure pas moins qu’un dossier comme la pénurie d’essence qui sévit maintenant depuis plus d’une semaine à l’ouest du pays et dont les questions restent sans réponse puisse choquer les Algériens. On est loin des dossiers de corruption touchant la Sonatrach et à des années lumières des enquêtes sur Khalifa et le meurtre de Tounsi et un peu plus loin sur les commanditaires de l’assassinat de Boudiaf pour que Naftal se cache derrière le secret de l’instruction et refuse de communiquer sur un simple problème de carburant pollué. Cette façon de procéder, que d’aucuns associent à un pur mépris envers les légitimes inquiétudes des automobilistes, est en total décalage des formes les plus basiques de l’information. Naftal, en décidant de ne pas répondre au téléphone, se contentant de communiqués laconiques pour rassurer les victimes de son carburant « hors la loi » qu’ils allaient être indemnisés, ne fait que perpétuer cette philosophie du silence qui veut qu’on solutionne un problème en niant son existence. Le silence de Naftal comme celui de toutes les institutions officielles, à commencer par les services de la présidence, ouvrent grandes les portes aux spéculations les plus excentriques. La non communication sur des événements cruciaux qui touchent le citoyen dans son quotidien a de quoi exacerber les plus folles rumeurs et réduire au silence les scénarios les plus logiques. Ainsi, et pour rester dans l’exemple de Naftal, alors qu’un communiqué explicatif de l’entreprise aurait suffi mettre fin aux explications les plus farfelues, son silence pesant a laissé libre cours à toutes les rumeurs. Du carburant pollué au large de la mer dans des citernes pas très étanches, à un mélange avec du mazout ou encore pire, à une mauvaise manipulation à la raffinerie d’Arzew ou à un sabotage, le bruissement des raisons officieuses a fait son chemin dans l’esprit des gens. Chacun, au volant de sa voiture à faire le pied de grue devant une station-service, a eu le temps de se faire son idée sur les raisons de cette pénurie que Naftal dément toujours, à croire que ses responsables s’alimentent à des pompes espagnoles. Cette tendance au secret, longtemps cultivée comme un appendice du pouvoir, finit toujours par montrer ses limites et, gageons cette fois-ci, qu’au bout d’une pompe à essence, il serait temps que les « petits » responsables, eux au moins, rendent compte de la situation en attendant qu’en haut lieu ceux qui ont conduit le pays vers le précipice n’en fassent de même.