Un jeune d’Illizi s’en prend à Ould Kablia
Il lui reproche ses déclarations sur l’identité des auteurs de l’attaque d’In Amenas
Un jeune d’Illizi s’en prend à Ould Kablia
Par : Badreddine KHRIS, Liberté, 16 février 2013
Affichant une grise mine, l’air dépité, les signes de déception se lisent sur son visage blême et basané, un jeune homme, la trentaine, se lève dans la salle et se dirige, avec une allure nonchalante vers le pupitre, placé à droite de la tribune occupée par les ministres de l’Intérieur et de l’Agriculture.
Serein mais déterminé, il attend son tour pour intervenir au cours des débats ouverts par les deux représentants du gouvernement, envoyés par le Premier ministre, à la rencontre des citoyens de la wilaya d’Illizi. Faisant fi du protocole instauré par les organisateurs de la réunion qui a regroupé jeudi les ministres et les représentants de la société civile de la région, le jeune arrache le microphone à l’un des agents qui voulait l’empêcher de prendre la parole et lance tout de go : “Laissez-moi parler. Il est de mon droit de m’exprimer, non ?!”
Des premiers mots qu’il prononce transparaissait un dégoût profond. Sa première remontrance, il l’adresse au ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, Daho Ould Kablia. Il lui reproche le fait qu’il ait accusé ses concitoyens habitants de la région d’être les auteurs de l’attentat perpétré récemment par un groupe terroriste dans le complexe gazier de Tiguentourine à In Amenas, situé, faut-il le rappeler, à plus de 200 kilomètres du chef-lieu de la wilaya d’Illizi.
Il n’y est pas allé de main morte pour dénoncer cette accusation, devant une assistance abasourdie. Il déplore avec véhémence le fait qu’un ministre de la République et de surcroît chargé de l’Intérieur, incrimine à tort les habitants de la région. “Monsieur le ministre, vous avez accusé dans l’une de vos précédentes déclarations les gens de la région d’être à l’origine de cet acte terroriste. Non, nous ne sommes pas les auteurs de cette attaque.”
En guise de réponse, il loue le mérite de la population d’Illizi qui continue à résister seule et sans moyens à plusieurs fléaux dont le terrorisme, la situation au Mali, l’immigration clandestine, la contrebande, le chômage… Après cette mise au point, le jeune, rongé décidément par un pessimisme enraciné en lui depuis des années, évoque les nombreux problèmes que vit la wilaya.
“Rien ne se fait ici. L’on ne recense ni projets d’investissement ni postes d’emploi. Le chômage a atteint des proportions alarmantes, les conditions sociales sont détériorées et la vie devient de plus en plus difficile”, lâche-t-il. Une fois ces critiques assénées à l’encontre de M. Ould Kablia, le jeune achève son réquisitoire, reprend aussitôt le chemin vers la sortie et quitte la plénière, entièrement désabusé, n’attendant même pas les réponses du ministre.
Cette réaction spontanée et épidermique du jeune révèle l’état d’esprit de toute la jeunesse de la région.
Embarrassé par les phrases du jeune intervenant, le ministre de l’Intérieur a tenté de rectifier le tir. “Non, les terroristes sont venus de Libye. Il s’agit en fait d’un groupe sorti du nord du Mali qui s’est dirigé vers le Niger. Il est resté caché pendant un mois et a rejoint ensuite la commune d’Igli. Toutes les preuves montrent que ce groupe composé de Tunisiens, d’Égyptiens et de Nigériens sont venus de Libye”, indique-t-il. Une chose est certaine, ajoute-t-il, “moi, je n’ai jamais douté de la loyauté des citoyens de cette région”. Le jour même de la prise d’otages, M. Ould Kablia avait déclaré que les terroristes n’étaient venus “ni du Mali ni de Libye” et qu’ils étaient “originaires de la région”.
B K