Agrément des partis politiques: Le niet non notifié de l’Intérieur bafoue la loi

AGRÉMENT POUR LES PARTIS POLITIQUES

Le niet non notifié de l’Intérieur bafoue la loi

Le Soir d’Algérie, 27 mai 2010

Le ministre de l’Intérieur maintient, quitte à tordre le cou aux dispositions légales, de barricader les horizons devant les initiatives partisanes. Prétendre, sous Zerhouni, à un agrément pour un parti politique, c’est quasiment courir l’impossible. Thuriféraires du pouvoir en place et opposants ont droit à la même disgrâce.
Sofiane Aït Iflis – Alger (Le Soir) – Il ne procède pas de l’exagération que de noter que le champ politique algérien est hermétiquement fermé. Les demandes d’agréments enterrées au fond des tiroirs du ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales en constituent une preuve irréfutable. Mohamed Saïd, le dernier homme politique à avoir quêté un agrément auprès des services de l’intérieur pour son parti, le Parti pour la liberté et la justice, connaît un bout de ce chemin de croix qu’il faudra arpenter, l’espoir ténu, dans la quête de ce fameux quitus qui permet l’exercice légal de l’activité partisane. Son parti n’est toujours pas agréé. Inexplicablement. Comme le sont toujours le Front démocratique de Sid- Ahmed Ghozali, Wafa de Ahmed Taleb Ibrahimi ou encore l’Union des démocrates républicains de Amara Benyounès. La dernière fois où il s’exprima sur le dossier, le ministre de l’Intérieur eut cette formule sibylline : «Eux savent pourquoi ils ne sont pas agréés.» Or, il se trouve que les prétendants à l’enfourchement de l’aventure partisane ne le savent justement pas. En effet, le ministère de l’Intérieur n’a pas cru nécessaire de notifier une quelconque décision, refus s’il en était, aux demandeurs d’agrément. A l’exception de Mohamed Saïd à qui il a été demandé de faire preuve d’un peu plus de patience, le traitement de son dossier nécessitant un complément d’information. Depuis, c’est-à-dire plus d’un semestre, le concerné patiente. L’attitude du ministère de l’Intérieur est-elle en phase avec les dispositions de la loi sur les partis politiques ? En aucun cas et d’aucune manière. La loi en question stipule dans son article 15 que «après contrôle de conformité avec les dispositions de la présente loi, le ministre chargé de l’intérieur assure la publication au Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire du récépissé de déclaration, mentionnant le nom et le siège du parti, les nom, prénom, date et lieu de naissance, adresse, profession et fonction au sein du parti des 25 signataires de l’engagement prévu à l’article 14 ci-dessus. – La publication au Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire doit intervenir dans les soixante (60) jours qui suivent la date de dépôt du dossier. La publication du récépissé de déclaration, intervenue dans les conditions prévues par le présent article, ouvre droit à l’exercice des activités partisanes pour permettre aux membres de réunir, dans le délai prévu à l’article 14 ci-dessus, les conditions nécessaires à la tenue du congrès constitutifs du parti. Les membres fondateurs engagent leur responsabilité solidairement conformément aux règles fixées par le code civil.» On voit bien que la loi oblige les services du ministère de l’Intérieur à publier dans le Journal officiel le récépissé dans les 60 jours qui suivent la date de dépôt du dossier d’agrément. Ceci en cas d’acceptation du dossier. Mais en cas de refus, le ministère de l’Intérieur est tenu de notifier le rejet du dossier. L’article 17 de la loi sur les partis politiques le stipule clairement. «Lorsque le ministre chargé de l’intérieur estime que les conditions de création exigées par les articles 13 et 14 de la présente loi ne sont pas remplies, il doit notifier le rejet de la déclaration constitutive par décision motivée, avant l’expiration du délai prévu à l’article 15 de la présente loi. Les membres fondateurs ont le droit d’exercer un recours devant la juridiction administrative compétente contre la décision de rejet précitée, dans un délai d’un (1) mois, à compter de la date de notification de la décision de rejet.» A la lecture de cette disposition de loi, on comprend que le demandeur d’agrément a la possibilité, en cas de refus, de recourir à l’arbitrage des juridictions administratives compétentes. Mais sans décision dûment notifiée, ils ne peuvent introduire de recours. Et il est fort possible que ce soit pour ne pas courir le risque de se soumettre éventuellement à une décision de justice que le ministère de l’Intérieur ne notifie pas ses refus d’agréments.
S. A. I.