Les hommes de Tebboune écartés

Désignation des membres du gouvernement

Les hommes de Tebboune écartés

El Watan, 19 août 2017

Sans surprise ! Les changements au sein du nouveau gouvernement n’ont concerné que les départements qui étaient à l’origine de la crise survenue au sommet du pouvoir en cette période estivale. Il s’agit des ministères de l’Industrie et des Mines, du Commerce et de l’Habitat.

Considérés comme les exécutants de la politique prônée par l’ancien Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune, ces ministres, en l’occurrence Mahdjoub Bedda, Ahmed Saci et à un degré moindre Youcef Cherfa, n’ont pas échappé à la foudre qui a emporté le gouvernement dans lequel ils n’ont siégé que 83 jours.

Ces trois ministres sont remplacés par Youcef Yousfi (Industrie), Mohamed Benmeradi (Commerce) et Abdelwahid Temmar (Habitat). Ce léger remaniement ministériel, qui intervient 48 heures après la nomination d’Ahmed Ouyahia en tant que Premier ministre, confirme toutes les lectures faites autour du limogeage de Abdelmadjid Tebboune. Des lectures qui mettent en avant l’influence du pouvoir de l’argent, dont les détenteurs se sont plaints de «blocages». «Les ministres qui avaient appliqué les mesures, comme la réduction des importations de toutes sortes et celle relative au secteur de l’automobile, ont été remerciés», explique le politologue Rachid Tlemçani, cité par l’agence AFP.

Chacun dans son secteur, ces trois ministres n’ont pas hésité, rappelons-le, à révéler les «grandes tromperies sur la marchandise» et «l’ampleur des transferts illégaux de devises». En effet, le premier à monter au créneau était Mahdjoub Bedda. Il dénonce, dès le début de mois de juillet dernier, «les importations déguisées», à travers les fameuses usines de montage de véhicules SKD qui ont vu le jour, pour certaines, en moins d’une année avec la bénédiction de l’ex-ministre de l’Industrie, Abdessalem Bouchouareb.

«L’importation déguisée, c’est terminé en Algérie», lance-t-il, en mettant en place une commission chargée d’évaluer l’expérience de l’industrie automobile en Algérie. Mahdjoub Bedda dénonce également la cherté des véhicules dont les prix qui dépassent largement ceux pratiqués en Europe. «Quand vous allez acheter une voiture, vous ne la trouvez pas. Et quand vous trouvez la voiture, son prix est plus élevé qu’à l’étranger. Les voitures sont plus chères et les exonérations sont importantes», déplore-t-il. Ces critiques et la volonté affichée de revoir la stratégie industrielle lui ont coûté son poste.

«Des hommes de Bouteflika aux commandes»

Même scénario pour le ministre du Commerce, Ahmed Saci. Ce qui lui est reproché est l’élargissement de la liste des produits soumis aux licences d’importation, ainsi que le blocage des marchandises au niveau des ports. Sur plainte des importateurs et des opérateurs économiques, la présidence de la République est intervenue, rappelons-le, pour recadrer sévèrement le Premier ministre et son gouvernement. Deux jours après, le département d’Ahmed Saci a entamé les procédures pour le déblocage des marchandises importées avant l’entrée en vigueur des licences d’importation. La mesure a été ensuite généralisée à tous les produits.

Mais cette rectification n’a pas sauvé le ministre, contraint de suivre Abdelmadjid Tebboune. Afin d’éviter un remake du même scénario à l’avenir, la Présidence semble avoir décidé de rappeler aux affaires les «fidèles», à savoir Youcef Yousfi et Mohamed Benmeradi, qui avaient figuré dans le gouvernement avant la présidentielle de 2014. «Les hommes du Président entrent au gouvernement», commente Mohamed Hennad, enseignant en sciences politiques à l’université d’Alger, dans une déclaration à l’agence AFP.

Ce dernier rappelle aussi le fait qu’Ahmed Ouyahia était chef de cabinet du Président avant sa nomination à la tête du gouvernement. Avec ces nominations, les tenants du pouvoir sont assurés qu’aucune mesure qui fâcherait «les partenaires économiques» ne sera prise.

Madjid Makedhi