«La décision du ministère de l’Intérieur est anticonstitutionnelle»
Des organisations réagissent aux propos de Daho Ould Kablia
«La décision du ministère de l’Intérieur est anticonstitutionnelle»
El Watan, 22 décembre 2011
Interdire aux associations de protester sur la place publique est anticonstitutionnel», affirment des responsables de certaines organisations en réaction aux déclarations du ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, qui avait menacé de dissoudre les associations qui recourraient à la protestation sur la voie publique.
«Les associations qui lancent des appels à des grève visent la perturbation de l’ordre public (…) et de ce fait, elles risquent de disparaître», avait-il déclaré, mardi dernier, en marge d’une séance plénière du Sénat consacrée au débat sur le projet de loi sur les associations. Pour les responsables des organisations que nous avons interrogés, cette menace cache une volonté de restreindre encore plus les libertés collectives et d’expression. Les acteurs de la société civile pensent que l’administration cherche par tous les moyens à museler les syndicats et les associations. Ainsi, le président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH), Mostafa Bouchachi, qualifie d’«anticonstitutionnelle» l’interdiction évoquée par le ministre de l’Intérieur. «Il n’a pas à qualifier les sit-in ou les marches comme des actions illégales. Toute association a le droit de militer dans les rues, et seule la justice a le droit de statuer sur la légalité ou l’illégalité de son action», explique-t-il. Mostafa Bouchachi indique que «les associations, notamment la LADDH, sont habituées aux déclarations de ministres qui ne respectent pas les textes de loi du pays». «L’Algérie n’est pas un Etat de droit et la justice n’est pas indépendante. Il n’y a aucun contrepouvoir qui puisse s’opposer à l’Exécutif», ajoute-t-il.
Pour sa part, Boudjemaâ Ghechir, président de la Ligue algérienne des droits de l’homme (LADH), estime que «les propos de Ould Kablia sont contradictoires». «Si les associations n’exposent pas les problèmes de l’Algérie, vont-elles évoquer ceux des autres pays ?», s’interroge-t-il. Le premier responsable de la LADH précise également que «les sit-in et les marches sont des modes d’expression démocratique et les interdire est une offense à la démocratie». «La Constitution stipule que tout Algérien a le droit de s’exprimer librement», rappelle-t-il. Selon lui, «le pouvoir actuel gère un Etat-système qui accapare l’espace public. La seule solution face à ce régime est que les Algériens recouvrent leur citoyenneté», indique-t-il. Dans le même sens, Mourad Tchiko, membre du bureau national du Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique (Snapap), dénonce les propos du ministre de l’Intérieur. Il souligne que «le citoyen algérien a le droit de dénoncer et d’évoquer tous les problèmes du pays». «Il faut dire à Ould Kablia que la Constitution garantit un droit : celui de militer pacifiquement. Les sit-in et les marches ne sont qu’un mode d’expression», soutient-il. Et d’ajouter : «Je pense que l’administration veut interdire les protestations dans les rues pour que personne ne dénonce la corruption, la mauvaise gestion et le détournement de deniers publics.»
Mehdi Bsikri