Réunion Gouvernement-walis : Les batailles de Sellal
par Ghania Oukazi, Le Quotidien d’Oran, 27 juin 2013
«Combattez les pratiques bureaucratiques ! Luttez contre la corruption ! C’est la mère des batailles que nous devons gagner», a clamé le 1er ministre.
C’est l’une des instructions les plus pressantes que Abdelmalek Sellal à donné aux walis qu’il a réunis hier au Palais des nations des Club des Pins d’Alger. C’est lorsqu’il a évoqué le CALPIREF (Comité d’assistance à la localisation, à la promotion de l’investissement et à la régulation du foncier), que le 1er ministre a fait part de son mécontentement au sujet de la lenteur de cette structure locale à traiter les dossiers et à son enlisement dans des pratiques bureaucratiques. «Sur 35 000 dossiers déposés pour l’attribution d’assiettes foncières, 15 000 projets ont été examinés (49%), la cadence est très lente, il faut aller très vite, c’est une bataille à gagner», a-t-il ordonné. Il exhorte les walis à ne pas faire comme à El Bayadh où «depuis les années 80, un seul projet a vu le jour. Et ce n’est qu’en mai 2013 qu’un permis de construire a été délivré, il faut se poser des questions !». Sa déception de la gestion du CALPIREF le pousse même à demander aux walis d’ignorer la réglementation et de régler les problèmes en suspens. «Il faut passer outre et je vous couvre, il faut le faire quand il y va de l’intérêt économique, sécuritaire et de la stabilité du pays,» a-t-il affirmé. Sellal rappelle qu’il est impératif de placer l’entreprise «de tout développement du pays». Il estime aussi que «l’économie est l’affaire de toute la société». Relation de cause à effet, il ordonne aux walis de «veiller au bien-être du citoyen». Il fait savoir qu’en terme de valeur ajoutée au niveau du PIB, «on est à 4,5%, on est encore loin de la moyenne mondiale qui est de 17%». Le défi «majeur» à ses yeux est de «retrouver impérativement et obligatoirement la base industrielle du pays». Il n’exclut pas que «cela devra se faire dans le cadre du partenariat public-privé, privés tous seuls ou alors avec les étrangers». Relizane est cette région qu’il prendra en exemple pour démontrer l’importance du partenariat». «Toutes les unités de production textile ont été fermées à Relizane et même à Béjaïa, mais grâce à un partenariat avec les Turcs, Relizane peut devenir la plus grande base de l’industrie textile avec une production dont 50% seront pour le marché local et les 50% autres pour l’exportation». Il est convaincu ainsi que «seul l’entrepreneur peut créer de la richesse, de l’emploi et faire retrouver toute sa plénitude à la valeur du travail qu’on a perdu depuis fort longtemps à cause des hydrocarbures qu’on a». Non sans noter que «le développement économique ne se fera pas en dehors des hydrocarbures». Il rappellera encore que «l’Algérie est la 3ème réserve mondiale de gaz de schiste». Il fera savoir aussi qu’un accord a été conclu avec les Suédois pour l’exploration du pétrole en offshore (en mer). S’il tire une certaine fierté à souligner que l’Université algérienne accueille chaque année, 1,3 million d’étudiants, le 1er ministre fait part de son inquiétude parce que, dit-il, «l’économie ne peut pas les faire travailler tous, on n’a donc pas d’autres solutions que de créer des entreprises».
Pour tout cela, il réitère son appel à «forcer la charge et le pas et régler le problème épineux du foncier industriel». Il instruit pour cela les walis à «faire feu de tout bois, si vous pouvez créer des zones d’activités industrielles partout à travers le territoire national, faites-le !» Il leur demande cependant d’octroyer des terrains industriels sur la base d’un cahier des charges «bien précis». Il reproche aux walis de «ne pas être derrière les investisseurs pour les pousser à réaliser leur projet. «Ne tombez pas dans le cas d’El Bayadh où un Italien a bénéficié d’un terrain depuis 9 ans mais il n’a rien fait à ce jour». Il leur demande : «Je souhaite que vous accordiez une attention particulière au CALPIREF, il faut assainir et surtout liquider rapidement les pratiques bureaucratiques, c’est aberrant de demander à l’investisseur 39 pièces administratives pour avoir un terrain !». Pour rassurer, il déclare qu’ «il est possible qu’il y ait une instruction pour alléger la procédure à un extrait de naissance et une photocopie de la carte d’identité».
Sellal annonce alors une réforme «urgente» du fonctionnement de l’ANDI (Agence nationale du développement de l’investissement». Parce que, affirme-t-il, «on a bureaucratisé l’acte d’investir, ce qui est un blasphème !». Acte qui doit pourtant «être libre, il faut juste en avoir la volonté et l’argent pour le concrétiser». L’ANDI, estime-t-il « ce n’est pas rester dans les bureaux et attendre mais d’aller chercher les investisseurs».
« Les grands principes» sur lesquels le 1er ministre affirme ne pas revenir dessus
par G. O.
La règle du 51/49 et le crédit documentaire pour toute opération d’importation sont les deux dispositions qui ont été tant décriées par les hommes d’affaires nationaux et étrangers depuis leur inscription dans la loi de finances complémentaire de 2009.
«On ne reviendra pas dessus parce que ça ne pose pas problème, sauf peut-être pour les PME mais pour les grandes entreprises, ça marche», estime Sellal. Le gouvernement algérien continue ainsi de «bouder» la PME qui représente pourtant chez beaucoup de pays industrialisés le moteur du développement économique.
Mais bien qu’il reste «accro» aux deux règles imposées par la LFC 2009, Sellal lâche quand même que «si ça nécessite d’autres études plus tard, on verra».
Communication institutionnelle: «Communiquez, excepté sur la sécurité nationale»
par G. O.
On n’a strictement rien à cacher, on n’a aucun cadavre dans nos placards ni aucune poussière sur nos tapis,» a déclaré le Premier ministre, à propos de la nécessité d’informer. «Il faut donner l’information aux journalistes au niveau de chaque commune, chaque wilaya, excepté ce qui concerne la sécurité nationale,» a-t-il souligné. Il estime que «les walis doivent communiquer, la loi vous donne la prérogative de passer outre, d’informer en temps opportun et de prendre la décision qu’il faut, en temps nécessaire.»
L’objectif premier de cette instruction est dit-il de «gagner la confiance des citoyens. On n’a peur de personne, il faut combattre la culture de la haine, de la violence, ce sont des soubresauts des années 90.»
Il pense ainsi qu’il faut «une remise en ordre mentale du pays.»