Le Président défend les militaires

Violence contre le terrorisme

Le Président défend les militaires

Par Karim Kebir, Liberté, 4 juillet 2005

Le chef de l’État, Abdelaziz Bouteflika, vient visiblement d’enterrer définitivement l’accusation du “Qui tue qui ?” C’est du moins ce qu’il convient de relever dans son discours prononcé, hier, à l’occasion de la Fête de l’indépendance et de la jeunesse. Apparu au milieu des années 90, au faîte de la violence terroriste, le “Qui tue qui ?” vocable visant à accuser, à tort ou à raison, les services de sécurité d’exactions, a longtemps constitué une carte de pressions des ONG internationales et même de certaines chancelleries étrangères. Et beaucoup aujourd’hui y voient dans l’entreprise du président de la République, la réconciliation nationale, outre l’organisation légale du pardon à l’endroit des “égarés”, pour reprendre une expression en vogue, une volonté d’effacer ce qu’on qualifie dans le jargon officiel de “dépassements” des services engagés dans la lutte contre le terrorisme. “Nos djounoud comme les membres de nos services de sécurité, qui ont été encore plus exposés aux agressions du terrorisme, ont également leurs blessures à soigner et leurs morts à pleurer. Leur tâche n’a pas été facile, et il leur a été nécessaire d’utiliser la violence pour combattre la violence et affronter un adversaire sans scrupule et sans moralité. L’hommage que je leur rends aujourd’hui se veut aussi l’expression de notre indignation contre toute présentation tendancieuse de leur action visant à entacher leur honneur. Ils ont une seconde fois, après leurs aînés de l’Armée de libération nationale, sauvé leur patrie et je veux les assurer tous du respect et de la reconnaissance de l’ensemble de la Nation”, a indiqué Abdelaziz Bouteflika. Au-delà qu’il juge l’usage de la violence par les militaires de “nécessaire”, le Président leur rend même un hommage appuyé : “Si aujourd’hui, nous retrouvons la paix et la stabilité, si nos populations dans les villes et dans les campagnes reprennent une vie quotidienne normale, nous ne pouvons oublier que nous le devons avant tout à l’action de nos djounoud et de tous les services de sécurité. Leur mission n’a pas été facile et leurs sacrifices ont été très lourds (…)”, a-t-il dit non sans ajouter : “Je veux donc aujourd’hui exprimer à nos djounoud la gratitude de la nation pour avoir ramené la paix dans notre pays et permis de démontrer qu’il est possible de lutter contre le terrorisme et de le vaincre.” Ceci dit, si le chef de l’État, qui soit dit en passant, considère que le terrorisme n’est pas d’inspiration algérienne et qu’à ce titre il refuse de lui accorder “la couverture islamique”, il n’en révèle pas moins le contenu de la réconciliation, encore moins les bénéficiaires.
À l’adresse des militaires et au-delà les Algériens, il dit seulement : “Vous aurez à approuver les contours et les modalités.” Une réconciliation qui doit, toutefois, s’accompagner de justice. “Il va de soi que cette politique de réconciliation nationale doit s’accompagner d’un exercice lucide et courageux d’une justice forte et consciente de sa mission au service de la société. Une telle opération ne peut évidemment être engagée que dans un climat redevenu serein, permettant à la raison de triompher de tout ressentiment et de tout esprit de revanche”. Il s’agit donc, en définitive, de savoir jusqu’où ira le chef de l’État dans les “contours” de ce projet que le peuple est appelé à connaître dans les prochains mois.

KARIM KEBIR