Khaled Nezzar: «Le DRS a toujours relevé de la présidence»
KHALED NEZZAR
«Le DRS a toujours relevé de la présidence»
Le Soir d’Algérie, 21 octobre 2015
Le général à la retraite, Khaled Nezzar, ancien ministre de la Défense, a tenté, par une déclaration à notre confrère en ligne Algérie Patriotique de mardi, d’éclairer, dit-il, sur les tenants et les aboutissants des changements opérés au sein du Département du renseignement et de la sécurité, le DRS.
C’est parce que le communiqué de la présidence justifiant ces changements «ajoute à la confusion générale» plutôt qu’il ne donne à comprendre pourquoi ces changements que le général réagit.
Lever les confusions et équivoques entretenues sur ce service, c’est à quoi s’est attelé le général à la retraite qui considère que pour ce faire, il est plus nécessaire que jamais de situer les attachements hiérarchiques et fonctionnels et même infrastructurels et décliner l’historique de ce service, questions sur lesquelles le silence a toujours été de mise.
Une information de taille, perdue jusque-là dans les méandres de la vie politique. Le DRS n’a jamais été «sous le commandement de l’autorité militaire».
Nezzar l’affirme plutôt deux fois qu’une et affirme que le «DRS relève de la présidence de la République même si ses locaux se trouvent aux Tagarins» et ce, depuis l’indépendance, ajoute-t-il. Ce serait en partie cette domiciliation au sein des locaux de la Défense qui aurait fait croire à la dépendance de ce service de la grande muette. Nezzar s’interroge justement sur l’absence, dans le communiqué de la présidence, de référence à l’entité de laquelle dépendent les services touchés par les changements que le Président a opérés.
Sans cette précision, il ne s’agirait alors que de changement de retrait d’une personne et de son remplacement par une autre et non de réorganisation profonde pour plus d’efficacité comme suggéré dans le communiqué de la présidence.
Nezzar convoque alors, très brièvement, les différentes étapes par lesquelles est passé le DRS pour relever les points saillants suivants : le DRS est issu de la restructuration de l’administration centrale de la défense «imposée par l’avènement de la voie démocratique dans le paysage politique…»
Les quatre directions qui le composent, issues de l’ancienne SM, se sont vu pour deux d’entre elles (Sécurité nationale et Sûreté de l’Etat) relevées de la présidence et les deux autres (Sécurité de l’armée et Relations extérieures et de la coopération) dépendaient pour ce qui les concerne du ministère de la Défense.
Octobre 1988 d’une part, le multipartisme instauré en 1989 ont conduit à la désignation d’un ministre de la Défense, fonction dévolue jusqu’alors au président de la République. La lutte antiterroriste a, alors, amené le DRS à s’engager auprès de l’armée et d’autres partenaires, patriotes…
De plus, un rôle de coordination dans la lutte anti-terroriste a été imposé au DRS qui a eu par ce fait à être parfois placé sous la tutelle du gouvernement dans ces opérations.
Toutes ces informations, tous ces rappels historiques son fournis par Nezzar, espérant, il ne s’en cache pas, espérant lever les ambiguïtés.
Elles se veulent aussi une réponse du militaire retraité à ceux qui l’accusent d’avoir voulu casser les services à qui il répond que la restructuration des services opérée sous Chadli sur sa proposition «devait être une sorte de corollaire au multipartisme et à la liberté de la presse».
Or, conclut-il, «l’essentiel du Département du renseignement et de la sécurité a été sauvegardé». Et, assène-t-il au final, dans un ton ironique, nous dit Algérie patriotique, en direction de ceux qui appellent de leurs vœux l’instauration d’une société civile : «Tant que le président de la République sera en même temps ministre de la Défense nationale, l’Etat civil tant souhaité par M. Saâdani ne verra pas le jour.»
Khedidja Baba-Ahmed
Le message codé de Nezzar à Gaïd Salah
«Le DRS n’est pas sous l’autorité de l’état-major»
El Watan, 21 octobre 2015
L’ancien ministre de la Défense, Khaled Nezzar, a estimé que «le communiqué de la Présidence ajoute à la confusion ambiante et n’apporte aucun éclairage sur les tenants et les aboutissants des décisions prises par le Président s’agissant de ce service de sécurité».
La polémique née au lendemain de la «décapitation» des états-majors des structures sécuritaires suivie de la mise à la retraite du patron des Services spéciaux ne retombe pas. Manifestement, le communiqué de la Présidence du 8 octobre dernier, défendant la thèse d’une «réforme large», n’arrive pas à fermer cette parenthèse tendue et surtout n’a pas pu convaincre grand monde.
Ce cafouillage inédit prend même de l’ampleur avec l’intervention de l’ancien ministre de la Défense et non moins influent général à la retraite, Khaled Nezzar, qui met en cause sèchement les «clarifications» de la présidence de la République. «Le communiqué de la Présidence ajoute à la confusion ambiante et n’apporte aucun éclairage sur les tenants et les aboutissants des décisions prises par le Président s’agissant de ce service de sécurité (DRS)», a déclaré M. Nezzar, hier, sur le site Algériepatriotique.
De la bouche d’un ancien ministre de la Défense nationale, la mise au point sonne comme un démenti à l’adresse des auteurs du communiqué présidentiel. En tout cas, cette intervention témoigne du «désordre» régnant, mais aussi et surtout du flou qui entoure tant les changements intervenus au sein du DRS que des nouveaux «détenteurs» de nouvelles fonctions qui ont connu des transferts.
Qui relève de qui et qui est patron de qui ? L’ancien chef d’état-major puis ministre de la Défense pose la question, ou du moins demande des précisions pour lever toute équivoque. M. Nezzar dit clairement que le fameux communiqué de la Présidence «ne précise pas de quelle entité relèvent les services touchés par ces changements». Une interpellation lourde de sens, qui suggère que les changements opérés au sein du DRS n’obéissent pas, finalement, à une ambition de réforme, dont l’objectif serait de parvenir à l’instauration de l’«Etat civil».
Le général à la retraite, politiquement actif, laisse entendre qu’il ne s’agit, au bout du compte, que d’une manœuvre pour mettre hors jeu le général Toufik. L’ancien ministre de la Défense nationale mesure l’importance et la nécessité de définir les frontières et les prérogatives au sein des différentes structures de l’armée et des Services de renseignement.
D’où son doute sur les intentions et surtout l’objectif recherché à travers la mise à l’écart de l’ex-patron du DRS : «Si cette relation fonctionnelle n’est pas clairement identifiée, cela voudrait dire que le Président n’a fait que retirer le DRS à un responsable pour le mettre entre les mains d’un autre.» Mais entre les mains de qui et surtout sous la coupe de quelle autorité ? La présidence de la République ou L’état-major de l’armée ? La confusion demeure et il n’est pas exclu qu’elle soit sciemment entretenue.
Ce qui amène Khaled Nezzar à faire l’implacable constat qu’«en définitive, il n’y a pas eu de restructuration des services de renseignement». De ce fait, l’ancien membre du défunt Haut Comité de l’Etat (HCE) ne se limite pas à relever les ambiguïtés entourant les changements au sein de l’appareil sécuritaire faisant planer aussi bien les doutes que les inquiétudes, il se charge alors de corriger et de rétablir des évidences historiques. «Cette situation (confusion, ndlr) fait dire à beaucoup de gens que le DRS est sous le commandement de l’autorité militaire, alors qu’il n’en est rien», tranche M. Nezzar. Et de poursuivre avec certitude que le DRS «relève de la présidence de la République même si ses locaux se trouvent aux Tagarins».
L’ancien ministre n’a pas manqué de rappeler que depuis toujours, les Services spéciaux relèvent de l’autorité du président de la République. Et c’est là que ce message codé de Khaled Nezzar prend tout son sens politique. S’il s’abstient de révéler clairement le fond de sa conviction, il semble vouloir dire, à l’adresse du chef d’état-major, Ahmed Gaïd Salah, «vous n’êtes pas le seul et unique patron».
Ce dernier, qui occupe l’espace politique national depuis le quatrième mandat, ne cesse d’envoyer des signes qu’il est le maître à bord. Ce qui fait dire à certains observateurs avertis que l’homme est «en campagne» et s’interroger même sur ses ambitions politiques. Il va sans dire que l’actuel chef d’état-major va s’atteler à examiner soigneusement, afin de le décoder, le message de son «aîné».
Hacen Ouali