L’embuscade de Batna, près d’un mois après

L’EMBUSCADE DE BATNA, PRÈS D’UN MOIS APRES

Un mutisme inexpliqué dans la région

El Watan, 29 janvier 2003

La présence d’éléments étrangers parmi les terroristes abattus par les forces de l’ANP entre Batna, Khenchela et Tébessa ne serait-elle que le fruit de l’imagination de confrères en quête de sensationnel ? Sinon, obéirait-elle à une manipulation ?

En tout état de cause, après l’embuscade qui a coûté la vie à 43 militaires, l’armée ne semble toujours pas prédisposée à communiquer sur ce qui s’est réellement passé avant et après le massacre de Mchounèche (Batna). Si deux semaines après ce triste évènement, sur une quinzaine de kilomètres au départ du chef-lieu de wilaya, la route est parsemée de barrages fixes et/ou mobiles qui se veulent sécurisants, tout de suite après, les voyageurs doivent faire face à un paysage féerique et plutôt rassurant par la grâce du manteau nival qui le couvre à mesure qu’ils gagnent en altitude en se rendant vers Theniet El Abed et qui n’en devient malheureusement pas désolant, voire inquiétant en raison de la conjoncture. Dans la ville en question, il y a les habitations et le centre-ville où toute la population semble s’être donnée rendez-vous. Les gens sont là, grappes par grappes, identifiant en un laps de temps «l’étranger», non-usage du dialecte oblige et par le port (habillement, teint ou démarche). L’a priori est donc inévitable. Tout renseignement ou question posée est stigmatisée et quand quelques langues se délient, c’est généralement pour affirmer : «Vous savez, les éléments étrangers parmi les terroristes, voire les terroristes mêmes, abattus, nous l’avons appris par la presse. Tout comme nous l’avons su pour les militaires assassinés il y a quelques semaines.» Le même discours est tenu une vingtaine de kilomètres plus loin à Menaâ où sur un ton abrupt il nous est déconseillé de nous attarder sur la route de Tigharghar à moins de continuer notre route sur Biskra et ne pas envisager d’effectuer le retour par le même trajet. Etrangement, le discours analogue nous est tenu par l’adjoint du commandant du secteur militaire de Batna pour lequel «au-delà de l’obligation de réserve à laquelle il est tenu» n’hésite pas à nous avouer que «dans ce qui a été rapporté par les journaux, il y a une part de vrai et une part de faux» sans nous dire où s’arrête le faux et où démarre le vrai, ajoutant qu’«il serait préférable de se rapprocher de la gendarmerie nationale, moins rigide sur la communication, sinon prendre attache directement avec la cellule de communication de la 5e région militaire» (sic). Les confrères rencontrés sur place au chef-lieu de la wilaya sont unanimes à reconnaître l’extrême verrouillage de l’information par l’autorité militaire. Jour après jour, nous avons tenté d’accéder à une information vérifiable auprès de la cellule de communication de la 5e région militaire et suite à la promesse faite par le lieutenant-colonel responsable dudit organe de nous renseigner, nous n’avons pu rencontrer que des voix anonymes nous répondant que si l’officier en question n’est pas avec une délégation, il n’est pas dans son bureau. Un conseil nous est même suggéré, celui de faire «le guet devant le poste de police pour pouvoir le rencontrer». Il est pourtant si proche le temps où le responsable de la cellule de communication conviait, dans le cadre de la nouvelle politique de communication de l’armée prônée depuis le début de l’été, les représentants des médias à prendre un… thé.

Par Lemili A