Déclaration du genéral Mohamed Mediene: Les lectures de la classe politique

DÉCLARATION DU GÉNÉRAL DE CORPS D’ARMÉE MOHAMED MEDIENE

Les lectures de la classe politique

Le Soir d’Algérie, 6 décembre 2015

La sortie publique, hier samedi, du général à la retraite et ex-patron du DRS, Mohamed Mediene, dit Toufik, bien qu’elle n’ait comme mobile que l’affaire du général Hassan, n’a pas manqué de susciter des réactions aussi nombreuses que diversifiées.
C’est que le faiseur de présidents comme cela lui est prêté s’est imposé, le long de son règne à la tête du tout-puissant DRS, une démarche, celle d’agir loin des feux de la rampe, en toute discrétion.
A telle enseigne, d’ailleurs, qu’ils sont légion les ministres, voire de très hauts responsables qui ne l’ont pas approché, de là à prétendre partager avec lui une quelconque discussion.
Et son «intrusion» dans le débat public pour venir au secours de l’un de ses ex-subordonnés est sujet à nombre de lectures de par son timing au vu d’une inflation de missives, toutes dictées par une conjoncture politique, économique et sociale des plus incertaines. Un aspect donc loin d’avoir échappé à la vigilance de certains hommes politiques qui y voient tout simplement une preuve de plus et certainement pas de trop de la férocité d’une guerre de clans au plus haut sommet du pouvoir.
M. Kebci

Atmane Mazouz, chargé de communication du RCD :
«L’intrusion médiatique forcée du général Toufik qui s’en remet en avocat à l’opinion publique ne fait plus mystère sur la guerre des clans qui fait rage et qu’on se livre au sommet de l’Etat. Le choix du moment de sa sortie est plus important à décrypter que le contenu de sa déclaration. Voilà bien une première après l’éjection de l’homme qui fait et défait tout dans un pays dont on a abusé en toute impunité en le livrant à l’injustice, la prédation, la corruption et la fraude. Le RCD n’a pas attendu des injustices de plus pour s’indigner d’une justice soumise et aux ordres et être aux côtés de ceux qui les subissent. S’il s’agit de condamner des injustices, de dénoncer l’instrumentalisation de la justice, de s’opposer à l’intrusion du commandement militaire dans la sphère politique ou de la tribalisation d’un pouvoir, le RCD a longtemps fait savoir ses positions et payé cher son engagement. Toufik n’a pas à être consterné seulement par le sort d’une personne mais par celui de toute une nation qu’il a privée de liberté, de justice et de démocratie.»

Soufiane Djillali, président de Jil Jadid :
«L’intervention du général Toufik démontre par elle-même l’état de dégénérescence de l’Etat algérien. Il est toujours important pour un peuple de savoir ce qui se passe réellement dans les arcanes du pouvoir. Le général Toufik a assumé ses responsabilités en couvrant le général Hassan. En général, les responsables se défaussent sur leurs subordonnés. Maintenant, le général Toufik doit tenir beaucoup de vérités sur le système en général et sur chacun des personnages importants en particulier. Ce moment va déterminer si l’armée est une institution républicaine ou si, au contraire, elle est au service d’intérêts privés. L’avenir proche nous le dira très certainement.»

Noureddine Bahbouh, secrétaire général de l’UFDS :
«Je pense que la sortie de l’ex-premier responsable du DRS dénote d’un malaise qui a prévalu à un certain moment au niveau des hautes sphères du pouvoir. Ce qui est malheureux, c’est qu’on arrive à de pareilles situations. Véritablement, il y a malaise en haut lieu.»

Me Salah Dabouz, président du bureau national de la LADDH :
«La sortie de l’ex-patron du DRS soulève, à mes yeux, deux remarques : la première est que venant d’un responsable qui a occupé des fonctions très importantes une longue période durant, cette sortie nous réconforte quant au fonctionnement anormal de la justice dans le pays, que cette même justice serait même instrumentalisée. Ce que nous n’avons pas cessé de dénoncer.
La seconde remarque est que nous pensons que de très hauts responsables, qu’ils soient encore en poste ou à la retraite, ne doivent pas réagir que quand ils sont eux-mêmes ou un des leurs touchés. Normalement, ils se doivent de s’imprégner d’une certaine culture de l’Etat. Ceci au moment où beaucoup de détenus d’opinion croupissent en prison depuis juillet dernier dans l’anonymat total puisque personne ou presque n’en parle.»

Hocine Khaldoun, membre du bureau politique du FLN chargé de communication
«L’affaire Hassan n’est pas, à ce que je sache, définitivement tranchée puisque son jugement a fait l’objet d’un pourvoi en cassation et l’affaire est pendante par-devant la Cour suprême et que l’on use des voies de recours. Je pense que nous sommes dans un Etat de droit qui garantit la présomption d’innocence. Nous avons confiance en notre justice et que tout soit fait pour la manifestation de la vérité. Je pense que l’affaire ne relève pas de l’opinion publique.»

Abderrahmane Belayat, coordinateur du mouvement de redressement du FLN
«Je viens de prendre connaissance de la lettre du général de corps d’armée en retraite Toufik. Le contenu de cette prise de positon mérite réflexion et qu’on s’y arrête eu égard à beaucoup de considérations, en particulier parce que son auteur qui a une place spéciale dans la vie de l’ANP et en raison de la mission qui a été la sienne au sein de cette dernière. Il y a lieu de la prendre en considération en soulignant qu’il s’agit là d’un acte de haute responsabilité qui doit avoir une suite logique exigée par l’importance des faits en question.
L’avocat du général Hassan a demandé la présence de Toufik en tant que témoin. Alors, les organes compétents du tribunal militaire n’ont pu donner une suite favorable à cette requête. Le général Toufik n’a émis aucun point de vue sur le sujet en question avant et pendant le procès. Ce faisant, il a fait preuve de la discipline légendaire qu’il a toujours manifestée dans l’exercice de ses fonctions au sein de l’armée. Cette lettre est imprégnée d’une haute vision de la responsabilité du fait qu’elle n’est ni intempestive, ni vindicative, ni une fuite devant les responsabilités. Elle exprime une conscience de la responsabilité et un grand respect des principes républicains. C’est ce que nous avons toujours connu de lui.
En définitive, je pense que cette lettre est à la fois une fidélité aux principes républicains et une loyauté vis-à-vis du président de la République et une contribution à une bonne administration de la justice de notre pays. J’espère qu’elle sera interprétée en haut lieu en faveur du général Hassan et de tous les cas similaires actuels.»
Propos recueillis par M. K.

Louisa Hanoune
«A travers la lettre du général Toufik, nous avons compris qu’il n’y a pas que la justice civile qui est malade. La justice militaire l’est également. Le général Toufik a défendu l’honneur de l’ANP et le nôtre, celui de tous les Algériens. Le fait qu’il n’ait pas été convoqué au procès du général Hassan pour témoigner est un déni de justice.»
A. C.