Face aux gangs de Bab El Oued : Les citoyens se mobilisent

Face aux gangs de Bab El Oued : Les citoyens se mobilisent

El Watan, 24 juillet 2011

Les habitants de Bab El Oued n’ont plus goût à la vie ; les gangs, qui gangrènent ce quartier mythique de la capitale, rendent leur quotidien difficile. Se sentant lâchés et délaissés par les autorités, ils comptent mettre de l’ordre à leur façon.

Aujourd’hui, ils ont décidé de suspendre la circulation sur la route menant aux Trois-Horloges, le rond-point de toutes les discordes. Un calme précaire régnait hier à Bab El Oued, plus exactement au lieudit Trois-Horloges. Les petits marchés informels des rues adjacentes étaient quadrillés par des éléments de la police, suite à la nuit mouvementée qu’a connue le quartier vendredi dernier. On dénombre deux blessés : un civil et un policier. Les habitants, lassés par les promesses non tenues de la sûreté de daïra, concernant l’éradication des gangs, ont décidé de passer à l’action. «Aujourd’hui, en bloquant la circulation, c’était une manière d’interpeller les pouvoirs publics sur le danger qui nous guette», selon leurs dires. Pour les représentants des habitants de Bab El Oued, s’exprimant sous couvert de l’anonymat par peur de représailles, «le laxisme des autorités ne fait que perdurer.

Ce qui laisse le champ libre aux délinquants d’agir en toute impunité. Le nouveau commissaire principal Abdelghani Derrar a de bonnes intentions. Mais nous avons constaté qu’il n’y avait pas assez d’opérations pour mettre fin à la terreur des chefs de gangs». Bab El Oued vit ces deux dernières années au rythme de violents affrontements qui opposent des clans. Ces derniers sont constitués de jeunes, des repris de justice pour la plupart, originaires de Carrière Joubert, de Climat de France et de marché Lekbir. Les chefs de gangs, une quinzaine environ, se sont lancés dans une guerre sans merci. Leur objectif, c’est d’avoir l’exclusivité pour vendre de la résine de cannabis et des psychotropes. La conquête du territoire, digne d’un film à la Scorsese, n’a pas été sans dramatiques conséquences. Il y a eu mort d’homme par le passé. Le nombre de blessés est des plus inquiétants au vu de la chronologie des événements.
Ce tragique scénario envenime la vie des familles. Elles n’ont qu’un seul désir : quitter Bab El Oued, mais pour aller où ? Plus loin, les représentants des habitants dénoncent un commerce de drogue au vu et au su de tout le monde. «Des vendeurs de l’informel ont mis sur pied des étals grâce auxquels ils peuvent écouler leurs stupéfiants. Ils vendent des chaussettes, des chemises et des polos, tandis que sous la table, ils peuvent vous vendre des plaquettes de cannabis. Les acheteurs proviennent des 48 wilayas, sans oublier des émigrés qui affluent en été, car le produit n’est pas cher comparativement aux prix pratiqués en Europe», témoigne-t-on.

Toto Riina n’est pas loin

Pour nos interlocuteurs, Bab El Oued va exploser. «L’absence de l’Etat est une insulte à notre égard. Nous ne savons pas pourquoi. Serait-ce parce que Bab El Oued a été le fief de l’islamisme au début des années 1990 ? Les habitants de la commune pensent dans leur grande majorité que c’est une vengeance étatique.» Outre la recrudescence des actes de banditisme, ce qui fait craindre les «Babelouadis», c’est la hiérarchisation des clans. Selon eux, «les gangs adoptent les coutumes du crime organisé, un peu à la sauce italienne». Un médecin natif de Bab El Oued ajoute : «D’ici quelques années, il ne sera pas étonnant de voir à Alger, des gangs copie conforme de La Camora ou de la Cosa Nostra.» Pensant que «l’Etat veut créer une délinquance institutionnalisée», les habitants veulent prendre les choses en main. «Nous serons les justiciers du quartier. Vendetta oblige», indiquent-ils.

Alerte à la bombe hier :

Les habitants de Bab El Oued ont vécu durant une trentaine de minutes les pires moments de leur journée. Vendredi dernier, un cabas oublié par une patiente hospitalisée à la clinique ex-Durando, à proximité de la sûreté de daïra, a été à l’origine d’une panique sans précédent, nous ont relaté des témoins.

Pensant qu’il renfermait un produit explosif, les policiers ont fait appel à une équipe de désamorçage de bombes. Une foule immense suivait l’intervention. Au final, le cabas renfermait les vêtements de la patiente et les couches de son bébé. Un grand ouf de soulagement a été poussé par les habitants.
Mehdi Bsikri


LES FORCES DE L’ORDRE MÈNENT UNE OPÉRATION DE CONTRÔLE D’IDENTITÉ

Bab el oued au lendemain d’une nuit agitée

Par Karim AIMEUR, L’Expression, 24 Juillet 2011

Les éléments de la police mènent depuis trois jours une vaste campagne de vérification de l’identité des personnes à Bab El Oued. Les policiers se sont introduits dans les quartiers et les ruelles de cette cité, au niveau de la place des Trois Horloges et de la place jouxtant l’hôtel El Kettani, à la recherche des personnes impliquées dans les troubles de jeudi dernier.
Selon un habitant de Bab El Oued, le contrôle systématique d’identité des personnes vise particulièrement les jeunes. Cette opération intervient au lendemain de la descente nocturne de certaines personnes qui ont semé le trouble et le désordre dans la nuit de jeudi à vendredi, provocant des affrontements entre les habitants de différents quartiers. Armés de sabres et de poignards, des dizaines de personnes sont venues, jeudi dernier du quartier Carrière à la place des Trois Horloges vers 19h30 et ont affronté les marchands informels de téléphones portables et autres articles électroniques qui occupent cette place publique.
Plusieurs blessés auraient été enregistrés lors de ces événements, dont un policier et un passant. Ce dernier a reçu un coup de poignard au niveau du coeur. Un véhicule de la police a été également incendié par les assaillants. Les affrontements se sont renouvelés à 2 heures du matin entre les assaillants et les forces de l’ordre au niveau du quartier Climat de France. Suite à quoi, la police aurait arrêté trois jeunes impliqués dans les troubles après leur identification grâce aux images des caméras de surveillance. Selon des habitants du quartier de Bab El Oued, les assaillants seraient d’anciens prisonniers libérés à la faveur de la dernière grâce présidentielle et dont les actes obéissent à la logique des règlements de comptes. Cependant, ce n’est pas la première fois que Bab El Oued connaît de telles d’affrontements. Durant les vingt derniers jours, les habitants ont dénombré cinq événements de même nature. «Bab El Oued est plus que jamais sujette à ce genre d’affrontements», a déclaré un habitant.