Entretien avec Noureddine Berrachedi, chef de sûreté de la wilaya d’Alger : « Alger ce n’est pas Marseille ! »

Entretien avec Noureddine Berrachedi, chef de sûreté de la wilaya d’Alger : « Alger ce n’est pas Marseille ! »

Propos recueillis par Hadjer Guenanfa, TSA, 15 novembre 2013

Nourredine Berrachdi est le chef de la sûreté de la wilaya d’Alger. Âgé de 50 ans, il travaille depuis 29 ans à la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN). Dans cet entretien, il revient sur les dernières batailles rangées dans certaines cités de la capitale. Il évoque la réponse apportée à la violence dans les stades et le comportement de certains agents, souvent critiqués par les Algérois.

Vous refusez de qualifier les affrontements enregistrés dernièrement dans les cités de guerre des gangs…

Je pense qu’il faut dédramatiser les choses. Dire qu’il y a un gang suppose l’existence d’une organisation pyramidale avec notamment un chef. Ce qui n’est pas le cas à Alger. Un problème se pose dans les nouvelles cités où il y a une forme de tribalisme citadin. Ça commence généralement par une dispute entre deux jeunes personnes, avec coups et blessures et avec cette virilité démesurée qu’on essaie de gérer. Notre stratégie est simple. Nous avons toujours un œil sur ces cités, et dès qu’un problème se pose, on essaie de le circonscrire rapidement. Les choses se calment quand la victime constate que les auteurs ont été arrêtés. En 2011, nous avons enregistré 17 grandes opérations contre cinq depuis le début de l’année en cours. Donc, pour nous, il y a une régression du phénomène.

Peut-on parler de quartiers difficiles qui échappent parfois au contrôle des services de sécurité ?

À Alger, la notion des quartiers difficiles n’existe pas à la sûreté de wilaya. Ce sont des quartiers auxquels on peut accéder à tout moment. Alger ce n’est pas Marseille !

Qu’en est-il de la violence dans les stades ?

Nous avons renforcé le dispositif et il n’y a plus de bagarres dans les stades. Le dernier match entre le MCA et El Harrach s’est passé dans de bonnes conditions et il n’y a pas eu de blessés. Une évaluation des menaces est faite avant chaque rencontre footballistique. On étudie l’enjeu du match et l’animosité entre les supporters des deux équipes. En fonction de cette évaluation, on met en place notre dispositif. On sécurise les lieux avant, pendant et après le match. Nous sommes présents sur les gradins pour éviter l’envahissement du terrain. Avec 50 000 supporters, parfois il y a des incidents. Le stade de Bologhine par exemple a une capacité de 10 000 ou 11000 supporters, et on se retrouve avec 40 000, ce n’est pas normal ! Celui du 20 Août se trouve au milieu d’un centre urbanistique. L’endroit est mal situé, je pense. Mais la violence au niveau des stades a complètement régressé.

Mais le problème des armes blanches au sein des stades se pose toujours…

On découvre parfois des lames à l’intérieur des téléphones portables et dans des sandwichs de frites. C’est pour vous dire à quel point la fouille est très minutieuse. Cela dit, il n’y a pas de risque zéro.

Une femme peut donc assister à un match MCA-USMA sans se sentir en danger ?

La présence des femmes dans les stades est une culture qu’on doit développer. Elles sont les bienvenues ! Elles seront sous notre responsabilité et nous garantirons leur sécurité. D’ailleurs, des femmes étaient présentes lors d’un match entre le Koweit et l’USMA.

Quel est le dispositif qui sera mis en place pour le match Algérie-Burkina Faso ?

Le match aura lieu à Blida. Selon nos estimations, près de 10 000 Algérois feront le déplacement. Nous interviendrons alors pour encadrer l’aller et le retour vers Alger. Si l’Algérie se qualifie, ce qu’on espère, il y aura des manifestations de joie qui seront également encadrées. Nous accompagnerons les gens jusqu’à ce qu’ils rentrent chez eux. Près 2 500 policiers, enfin l’ensemble du personnel de la sûreté, seront mobilisés.

Quel bilan faites-vous de la lutte contre le commerce informel à Alger ?

Nous avons éradiqué dix grands marchés informels sur instruction du général major Abdelghani Hamel. Toutes les grandes placettes ont été dégagées. Mais on joue au chat et à la souris avec eux (les jeunes commerçants informels, ndlr). En attendant que les autorités locales trouvent des solutions à ces jeunes, nos éléments passent parfois huit heures dans ces places pour qu’elles ne soient pas réoccuper. Cela se passe au détriment de la lutte contre la criminalité parce que ces agents peuvent être mobilisés ailleurs.

Beaucoup se plaignent du comportement de certains agents de la police, notamment dans les barrages et lors des dépôts de plaintes dans les commissariats…

Le général major insiste sur l’accueil du citoyen et la prise en charge de ses doléances. Et les policiers sont constamment instruits pour éviter les incidents avec les citoyens. Pour ce qui est de ces comportements, nous ne sommes pas dans un monde angélique. Il y a une inspection générale des services au sein de la DGSN et on arrive parfois à des sanctions administratives sévères.

La police est souvent pointée du doigt par les militants des droits de l’Homme et des syndicalistes qui l’accusent d’agressions…

La police n’agresse pas les gens. Elle les invite simplement à respecter les lois de la République. Les personnes qui l’accusent peuvent porter plainte.