Quel armement français pour l’ANP ?

Quel armement français pour l’ANP ?

La Nouvelle République, 25 juillet 2004

En fait, il n’en est rien mais ce qui est certain c’est que l’Algérie – faute d’une autre politique de défense, moins coûteuse – va dépenser autour de 2,3 milliards de dollars annuellement jusqu’en 2007. Une dépense nécessaire pour remettre d’aplomb une armée engagée sur le terrain de la lutte antiterroriste pendant près de dix ans sans pouvoir rénover son matériel déjà dépassé et rendu difficile à maintenir en état de fonctionner après la crise financière du milieu des années 80. Frappée par un embargo, l’importation d’équipements militaires n’était pratiquement plus possible notamment en provenance des pays occidentaux.
La crise en Russie avait même obligé l’armée algérienne à rénover une partie son matériel soviétique avec ses propres moyens. En fait, ce que l’on sait déjà c’est que des équipements français sont déjà embarqués sur les chars algériens T 72. On évoque aussi la possibilité de voir les avions de combat dotés d’équipements électroniques français mais le journal Le Figaro croit savoir que les Algériens seraient intéressés par un système de surveillance des frontières équivalent à celui appelé Miksa que les Français doivent livrer aux Saoudiens.
Qu’est-ce que Miksa ? En Arabie Saoudite, on l’appelle The Saudi Border Guard Development Program Miksa. Il s’agit d’un projet colossal de fournitures d’équipements de surveillance à l’Arabie Saoudite dont le coût est estimé à 7 milliards d’euros à dépenser sur douze ans.
Miksa prévoit la dotation du Royaume saoudien d’un réseau de télécommunications Acropole (un système conçu par le ministère de l’Intérieur français pour sa police), d’avions de reconnaissance et d’hélicoptères, au moins une vingtaine. On ne sait pas grand-chose des modalités de fonctionnement (le projet est classé secret Défense) mais on les imagine. Il s’agit d’un système d’organisation pour la protection des 5 000 kilomètres de frontières de l’Arabie Saoudite en disposant 225 radars détectant toute intrusion par terre, air ou mer. Le système alerte instantanément, grâce à une liaison satellite, le centre de commandement (à réaliser) situé dans la capitale Ryad.
En fait dans ce projet, non seulement il faut fournir l’équipement technique mais aussi construire le bâtiment principal pour la gestion du système et la réalisation de 400 postes-frontières mais aussi des casernes (pouvant héberger jusqu’à 20 000 hommes) ainsi que des centres de surveillance régionaux. Un véritable arsenal dissuasif.
Il reste que le coût est prohibitif pour l’Algérie et nécessite un suivi qui serait assuré par des spécialistes français pour une longue période. Cela rappelle, sous certains aspects, le projet CRAC que devait vendre la France à l’Algérie au début des années 90. Un système de surveillance radar dont la commande a été annulée après les événements de janvier 1992 et l’arrêt du processus électoral et surtout la démission de Chadli Bendjedid. Le président Chadli à l’époque avait donné son accord pour l’achat de ce système qui aurait également obligé l’Algérie à avoir recours à une coopération militaires avec la Française durant une longue période. Par ailleurs, dans le projet Miksa, «la France politique» a déjà eu maille à partir. L’affaire traîne depuis dix ans. Miksa devait être mis en œuvre et suivi par Thales, une entreprise française spécialisée dans l’électronique et les télécommunications et vendue par la France sous l’égide du ministère de l’Intérieur. Les Saoudiens ont craint surtout un manque de transparence dans la conclusion du contrat sous la houlette de Nicolas Sarkozy alors ministre de l’Intérieur. L’affaire des frégates pour Taïwan a dû laisser des traces.

Des satellites français
L’Algérie pourrait également être intéressée par les images satellites. Avec les futurs Hélios, la France s’est dotée de satellites espions capables de «voir» la nuit alors que ces derniers étaient aveugles dès le coucher du soleil. Le lancement, cette année, du premier des deux satellites Hélios-II doté de capacités infra-rouges sera suivi par un second à mettre en orbite dans quatre ans au plus tard. En fait, si la France possède des satellites espions, ces derniers ne voient que de jour et uniquement lorsqu’il fait beau. Selon un rapport parlementaire rendu public début juillet par le député socialiste Jean-Michel Boucheron, Hélios-II coûtera plus de deux milliards d’euros pour une durée d’exploitation de dix ans, soit l’image à plus de 3000 euros. Outre le coût, on reproche aux satellites espions français leur volume et leur technologie. Alors que la tendance est aux micro-satellites, les Français continuent de fabriquer des satellites dédiés aux applications militaires particulièrement volumineux dont la mise en orbite coûte particulièrement cher.
Les Hélios II équipés de caméras infrarouges peuvent explorer les dimensions multispectrales (les différentes ondes optiques émises par les différentes matières) avec une résolution submétrique (ils voient des objets mesurant entre 50 et 80 cm ou alors distinguer deux objets séparés de 50 ou 80 cm). Il reste que les hélios ne pourront toujours pas voir sous les nuages, seuls les satellites radars, à l’exemple des américains Lacrosse, peuvent le faire. Est-ce que les coûts élevés pousseront les Français à proposer les services de leurs satellites à d’autres pays, notamment l’Algérie ? La question reste entière. Alors que pour les constellations Hélios I (lancés entre 1995 et 1999), les Allemands, Italiens et Espagnols avaient pris part à l’aventure, sur les Hélios II, seuls les Belges veulent participer au financement à hauteur de 2,5%.
Pour les satellites radars, on parle de partenariat avec les Allemands qui s’apprêtent à lancer leur Super Lupe. Mais déjà l’échange de renseignement en France entre militaires français semble poser problème, selon certains observateurs. Dès lors, on imagine mal l’échange entre pays, de là à parler de vente d’images à d’autres Etats…