Al-Qaïda fait une OPA sur le GSPC

Al-Zawahiri l’a proclamé officiellement

Al-Qaïda fait une OPA sur le GSPC

Saïd Rabïa, Liberté, 13 septembre 2006

Les contacts entre les deux organisations terroristes remontent, en fait, au début des années 1990 où l' »émir » du Sud du GSPC, Mokhtar Mohamed Ben Mokhtar, a pris attache avec Ben Laden au moment où il était au Soudan.

Al-zawahiri vient de proclamer officiellement l’intégration du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) à Al-Qaïda. Le numéro 2 de cette organisation a tenu à préciser que c’est Oussama Ben Laden lui-même qui l’a chargé de révéler, dans une intervention diffusée avant-hier par la chaîne de télévision qatarie Al Jazzera, l’officialisation de l’allégeance du GSPC.

Cet événement, l’organisation terroriste dirigée depuis 2004 par Abdelmalek Droukdal alias Abou Moussaâb Abdel Ouadoud l’attendait depuis longtemps car au-delà de la symbolique de cette relation devenue désormais organique, le GSPC pourrait bénéficier surtout des soutiens de tous genres qu’un tel mariage est susceptible de procurer pour pouvoir résister aux assauts des forces de sécurité algériennes. Qu’est-ce que n’a pas fait le Groupe salafiste pour la prédication et le combat pour enfin atteindre son objectif d’intégrer l’organisation d’Oussama Ben Laden ? L’an dernier, son « émir » national avait demandé l’exécution des deux diplomates algériens enlevés en Irak par le groupe Al-Zarqaoui qui n’avait pas manqué, par ailleurs, d’exhausser ses vœux. Abou Moussaäd Abdel Ouadoud dans sa justification de l’assassinat des deux représentants algériens en Irak soulignera, dans la revue El-Djmaä, que sa position n’est en fait que « l’application à la lettre des règles d’allégeance ».

Beaucoup de spécialistes y verront, en effet, les signes avant-coureurs de ce qui allait devenir une année plus tard un mariage officiel entre le GSPC et Al-Qaïda. Dans une déclaration au quotidien El Khabar, son ancien acolyte qui était responsable de la cellule de communication de l’organisation terroriste confirmait les intentions de l' »émir » national en soutenant que ce dernier était bel et bien en contact, du moins ce qui pouvait être comme premières tentatives, avec Abou Moussaâb Al-Zarqaoui via Internet. Et pour plaider sa volonté d’allégeance à Al-Qaïda, le GSPC avait même mobilisé ses éléments pour aller combattre en Irak. Mais pas seulement, il mettra aussi ses réseaux européens à la disposition de l’organisation d’Oussama Ben Laden. Les contacts entre les deux organisations terroristes ne remontent pas cependant à l’année dernière ou à 2004, date de l’intronisation de Abdelmalek Droukdal à la tête du GSPC.

Dans une interview que Abderrezak El-Para avait accordée lors de sa détention par l’opposition tchadienne à Paris Match, il a été révélé pour la première fois que le numéro 2 d’Al-Qaïda Aïmen Dhaouhiri était bien en relation avec le groupe salafiste. En 1998, un terroriste arrêté à Tizi Ouzou a avoué qu’une année plutôt, il a eu à entendre la voix de Ben Laden qui était en communication avec Hassan Hattab, à l’époque « émir » national du GSPC. Les tentatives d’établir des contacts avec Al-Qaïda allaient, dès lors, prendre une cadence jamais connue avant 2001, notamment après la mort de l’envoyé d’Oussama Ben Laden, Abou Mohamed El Yamani, à Batna, abattu par les services de sécurité. Mokhtar Ben Mohamed Ben Mokhtar alias Abi El-Abbès Khaled, « émir » régional, qui fait état de la coïncidence de l’émergence de forte tendance de vouloir à tout prix s’affilier à Al-Qaïda et le déploiement des forces étrangères, américaines surtout, pour combattre le terrorisme dans la région du Sahel. L’attaque contre une caserne mauritanienne à Lamghiti s’inscrit, d’ailleurs, selon lui, dans la volonté de donner des ramifications au terrorisme, en général et à Al-Qaïda en particulier, dans les pays du Maghreb et de cette région subsaharienne.

Le chef terroriste situe, quant à lui, les premiers contacts avec les groupes terroristes algériens, les GIA et l’organisation de Ben Laden, au début des années 1990, plus exactement entre 1993 et 1995 lorsque le milliardaire saoudien se trouvait encore en compagnie de groupes d’Afghans au Soudan. Il révélera, en effet, qu’il a été chargé par l' »Emirat », lui et son acolyte un certain Abdelbaki, de jeter les bases des premiers contacts avec Al-Qaïda pour solliciter, dira-t-il, son soutien au terrorisme en Algérie. Et c’est ainsi que des représentants du GIA ont pris part à un conclave à Peshawar de l’Internationale terroriste pour donner naissance à un front unique contre les croisés et les juifs. Trois « émirs » tenteront, régulièrement, depuis de prêter allégeance à Al-Qaïda. Ils ont une tendance quasi naturelle à vouloir s’intégrer à l’organisation de Ben Laden. Le secret en est que tous les trois ont fait à la fin des années 80 le djihad en Afghanistan. Ben Mokhtar n’hésite pas d’ailleurs à exhiber son carnet d’adresses. Il affirmera qu’il a fréquenté les camps d’instruction de Khelden, de Djihad Oual et de Djallelabad où il a connu de sinistres personnages d’Al-Qaïda. Il s’agit de Khattab, Abid Thabet Al-Masri, Abi Bennanne Al-Djazaïri, Abou Mouaâd Al-Khousti, Abi Koutada, Al-Makdissi et Abi Tallel. L’actuel « émir » national du GSPC, El-Para et d’autres, en feront autant du fait de leur « djihad » en Afghanistan. Mais si le Groupe salafiste pour la prédication et le combat n’était affilié à Al-Qaïda que de manière virtuelle parce qu’il adhère à ses thèses djihadistes, aujourd’hui il en est partie intégrante. Faudrait-il, de ce fait, s’attendre à ce que le choix de ses cibles soit revu, après avoir adopté les mêmes procédés de propagande : Internet, les films de leurs victimes et la publication d’une revue dont le dernier numéro a été dédié exclusivement à Al-Zarqaoui ?

S. Rabia